Jusque-là, il avait laissé le soin à ses porte-flingues « d'abattre » celui qui est devenu à ses yeux un ennemi juré. Pas plus tard qu'en avril dernier, Augustin Kabuya, le chef du parti présidentiel, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), à la suite de certains de ses camarades, avait accusé Joseph Kabila d'être le parrain de l'Alliance Fleuve Congo (AFC).
Cette fois-ci, c'est Félix Tshisekedi qui s'en est personnellement chargé. Dans une interview accordée, le 6 août dernier, à la radio Top Congo et diffusée depuis Bruxelles où il séjournait, le président de la République démocratique du Congo n'y est, en effet, pas allé par quatre chemins pour déclarer : « L'Alliance Fleuve Congo, c'est lui. » L'AFC, rappelons-le, est un mouvement politico-militaire lancé il y a environ neuf mois par Corneille Nangaa, ci-devant président de la Commission électorale congolaise. Un mouvement rebelle donc qui compte parmi ses composantes le M23, lequel donne du fil à retordre à l'armée congolaise dans l'est du pays.
Tant que c'était les seconds couteaux, on pouvait encore penser que c'était des accusations sans fondement. A présent que c'est le grand patron lui-même qui « ouvre le feu », on présume qu'il dispose d'éléments concordants pour appuyer son assertion. Il faut dire que les relations entre l'actuel locataire du palais de la Nation et son prédécesseur n'ont cessé de se dégrader au fil du temps, alors que le second avait manifestement donné un coup de pouce à Fatshi lors de ses petits « arrangements à l'africaine » dont parlait l'ancien ministre français des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian à propos de la présidentielle congolaise du 20 décembre 2016. Les complices d'hier seraient-ils donc devenus des ennemis jurés ?
Si ce que Tshisekedi dit est vrai, faut-il donc croire que le fils de Mzee, qui a succédé à son père, Laurent Désiré Kabila, après l'assassinat de ce dernier le 16 janvier 2001, regrette d'avoir joué la carte Tshisekedi il y a quelques années ? En tout cas, le premier magistrat congolais n'est pas loin de présenter celui auquel il a succédé comme un ennemi de la nation, dans la mesure où le M23, donc l'AFC, est soutenu par le voisin rwandais qui, malgré ses nombreuses dénégations, n'arrive toujours pas à convaincre de sa bonne foi.
Au cours de l'entretien en question, l'interviewé a d'ailleurs carrément qualifié le président rwandais, Paul Kagame, de « criminel », martelant avec force : «Au grand jamais, tant que je serai président, j'aurai en face de moi le M23 ou l'AFC. » Même si, paradoxalement, il se dit toujours ouvert à des discussions avec son homologue rwandais.
Voilà en tout cas des propos symptomatiques de l'agacement de plus en plus prononcé de Félix Tshisekedi qui menaçait, il n'y a pas si longtemps, de déclarer la guerre à son petit mais dangereux voisin rwandais. Et à l'allure où vont les choses effectivement, il faut craindre que la moindre étincelle ne mette le feu aux poudres, chose qui contribuerait à rendre beaucoup plus complexe une situation sécuritaire déjà pas facile à gérer.
Vivement donc que la sagesse visite les différents protagonistes de cette crise congolaise afin que la région des Grands Lacs, qui n'a pas connu de paix véritable depuis de longues années, ne s'enlise pas totalement dans le chaos.