A l'issue d'une visite de deux jours au Cameroun, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a souligné mercredi que la lutte contre l'impunité dans ce pays est « absolument essentielle » pour renforcer la confiance entre les citoyens et l'Etat.
« Le Cameroun est aujourd'hui confronté à des défis multiples et complexes en matière des droits humains, mais des opportunités se présente à lui aussi, en particulier compte tenu de sa population extrêmement jeune, avec plus de 40 % des Camerounais et des Camerounaises âgés de moins de 15 ans, et une société civile très dynamique », a observé M. Türk lors d'une conférence de presse à Yaoundé.
Elections de 2025 et de 2026
Selon lui, le processus électoral au Cameroun, qui mènera aux élections de 2025 et de 2026, constitue « une occasion clé pour renforcer l'inclusion politique et faciliter la participation de toutes les composantes de la société, notamment les jeunes, les femmes, les populations des zones touchées par des conflits, les personnes déplacées internes et les personnes vivant avec un handicap ». « Et ce, afin de garantir la libre expression des opinions politiques de tous et de toutes », a-t-il ajouté.
Selon le chef des droits de l'homme, le processus électoral est également l'occasion de s'assurer que l'espace civique est protégé pour permettre des discussions et des débats vigoureux sur les moyens de relever les défis ensemble.
Parmi les défis les plus difficiles, il a cité les trois crises sécuritaires simultanées dans différentes régions du Cameroun : la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, caractérisée par la persistance de graves atteintes et violations des droits humains ; l'impact des attaques menées par Boko Haram et des groupes affiliés et dissidents dans la région de l'Extrême-Nord; et les conséquences de la crise en République centrafricaine dans la région de l'Est.
Le Cameroun se situe également dans une région fortement touchée par la crise climatique, notamment dans la région de l'Extrême-Nord. La sécheresse, les précipitations irrégulières et la désertification croissante dans le bassin du lac Tchad ont déclenché des tensions et des violences, parfois entre les communautés d'éleveurs et d'agriculteurs.
Le Cameroun est un important pays d'accueil des réfugiés. En juin de cette année, il comptait environ 1 million de personnes déplacées internes, et un total de 3,4 millions avaient besoin d'une aide humanitaire, sur une population d'environ 28 millions d'habitants. Selon M. Türk, « la communauté internationale doit se mobiliser pour s'assurer que les besoins humanitaires sont financés de façon adéquate ».
Crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
Il a rappelé que dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ce qui avait commencé comme des manifestations pacifiques en 2016 s'est transformé en une crise majeure pour la population civile, avec des affrontements entre des groupes séparatistes, d'autres groupes armés et les forces de sécurité, faisant des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés et plus de 700.000 enfants privés de leur droit à l'éducation.
« Des informations continuent de faire état de violations des droits humains et d'atteintes à ces droits, notamment d'homicides, de mauvais traitements et de torture, d'enlèvements contre rançon et de restrictions à la liberté de circulation. L'imposition de jours de confinement par des groupes séparatistes, empêchant les enfants de se rendre à l'école et les populations d'accéder à leurs moyens de subsistance - au risque de se faire tirer dessus - est inacceptable et doit être fermement condamnée », a-t-il affirmé, appelant à ne ménager aucun effort « pour faire taire les armes et mettre fin à cette crise ».
« Malheureusement, il y a une impunité persistante pour les graves violations commises », a-t-il dit, ajoutant que « la lutte contre l'impunité est absolument essentielle - quelle que soit l'affiliation des auteurs - car elle contribuera grandement à renforcer la confiance entre les citoyens et l'État ».
Là où les forces de sécurité de l'État ont été impliquées dans des violations, il a estimé « essentiel » que des enquêtes soient menées « indépendamment, rapidement et de manière transparente », et que les auteurs soient traduits en justice, tout en assurant la protection des victimes et des témoins. Il a dit avoir reçu des assurances de la part du gouvernement à cet égard.
Selon M. Türk, une approche centrée sur les victimes doit guider tous les efforts visant à résoudre cette crise prolongée. Il a aussi appelé le gouvernement à faciliter l'accès humanitaire aux zones touchées par le conflit et l'a exhorté à réviser la loi antiterroriste de 2014.
Il a expliqué que son Bureau est disposé à fournir conseils et assistance et qu'il a demandé aux autorités d'organiser une mission d'évaluation d'une équipe de spécialistes des droits humains de l'ONU dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pour évaluer le progrès réalisé à la suite des recommandations du rapport de 2019, et l'évolution de la situation depuis.
Liberté d'expression
Le chef des droits de l'homme de l'ONU a rappelé que la période qui précède les élections est toujours particulièrement délicate, dans tous les pays du monde. Il a appelé les partis politiques de tous bords à s'engager publiquement pour la cause des droits humains, notamment pour veiller à ce que les droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique soient protégés dans le cadre des élections de 2025 et 2026.
« Les organisations de la société civile et les journalistes doivent être en mesure d'effectuer une surveillance de la situation et de publier des rapports essentiels dans le contexte pré-électoral, aux côtés de la Commission des droits de l'homme du Cameroun (CDHC), y compris en ce qui concerne la lutte contre les discours de haine et la désinformation - sans crainte d'intimidation ni de représailles », a-t-il dit.
Il a indiqué avoir invité les autorités camerounaises à accélérer l'adoption d'une législation exhaustive sur les violences faites aux femmes et à réviser le code pénal pour garantir l'accès à la justice et à d'autres services essentiels pour les victimes.
« Les pratiques néfastes, notamment les mariages forcés ou précoces, le harcèlement sexuel, le viol et la mutilation génitale féminine doivent être vigoureusement combattues », a-t-il dit. « Les inégalités et la discrimination fondées sur la race, l'appartenance ethnique, la religion, l'origine linguistique, l'orientation sexuelle et d'autres motifs doivent être proscrites ».