Burkina Faso: Flux financiers illicites dans le secteur minier - Le pays a perdu plus de 2 770 milliards F CFA entre 2012 et 2021

Le comité de pilotage de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Burkina Faso (ITIE-BF) a remis son rapport d'étude sur les flux financiers illicites dans le secteur minier burkinabè au ministre de l'Economie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, le mercredi 7 août 2024, à Ouagadougou.

Les Flux financiers illicites (FFI) dans le secteur minier fait perdre d'importantes ressources financières à l'Etat burkinabè. Sur la période 2012-2021, la valeur des FFI a été estimée à 4 926,14 millions de dollars US, soit environ 2 774,59 milliards F CFA et a concerné l'exportation de produits miniers tels que l'or, le zinc... Entre 2015 et 2021, les FFI cumulés ont été estimés à 3 686,75 millions de dollars US contre des recettes minières cumulées de 3 116,91 millions dollars US. Ces FFI représentant 118,28% des recettes minières sur cette période.

Ces données sont le résultat d'une étude sur les FFI dans le secteur minier burkinabè réalisée par le comité de pilotage de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Burkina Faso (ITIE-BF). Ce rapport a été remis au ministre de l'Economie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, le mercredi 7 août 2024, à Ouagadougou.

Cette étude qui s'est déroulée entre novembre 2022 et décembre 2023 a permis de mettre en lumière plusieurs insuffisances dans la gouvernance du secteur minier. Il s'agit de la faible connaissance des principaux mécanismes de financement du secteur par les services de l'Etat, la faible capacité humaine, matérielle et financière des acteurs de la surveillance du secteur, le faible partage d'informations entre les services techniques des ministères en charge des mines et des finances, la non application des diligences relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

A cela s'ajoute, le grand écart observé entre les quantités produites et les quantités exportées d'or d'environ six tonnes d'or en moyenne entre 2012 à 2015, l'utilisation de certains titres miniers et autorisations à d'autres fins ou octroyés à des prête-noms, une faible maitrise des opérations de cessions directes et indirectes des titres miniers et autorisations par les ser-vices, l'effet pervers des sociétés de placement sur les travailleurs du secteur et sur l'IUTS, l'importance des crédits TVA dont le montant cumulé effectivement remboursé par le trésor public entre 2018 et 2021 s'élève à 365,707 milliards FCFA.

Financement du terrorisme par la vente de l'or à l'Est

L'étude a également permis de mettre en exergue les facteurs de survenances de FFI dans le secteur extractif au niveau des directions générales des impôts, de la douane et du trésor public et de la comptabilité publique. « Les enquêtes réalisées auprès des acteurs institutionnels ont également permis de cerner les typologies des FFI rencontrées par les acteurs du secteur extractif.

Ainsi, le montant total des infractions liées au secteur extractif s'élève à 119,457 milliards francs CFA. Il est également ressorti des enquêtes un lien entre le terrorisme et le trafic de l'or à travers notamment les informations recueillies lors du démantèlement d'un réseau de trafiquants d'or dans la région de l'Est qui a permis de découvrir que le produit de vente du minerai avait été transféré aux groupes terroristes », a précisé le président du collège de la société civile au sein du comité de pilotage de l'ITIE, Jonas Hien, représentant le président du comité de pilotage de l'ITIE-BF.

Selon M. Hien, cette étude s'appuie sur les travaux menés au niveau international et national et s'inscrit pleinement dans les objectifs du Plan d'action pour la stabilisation et le développement (PA-SD) notamment en en son axe 2 qui a pour objet d'« approfondir les réformes institutionnelles et moderniser l'administration publique». Selon le comité de pilotage, au regard des implications des FFI sur l'économie, le développement et sur la lutte contre le terrorisme, la production d'un tel rapport s'imposait.

« En considération du contexte du Burkina, il était tout indiqué qu'un tel travail soit mené afin de donner un outil de réflexion et de décision aux décideurs, de voir dans quelle mesure, en synergie avec les différents acteurs, oeuvrer à limiter ce phénomène, et surtout de contribuer à la lutte contre le terrorisme dans notre pays », a-t-il souligné.

Et d'ajouter que si toutes ces ressources qui échappent illicitement à l'Etat burkinabè lui aurait permis de faire tourner l'économie nationale, de financer le développement socioéconomique et de ne pas faire recours à la mobilisation extérieure à travers l'endettement.

Pour le ministre Nacanabo, cette étude vient à point nommé, répond à un besoin réel de documenter le phénomène des FFI. Les études du genre ont l'avantage de permettre aux Etats africains de prendre conscience de l'ampleur du phénomène, du manque à gagner financier qui est largement au-dessus de l'aide publique au développement, a-t-il fait savoir.

« Si on imagine que ces flux vont vers les pays qui sont censés nous aider, on se pose la question si toutes ces ressources profitaient à nos populations, on aurait encore besoin de l'aide », s'interroge-t-il. Il a félicité le comité de pilotage de l'ITIE-BF pour la production de ce rapport utile.

« Ce document vaut son pesant d'or. Car, les FFI ont des implications en matière d'évasion fiscale, de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme, de commerce et de financement de l'économie en général. Et on ne peut résoudre un problème, si on n'a pas la mesure », a souligné, Aboubakar Nacanabo. Il a rassuré que le gouvernement va exploiter à bon escient le rapport pour prendre des mesures idoines à l'effet de juguler ce fléau qui ronge l'économie nationale.

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