Ile Maurice: La CTSP et des instances internationales inquiètes pour les droits des travailleurs étrangers

Depuis jeudi dernier, la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) continue de recevoir le soutien des instances internationales. La CTSP a adressé une lettre à la Confédération syndicale internationale (CSI), qui a rapidement répondu. L'organisation mauricienne s'oppose à l'amendement apporté au Finance Bill, en particulier à la modification de l'article 2 de la Workers' Rights Act de 2019 et de la Private Recruitment Agencies Act de 2023.

Cet amendement permet non seulement aux agences de recrutement de rechercher de la main-d'oeuvre mais aussi de la placer selon leur convenance, tout en assumant le rôle d'employeur. Les instances internationales ont exprimé leur préoccupation quant à l'avenir de ces travailleurs étrangers dans un courriel adressé au Premier ministre, Pravind Jugnauth. «Nous sommes profondément préoccupés par le fait que cet amendement est discriminatoire, qu'il réduirait les protections des travailleurs migrants déjà vulnérables et qu'il créerait des opportunités pour l'exploitation de leur travail», a écrit Luc Triangle, secrétaire général de la CSI. Il a également rappelé que Maurice a ratifié la Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la migration pour l'emploi (révisée) de 1949 (n°97), le 2 décembre 1969, ainsi que la Convention n°181 de l'OIT sur les agences d'emploi privées.

Ces deux conventions prévoient des garanties essentielles pour la protection des travailleurs migrants et, selon la CSI, l'amendement récemment proposé ne tient pas compte de ces protections. «L'article 4 de la même convention stipule que des mesures doivent être prises pour garantir que les travailleurs recrutés par des agences d'emploi privées aient le droit de s'associer librement et le droit de négocier collectivement. Il est évident que le projet de loi des finances ne garantit pas ces protections dans les amendements proposés et risque de conduire à une grave exploitation des travailleurs migrants si ce projet de loi est promulgué en l'état.»

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Ainsi, la CSI demande au Premier ministre d'intervenir avant que le Finance Bill ne soit signé par le président de la République et l'exhorte à engager des consultations significatives avec les partenaires sociaux pour s'assurer que le nouveau projet de loi réponde aux attentes de toutes les parties prenantes pour la prospérité continue de Maurice. D'autres confédérations telles que la Building and Wood Workers' International et l'African Regional Organisation of the International Trade Union Confederation, ont également exprimé leurs réserves concernant cette mesure du Finance Bill et ont demandé au Premier ministre de revoir la décision qui confère des pouvoirs étendus aux agents recruteurs.

Commerce de l'être humain

Les prises de position des instances internationales renforcent la conviction de la CTSP qu'elle est sur la bonne voie, souligne immédiatement son président, Reeaz Chuttoo. «Plus de 50 millions de membres, répartis dans pas moins de 133 pays, nous soutiennent. Si le gouvernement persiste dans son opposition, lors des rencontres internationales où les décideurs mauriciens seront présents, les représentants de ces instances dénonceront l'opacité du système à Maurice. D'ailleurs, le Directeur des poursuites publiques est en train de mettre en place un comité pour lutter contre le trafic humain tandis qu'en parallèle, la loi sur le trafic humain est en cours de modification.»

La CTSP continuera de défendre les droits des travailleurs, tout comme elle l'a fait dans le passé pour obtenir un salaire décent aux femmes cleaners dans les écoles au lieu des Rs 1 500 par mois, qu'elles percevaient, il y a quelques années, ou encore pour la révision du salaire minimal. En tout cas, il est hors de question qu'un recruteur devienne employeur, insiste Reeaz Chuttoo. «Il est inadmissible de faire commerce de l'être humain.» Il appelle la population à se joindre à la marche qu'organisera la CTSP, le 10 août, dans les rues de Rose- Hill. «Nous tiendrons une assemblée des délégués le 8 août, au cours de laquelle nous établirons une feuille de route qui sera soumise au vote, le 10 août, lors de la rencontre.» Reeaz Chuttoo mentionne également sa participation récente à un forum sur la protection sociale à Harare au Zimbabwe. «Maurice est reconnu comme l'un des premiers pays africains à soutenir la protection sociale mais cet amendement au Finance Bill ternit cette réputation.» Il lance un appel aux autres syndicats pour qu'ils se joignent à cette lutte.

Pour Fayzal Ally Beegun, cette pratique perdure depuis une trentaine d'années. «Tous les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir ont toujours toléré les agents recruteurs. On peut supposer que certains politiciens ou responsables des ressources humaines y trouvent leur compte.» Le syndicaliste rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, les travailleurs étrangers ne percevaient pas directement leurs salaires, qui étaient confisqués par les agents recruteurs. «Lorsque cette situation a été découverte et que les familles des travailleurs, qui attendaient ces revenus, ne recevaient rien, une loi a été promulguée pour que tous les travailleurs puissent toucher leur salaire et que ce soit à eux de décider du montant à envoyer à l'étranger.» Il souligne également que certains agents agissent déjà comme les employeurs des travailleurs immigrés. «Ils décident du nombre de travailleurs pouvant dormir dans un dortoir et peuvent même exiger que les passeports soient confisqués.»

Le trafic humain est déjà bien enraciné à Maurice, affirme ce syndicaliste. Selon lui, il est nécessaire d'engager des discussions entre les gouvernements sur l'emploi des travailleurs étrangers pour tenter d'éradiquer ce problème. «Ainsi, il ne serait plus nécessaire de passer par les agents recruteurs. Il ne faut pas oublier que ces derniers exigent également des sommes exorbitantes pour faire venir un travailleur à Maurice.» Il ajoute que dans une société où la présence d'ouvriers migrants sera essentielle, il est impératif de combattre les agents recruteurs plutôt que de leur accorder autant de pouvoir, comme le laisse entendre cette clause du Finance Bill.

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