Que voulait dire Xavier-Luc Duval (XLD) mercredi soir quand il a déclaré «avan lafin lane PMSD pou rant dan gouvernman»?Réponses avec l'observateur Jocelyn Chan-Low. Certains membres de l'opposition réagissent aussi aux attaques du leader des Bleus, notamment envers Paul Bérenger.
Parlant de XLD le 20 juillet, Stefan Gua de Rezistans ek Alternativ demandait que le leader du Pari mauricien social-démocrate (PMSD) ne vienne pas nous faire croire qu'il ne s'allierait pas avec le Mouvement socialiste militant (MSM). Tout en ajoutant «lekol kouyon inn ferme depi lontan». Mais pourquoi XLD semble-t-il entretenir autant de mystère ? À la fin de son discours lors d'une réunion des Bleus à Quatre-Bornes, mercredi, il a été un peu plus précis sur ses intentions, sans toutefois nommer le MSM. Il a promis que le PMSD serait au gouvernement avant la fin de l'année. Mais de quel gouvernement parlait-il ?
Pour l'historien et observateur politique Jocelyn Chan-Low, XLD faisait bien sûr réfé¬rence à une alliance du PMSD avec le MSM. «C'était écrit d'avance, depuis le départ précipité de XLD de l'alliance de l'opposition le 14 avril.» La question reste : pourquoi ce mystère ? Pourquoi XLD ne révèle-t-il pas clairement son alliance avec le MSM ? «Il pratique la gestion de l'opinion publique. Il ne pouvait pas afficher sa nouvelle allégeance du jour au lendemain.» Jocelyn Chan-Low rappelle que le leader des Bleus était non seulement dans l'opposition, mais en était aussi le leader jusqu'en avril dernier. «S'il avait montré son allégeance trop rapidement, cela aurait provoqué un rejet non seulement des partisans du PMSD mais aussi de ceux du MSM, qui doivent l'accepter progressivement.»
Stratégie du PMSD et du MSM
Jocelyn Chan-Low souligne que Paul Bérenger avait fait une transition trop rapide de leader de l'opposition à allié du gouver¬nement sortant, le Parti Travailliste (PTr) en 2014. «Cela avait provoqué un rejet des deux côtés, tant du MMM que du PTr.» Selon lui, cette gestion de l'opinion publique a été calcu¬lée et exécutée avec l'aide du MSM. «Le MSM avait besoin de changer son image avant les élec¬tions, surtout en ce qui concerne la mauvaise gouvernance. Il fallait réparer les erreurs passées.» En fait, le MSM utilise le PMSD comme prétexte pour tenter de redorer son image avant les élections, en proposant un changement d'alliance, qui pourrait ne pas exclure le Muvman Liberater et Linite Militant, ainsi qu'un changement de personnes et de politiques.
Pour Jocelyn Chan-Low, ce semblant de changement politique doit également s'adapter au PMSD. Il rappelle que les Bleus avaient quitté le gouvernement MSM en 2016 en raison du rejet du projet de loi de la Prosecution Commission. «Le PMSD doit donc revenir sur une base de principes.» Bien que la Prosecution Commission ait été introduite de manière indirecte à travers la Financial Crimes Commission, il fallait trouver d'autres «grands principes» pour satisfaire le PMSD, comme le remplacement de Sooroojdev Phokeer. D'autres demandes du PMSD seront proba¬blement exaucées, comme le remplacement d'autres têtes controversées. «Pravind Jugnauth devait redorer l'image du MSM en se séparant de Phokeer et probablement du commissaire de police. Il lui fallait créer des conditions favorables avant les élections et il pourra toujours dire que ce n'est pas lui, mais le PMSD qui a exigé leur tête.»
Nous avons aussi demandé à l'histo¬rien ce qu'il pense de la mystérieuse phrase prononcée par XLD à la fin de son discours mercredi : «Avan lafin lane, PMSD pou rant dan gouverneman». Le PMSD se joindra-t-il à un gouvernement intérimaire, même si ce n'est que pour quelques mois ? Jocelyn Chan-Low estime que non, car il pense que les législatives auront lieu avant la fin de l'an¬née. «Les Mauriciens ont tendance à oublier que les premiers mois de l'année sont les plus diffi¬ciles pour tout gouvernement. Il y a les inonda¬tions, les effets du changement climatique, qui sont des éléments importants.» C'est pourquoi, selon lui, les élec¬tions se tiendront durant une période festive et sèche. Selon l'observateur politique, XLD faisait donc bel et bien réfé¬rence à un nouveau mandat du gouvernement MSM.
Et pourquoi pas une alliance du PMSD avec le PTr, par exemple, puisque XLD semble épargner Navin Ramgoolam tout en ciblant Paul Bérenger ? L'historien est convaincu que le «ménagement» du leader rouge par celui des coqs vise d'abord à créer un désordre au sein de l'alliance PTr-MMM-Nouveaux Démo¬crates (ND) et à attirer la sympathie de l'électorat travailliste, dont XLD aura besoin, notamment dans sa propre circonscription à Quatre-Bornes.
Réactions de l'opposition
L'alliance PTr-MMM-ND tiendra une conférence de presse ce matin pour commen¬ter les propos de XLD tenus mercredi soir à Quatre-Bornes. Certains membres se sont exprimés sur ce discours de leur ex-allié. Pour Ajay Gunesh, leader-adjoint du MMM, XLD est descendu à une bassesse extraordinaire. «Il n'inspire que dégoût car il se laisse guider par Pravind Jugnauth pour attaquer Paul Bérenger.» Pour lui, le leader des Bleus est une marion¬nette entre les mains du Premier ministre et «il ne pense qu'à défendre son fils».Patrick Assirvaden, président du PTr, ajoute que les propos de XLD viennent confirmer ce qu'il a toujours dit : il est en alliance avec le MSM, mais pourquoi ne l'as¬sume-t-il pas ? Il se demande ce que fera XLD maintenant et s'il défendra aussi les Jagutpal, Hurreeram, Maudhoo, Jugnauth, et autres. Il critique également sa déclaration sur Sooroo¬jdev Phokeer, notant qu'il a été lui-même la cible de Phokeer pendant quatre ans et demi.
Kushal Lobine, fondateur du parti ND et ancien membre du PMSD, estime que «Monsieur Duval joue avec le peuple, car l'alliance avec le MSM est déjà scellée». Il ajoute que son ancien leader a passé sept ans dans l'opposition pour maintenant retourner sa veste, ce qui démontre selon lui une soif de pouvoir et de l'«opportunisme». Il critique également son changement d'attitude et le décrit comme quelqu'un qui montre mainte¬nant son vrai visage. Pour lui, ce n'est pas «rezilta lor rezilta», comme le clame XLD, mais plutôt «laont lor laont».
Les propos de XLD mercredi, ajoute Kushal Lobine, démontrent bien que le poste de speaker est un arrangement politique. «Il fait référence à 'nous' lorsqu'il parle du speaker. Donc, le speaker n'est pas apolitique et la motion de blâme d'Arvin Boolell prend toute son importance.» Il a également souligné l'hypocrisie et la volte-face du leader bleu, qui ne projette plus la même image d'homme gentil, «...li koumans montre so vre visaz.»
«Moris enn plezir...»
XLD a dit mercredi qu'il souhaite qu'on puisse à nouveau dire : «Maurice, c'est un plaisir», en ajoutant : «Moris se enn plezir parski partou ti trankil, partou ti bien, tou dimounn ti bien, tou dimounn ti ere.» Mais il a omis de préciser qu'à l'époque, en 2009, il était ministre du Tourisme dans un gouvernement PMSD-PTr. Il a aussi reconnu qu'il existe un réel problème de cherté de la vie et d'échec à l'école. Ses PNQ et conférences de presse abordaient fréquemment ces sujets. Les ministres concernés du MSM ont dû avoir les oreilles qui sifflent mercredi. En ajoutant que tous ces problèmes seront résolus avec l'arrivée du PMSD au gouvernement, il a probablement encore plus embarrassé les ministres du MSM.
Du changement avant la fin de l'année
C'est presque une certitude. Le paysage politique aura changé avant la fin de l'année. La déclaration de XLD à Quatre-Bornes mercredi soir n'est pas anodine. L'on se souvient que le leader des Bleus avait souhaité le départ de Sooroojdev Phokeer sur sa page Facebook et, quelques jours plus tard, ce dernier a été démis de son poste de speaker. Encore une fois, XLD a fait une promesse à ses partisans. «Nous avons passé huit ans dans l'opposition. Je sais très bien ce que je vous dis, le PMSD sera au gouver¬nement avant la fin de l'année.»Ce n'est pas tout. Il a aussi décla¬ré que Pravind Jugnauth a montré des signes de respect envers le PMSD en nommant Adrien Duval comme speaker et une des condi¬tions d'une alliance avec un autre parti est le respect mutuel. Pour¬tant, ce même Pravind Jugnauth avait déclaré à XLD au Parlement : «My child has not been drinking and driving, causing an accident», en parlant d'Adrien Duval.
Tout cela démontre deux choses. Premièrement, la hache de guerre est enterrée entre le leader du MSM et celui du PMSD. Ensuite, XLD devrait détenir des informations en primeur de Pravind Jugnauth. Sinon, il n'aurait pas fait de promesse à ses partisans. Donc, on pourrait croire que les Bleus feront leur entrée au gouvernement avant la dissolution du Parlement prévue le 21 novembre. Toutefois, s'ils ne fran¬chissent pas le Rubicon, le Premier ministre lui aurait promis que les élections générales sont avant la fin de l'année et ce serait la deuxième façon d'entrer au gouvernement.
D'ailleurs, le langage corporel de XLD et de Pravind Jugnauth, sans compter les déclarations publiques, démontre clairement qu'Adrien Duval est le pont érigé entre les deux partis et qu'ils iront ensemble aux élections. Le leader du PMSD a déclaré au Parlement et à sa réunion de mercredi soir que l'alliance PTr- MMM-ND ne doit pas remporter les élections. Arvin Boolell, le chef de file du PTr au Parlement, avait déjà réagi à ce positionnement dans l'express de mercredi. «Il a dit que l'alliance de l'opposition ne doit pas remporter les élections. Donc, il veut que ce soit le MSM le vainqueur.»
Par ailleurs, bien que Nando Bodha, leader du Rassemblement mauricien et Premier ministre dési¬gné de Linion Moris, ait une ligne de communication avec le leader des Bleus, jusqu'ici rien n'a démontré un rapprochement entre ces deux partis. L'équipe dirigée par Rama Valayden et Nando Bodha devrait aller seule aux élections générales.
D'autre part, les dirigeants de l'alliance PTr-MMM-ND tiennent une conférence de presse en fin de matinée aujourd'hui. Ils vont sans doute donner la réplique à XLD, qui a déposé une motion de blâme contre Arvin Boolell, mais surtout ils vont démontrer qu'il y a une cohé-sion entre le PMSD et le MSM après que le leader des Bleus a déclaré que Navin Ramgoolam et Arvin Boolell sont aux ordres de Paul Bérenger.
D'ici la semaine prochaine, apprend-on, les membres de cette alliance passeront à une autre étape aussitôt le meeting de ce dimanche terminé. Ils devraient reprendre contact avec les membres de Rezis¬tans ek Alternativ pour continuer les négociations. Pour l'heure, ce parti de gauche a présenté son programme électoral à l'alliance de l'opposition qui l'étudie.