Burkina Faso: Au pays, les autorités renforcent la sécurité

Le ministre de la sécurité exhorte les populations à signaler tout individu, mouvement ou objet suspect. Un appel qui pourrait conduire à des dérives pour les défenseurs des droits de l'Homme.

Sur place, au Burkina Faso, rares sont ceux qui veulent commenter ou s'exprimer sur cet appel du ministre de la Sécurité.

Nos différents interlocuteurs ne souhaitent pas "aller au front" c'est à dire être réquisitionnés, car disent-ils, il est devenu quasi impossible de s'exprimer librement.

" Il y a même des mots que l'on n'utilise plus de peur d'être entendu ou tracer sur nos téléphones. A ceci s'ajoutent les règlements de compte, comprenez-vous même, " nous a expliqué un interlocuteur sous couvert d'anonymat.

Risques de dérapage

Almamy KJ est un artiste reggaeman très engagé au Burkina Faso. Il est l'auteur du tube, "Tais toi sinon tu vas au front" un single pour dénoncer le musèlement, les enlèvements et les disparitions forcées.

Pour lui, le silence nourrit la dictature, il faut donc dénoncer ce qu'il se passe en ce moment et toutes les mesures qui fragilisent le respect des droits de l'Homme.

" Il est simple de dire que je suis frappé par X ou Y, si ça se limite à une simple allégation, ce n'est pas intéressant. Aujourd'hui, ça se comprend, cette technique de manipulation pour s'éterniser et mourir au pouvoir n'a rien de nouveau. Cela a toujours été le fort des tyrans " confie l'artiste à la DW.

"Même s'ils ont l'assentiment de leurs courtisans, il faut savoir que leurs courtisans ne sont pas le baromètre de notre peuple. Notre peuple sait très bien ce qui se passe quand bien même il est muselé, malmené et maltraité par les tyrans du moment."

Faire recours aux experts en sécurité

Cet appel du ministre de la Sécurité en vue de dénoncer toute personne suspecte, soulève d'énormes inquiétudes dans la mesure où le renseignement et l'information sécuritaires relèvent du domaine stratégique que seuls les initiés comme les agents de sécurité sont à même de collecter et traiter de manière efficiente, rappelle Paul Amegakpo, président de l'Institut Tamberma pour la gouvernance.

"Attribuer cette responsabilité aux populations en générale amène à créer une boîte de Pandore qui rendrait toutes personnes suspectes et qui va accroître le sentiment de stupeur et d'insécurité au sein de la population. Et cela remettrait également en cause le principe de présomption d'innocence,", précise l'analyste.

"Ceci s'était passé dans d'autres pays au monde. Le cas récent est celui du Venezuela où on a assisté à une avalanche de dénonciations et d'interpellations arbitraires. "

Pour Paul Amegagkpo, il faut que les autorités burkinabés tiennent compte des principes internationaux qui régissent les droits de l'Homme afin que les actions menées par le Burkina pour contenir la menace sécuritaire ne dérapent pas.

Quant à Human Rights Watch, elles dénoncent les enlèvements de personnalités jugées critiques du régime militaire. Il s'agit surtout des journalistes et des acteurs de la société civile. La lutte contre le terrorisme sert à justifier toute violation des droits humains, estime l'ONG.

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