Dakar — L'Union des magistrats du Sénégal (UMS) n'est pas opposée à la présence du président de la République et du ministre de la Justice au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CSMS), a déclaré, samedi à Dakar, son président, Ousmane Chimère Diouf.
"S'agissant de la présence ou non du chef de l'État et du Garde des Sceaux, l'UMS, se fondant sur l' avis demandé aux anciens magistrats, aux différents comités de ressort et sur les conclusions de l'assemblée générale extraordinaire du 18 mai dernier convoquée au Palais de justice de Dakar a déclaré ne pas s'opposer à la présence de ces deux autorités" a soutenu Ousmane Chimère Diouf.
Selon lui " cela sous réserve de la volonté du Président de la République de quitter le conseil, pour favoriser le dialogue entre institutions et rappeler que l'indépendance de la justice ne se résume pas uniquement aux décisions du conseil supérieur de la Magistrature".
S'exprimant lors de l'Assemblée générale de l'UMS, il a souligné que "le choix porté sur un magistrat pour occuper une fonction ne peut pas en lui seul résumer la notion d'indépendance".
Dans son discours dans copie a été transmise à l'APS, il trouve "surprenant" que l'on "se focalise uniquement sur cet aspect pour circonscrire ce principe".
Ousmane Chimère Diouf a rappelé que "le magistrat quelle que soit son identité est attendu dans le respect de son serment qui l'oblige dans son office à se soumettre aux lois et règlements et à observer la réserve que ses charges requièrent".
"Au moment de délibérer ni le Président de la République ni le Garde des Sceaux ne sont présents à ses côtés encore moins une tierce personne. Aucun magistrat ne peut se réfugier derrière un quelconque argument pour justifier un manque d'indépendance dans son office (...). Dans nos prises de décisions, rien d'autre ne doit nous guider à part notre conscience et l'application de la loi", a-t-il dit.
Pour lui, l'indépendance dont il s'agit "doit également être étendue au niveau budgétaire puisque c'est l'exécutif qui fixe toujours les règles".
"Que dire des conditions de travail ? Est il normal qu'au Sénégal en dehors de la Cour des Comptes, qu'aucune autre haute juridiction n'ait été construite ?", s'est interrogé le magistrat.
Il a rappelé que le Conseil constitutionnel après un passage aux Almadies est logé dans le bâtiment ayant abrité l'ancienne ambassade des États-Unis, et la Cour Suprême dans celui qui servait de musée dynamique dans les années 1970.
M. Diouf a signalé que la justice "est rendue dans certaines régions dans des maisons conventionnées qui ne répondent pas aux normes pour abriter des juridictions avec des moyens logistiques insuffisants".
Il s'est également interrogé sur les moyens qui ont été mis en oeuvre pour "assurer la formation continue des magistrats face à l'évolution du monde des affaires avec ses conséquences aussi bien au niveau civil, commercial et pénal".
Ousmane Chimère Diouf a relevé que dans sa forme actuelle, le Conseil supérieur est composé de dix neuf magistrats et de deux membres de l'exécutif.
Il a expliqué que les propositions émanant du Garde des Sceaux "sont librement discutées par les membres de droit qui représentent la hiérarchie judiciaire à savoir messieurs le Premier Président de la Cour Suprême, le Procureur Général près ladite cour, ainsi que tous les Premiers Présidents et Procureurs Généraux de cours d'Appels et les membres élus représentant des différents grades de la magistrature ainsi que le secrétaire général dudit conseil".
"C'est dire que les magistrats y sont largement majoritaires et ont leur mot à dire puisque s'agissant de leur carrière, et héritent également du contentieux né des décisions prises par le conseil puisque les décrets peuvent être attaqués devant la cour suprême", a-t-il souligné.
Le magistrat a signalé que "dans le passé, des mesures ont été retirées parce que le Conseil avait majoritairement émis un avis défavorable sur des points inscrits à l'ordre du jour, ce qui va continuer pour l'avenir".
Selon lui, "le problème de la présence du Chef de l'Etat n'est apprécié qu'en aval sous l'angle de l'effectivité de sa participation aux réunions du conseil alors qu'en amont il est maintenu conformément aux dispositions de l'article 90 de la constitution que c'est lui qui doit signer les décisions rendues par cet organe par voie de décret".
"Le problème restant entier. Quelle serait la nature de l'acte de nomination des magistrats si le décret présidentiel venait à être écarté et quelle autorité serait compétente pour signer par exemple l'acte de nomination des hauts magistrats ?" s'est-il interrogé.