Afrique de l'Ouest: Les frontières en question

12 Août 2024
analyse

Ces cinq dernières années, il faut le reconnaitre, malgré les textes qui régissent la CEDEAO en matière de libre circulation des personnes et des biens, la question des frontières n’a pas été aussi présente dans les relations entre Etats, sans remettre en cause le principe de l’UTI POSSIDETIS JURIS.

Cette situation, loin d’être un épiphénomène lié au contexte, et aux mutations socio politiques, reste quand même un fait majeur dans la trajectoire de pays, qu’ils soient anglophones, lusophones ou francophones, si tant est que ce distinguo a du sens encore de ce point de vue.

Une lecture globale des dynamiques socio politique et des soubresauts démocratiques permet de voir une lame de fonds qui se met petit à petit en place.

Il faut rappeler qu’en Août 2019, le Président Buhari du Nigéria, pour des raisons économiques avaient décidé de fermer ses frontières terrestres au grand dam du Bénin, du Togo, du Ghana et du Niger, portant un coup sérieux au principe de la libre circulation des biens et personnes, non sans jeter un doute sur l’adhésion de la première économie d’Afrique à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).

Comme par un effet domino, le Niger du Général Tiani décide d’office, suite au coup d’état du 26 Juillet 2024, de fermer sa frontière avec le Nigéria et avec le Bénin, et ce pendant Sept mois.  Ces deux pays, il est vrai, avaient porté à l’époque, la décision grave de la Cedeao d’engager une intervention armée dans ce pays pour remettre en selle le Président déchu M. Bazoum. Le Bénin pour sa part avait répliqué en faisant pareil.

La Guinée Bissau, il y a un peu plus d’un mois, ferme aussi   sa frontière avec le Sénégal. Le prétexte, un conflit ethnico religieux, qui avait lieu en territoire sénégalais, à Médina Gounass précisément qui lui était frontalier entre les mêmes populations, et qui risquait de déborder en territoire Bissau Guinéen. Le Mali et la Mauritanie sont dans la même situation ni calme, ni conflit, avec de escarmouches de temps à autre entre populations frontalières et forces armées.

Aujourd’hui encore sur la frontière sénégalo-gambienne, semble s’installer une crise cyclique, de même nature quasiment avec les acteurs du transport de marchandise, qui ont opéré un blocus à la frontière entre les deux pays.

Au départ, il y avait un problème certes interne à la Gambie, à savoir le blocage des camions de ciment en provenance du Sénégal, consécutif à une augmentation conséquente de la taxe sur les camions de 30 tonnes, qui d’ailleurs a été multipliée par 6 passant de 575 US$ à 3450 US$. La visite du président sénégalais en Gambie avait semble-t-il permis de dénouer la crise.

Toutefois, ce n’était pas fini, car il y a quelques jours, les chauffeurs de camions sénégalais avaient décidé d’aller en grève et de boycotter la Trans gambienne, c’était pour dénoncer  les énormes taxes qui leur sont appliquées lors de la traversée du pont qui  relie les deux pays.

En retour, la partie gambienne vient d’appliquer depuis hier 08 Août 2024 une mesure de rétorsion en fermant la frontière  aux véhicules en provenance du Sénégal. C’est dire que la visite de travail du Vice-président Gambien Mohammed BS Jallow effectuée à Dakar, auprès de son homologue Ousmane Sonko, 1er ministre, n’a rien donné sur ce sujet.

Aujourd’hui le Niger et le Bénin maintiennent encore leurs frontières fermées pour dit-on des raisons de sécurité, exacerbées par la crise qui sévit au sein de la CEDEAO.

Tout semble accréditer la thèse selon laquelle la fermeture des frontières serait la panacée, au mépris des règles qui ont jusque-là gouvernées les relations entre les Etats de la sous-région. La frontière devient donc un élément de politique étrangère, ce qui présente de gros risque d’instabilité interne et externe à cause des tensions économiques que connaissent nos pays et leur forte interdépendance. Cela est d’autant plus pernicieux qu’aujourd’hui, la configuration de nos Etats et leur niveau de vulnérabilité peut tout à fait les exposer au phénomène de contagion des troubles sociaux.

Il faut rappeler si besoin est que l’expansion du Djihadisme s’est nourrie de l’isolationnisme des uns et des autres, après la chute de Khadafi .

L’absence d’un cadre de règlement de ces différends, avec l’inertie de la Cedeao, ouvre les portes à un renouveau du bilatéralisme, qui a terme risque de saper l’ambitieux projet de la ZLECAF.

Chacun selon le rapport de force ou disons « le rapport d’utilité » ou d’intérêt vis-à-vis de l’autre, essaie de traiter des problèmes, selon ses intérêts pour la plupart économiques. Est-ce vraiment une alternative ?

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