Un immense artiste s'en est allé samedi, Simon Randria incarnait la créativité de la génération 70, une période de l'entre-deux ères socio-politiques malgaches. « Aoka aoka etsy », « Ianao irery », etc. le cultissime d'un compositeur humble avec le devoir accompli.
Si une scène particulière devait être intégrée dans un docu film sur Simon Randria, ce serait un traveling de lui marchant l'air absorbé par ses muses le long de la Rue Docteur Joseph Raseta, d'Andraharo sortant vers Ankazomanga. L'humilité sur les épaules, seuls des regards admiratifs de quelques passants trahissent la renommée de cet auteur-compositeur, un patrimoine. Il marchait souvent muni d'un petit sac-cartable sans s'inquiéter ni du brouhaha des embouteillages ni de la frénésie matinale de ce quartier d'affaires. Samedi en fin de journée, son décès a été annoncé sur les réseaux sociaux. Tout simplement une immense perte pour la musique malgache.
En écoutant la reprise tout en harmonisation de sa chanson « Mba rahoviana re ? » par Solo Andrianasolo, son « premier admirateur », le mélomane de base comprendra vite que Simon Randria incarnait la créativité poétique entre terre et espace. Tout d'abord par son sens de la mélodie. Puis par la manière dont il insère son blues romantique sans gloutonnerie, en équilibre soyeux des instrumentations et du texte. Vrai cas d'école. Dans les années 70, tomber amoureux et souffrir de cet amour faisaient partie de la panoplie d'un jeune artiste tananarivien. Une motivation de plus pour exalter les sentiments en mots et en sons.
Simon Randria étudiant au lycée Rabearivelo à Analakely était déjà un compositeur génial confirmé par « Ianao irery » en 1978, année de son mariage avec Angèle Raharimalala. Avec une guitare en effet « wawa » doo-over et un solo plaintif rock'n'roll, il signait alors son morceau culte d'une énergie indéniable, caractéristique du garçon à la découverte du courant funk, après être passé par le post-rockabilly. Ce versant funk, il le cartographie sur « Aoka aoka etsy » (1977) en écho sans doute au vent de la quête, jamais finalisée, d'une vraie décolonisation des années 70.
Étonnamment, il intègre la violence des inégalités. 1977 cicatrisait à peine du sang et des vies laissées du soulèvement populaire. Tout ce parcours riche et en phase avec son époque lui a valu d'être promu au grade de commandeur de l'Ordre National et de l'Ordre des Arts, des Lettres et de la Culture. Décédé à l'âge de 70 ans, sa dépouille est veillée à son domicile à Ankazomanga. Il rejoindra sa dernière demeure à Ambodiafontsy Ampitatafika, mercredi après l'absout à l'église catholique Antanimena à 12h30.