La présence de Madagascar et des autres îles de notre Océan Indien à ces JO 2024 relevait du symbole. On le savait. Une participation symbolique à l'échelle d'un petit pays, mais l'accomplissement d'une carrière individuelle pour les plus méritants de chaque pays.
Des gens avaient pu penser qu'un des sept athlètes malgaches engagés pourrait décrocher une médaille. Totalement utopique. Il était plus réaliste d'espérer qu'au contact du haut niveau, chacun d'entre eux allait améliorer ses propres marques, qui pouvaient être des records nationaux. Cette «défaite», qui n'en est pas une, ne mérite vraiment pas ces commentaires haineux ni les allusions ethnicistes qu'on peut lire sur Facebook.
Le marketing médiatique autour d'une compétition comme les Jeux Olympiques offre une visibilité planétaire qui en fait un élément des relations internationales, la vitrine de certains messages, une tribune pour exister autrement. Ne pas participer aux JO serait comme s'exclure de l'ONU. C'est bien la raison de la présence d'une délégation palestinienne, aux JO de Paris, même si la Palestine n'est pas un État. La participation d'Israël, surtout dans le contexte actuel au Moyen-Orient, relève du même symbole fort, d'autant plus fort que les athlètes de l'État hébreu reviennent avec un titre olympique, cinq médailles d'argent et une de bronze.
Que l'Inde, et son milliard d'habitants, et l'Afrique du Sud, première puissance économique d'Afrique, figurent loin au classement des médailles ne les décourage pas de souscrire à la devise «l'essentiel c'est de participer». L'Inde n'avait remporté aucune médaille d'or en 2012 et 2016, contre une seule en 2021, mais elle a encore envoyé 117 athlètes dont aucun d'ailleurs n'a décroché l'or à Paris.
Depuis son indépendance olympique, en 1968, et jusqu'à la réunification allemande, en 1989-1990, la RDA (Allemagne de l'Est) plaçait sa légitimité à terminer régulièrement devant la RFA (Allemagne de l'Ouest) au tableau des médailles : Séoul 1988, RDA 2ème, RFA 5ème ; Montréal 1976, RDA 2ème, RFA 4ème. Et même, lors des Jeux de Munich en 1972, organisés par l'Allemagne de l'Ouest, la RDA, troisième, terminera juste devant la RFA.
Deux ans plus tard, à la Coupe du Monde de football, qui s'est tenue en Allemagne de l'Ouest, la seule défaite de l'équipe à Franz Beckenbauer fut celle infligée par l'Allemagne de l'Est. C'était le 22 juin 1974, le seul match qui ait jamais opposé la RFA et la RDA, une rencontre entre deux idéologies, entre deux blocs. Cette victoire-là avait dû être célébrée comme un titre de champion du monde de l'autre côté du «rideau de fer».
Parallèlement, l'ancienne URSS mettait un poing d'honneur communiste à devancer l'Amérique impérialiste : 1992, CEI 1ère, États-Unis 2ème ; 1988, 1.URSS, 3.États-Unis ; 1976, 1.URSS, 3.États-Unis ; 1972 : 1.URSS, 2.États-Unis. Les Jeux Olympiques devenaient le prolongement de la rivalité dans la conquête spatiale ou de la course à l'armement.
Le succès olympique actuel de la Chine remonte à un plan stratégique mis en place il y a trente ans. Le «projet 119», du nombre de médailles disponibles dans les disciplines les plus «rentables», a installé durablement la Chine dans le top 5 du classement des médailles : 4ème (1992 et 1996), 3ème (2000), 2e (2004), 1ère (2008). L'ancien duel entre États-Unis et Russie est d'abord devenue une triangulaire avec la Chine (2000, 2004 et 2008). Très régulièrement depuis, surtout que les contrariétés extrasportives se multiplient contre la Russie, la Chine s'est installée dans le rôle de dauphine : deuxième en 2012, troisième en 2016, deuxième en 2021, et presque 1ère ex-aequo aux JO 2024, avec le même total de médailles d'or que les États-Unis.
Alors, certes, à ce jour, seule notre voisine île Maurice a déjà gagné une médaille olympique (une bronze aux Jeux de 2008). Mais, en cette année 2024, quelques heures avant les éliminations des dernières représentantes malgaches au repêchage du 100 mètre Haies et à l'haltérophilie féminine, ce titre de «Réunion 1ère», «JO de Paris 2024 : Madagascar seule île de l'Océan Indien encore en piste», est de ceux qui réconcilient avec l'Indianocéanie en particulier et la petite fierté cocardière en général. Ce titre, à l'international, n'aurait pas existé si Madagascar n'avait pas été aux Jeux Olympiques.