C'est un dossier auquel le Président de la République tient tant au point d'en faire une priorité. Si, pour lui, c'est une issue pour rompre avec les situations de travail précaire, ce dossier n'a pas remarquablement avancé ces derniers mois, notamment sous le règne de l'ancien Chef du gouvernement, Ahmed Hachani.
D'ailleurs, pour le nouveau locataire de La Kasbah, Kamel Maddouri, le choix est tombé sur un profil social qui semble maîtriser ce genre de dossiers. Ce sujet a été sur la table du Président de la République, Kaïs Saïed, qui a reçu vendredi 9 août 2024, le nouveau Chef du gouvernement Kamel Maddouri. Lors de cette rencontre, Kaïs Saïed a souligné «la nécessité d'accélérer la présentation du projet de révision de certaines dispositions du Code du travail pour mettre définitivement un terme à la sous-traitance et aux contrats de travail à durée déterminée, afin de consolider le rôle social de l'État et de garantir aux travailleurs le droit de travailler dans des conditions décentes et avec un salaire juste». En effet, toujours selon le communiqué présidentiel, «les dispositions encore en vigueur s'élèvent au rang de crime de traite des êtres humains».
Il a également souligné «la nécessité d'en finir avec la sous-traitance dans le secteur public, instaurée par de simples circulaires et qui a porté atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs».
Autant dire que le dossier de la lutte contre la sous-traitance dans les établissements publics tunisiens, visant à protéger les travailleurs, est resté au point mort sous le règne de l'ancien Chef du gouvernement, Ahmed Hachani. Malgré les attentes élevées des employés concernés, aucune avancée concrète n'a été réalisée. Cette stagnation a maintenu des milliers de travailleurs dans une situation précaire, dépendant de contrats temporaires sans garanties suffisantes.
Pourtant, depuis plusieurs mois, le Chef de l'Etat ne cesse d'appeler à mettre fin à ces mécanismes d'emploi. Le 13 juin dernier, en recevant l'ancien Chef du gouvernement, Kaïs Saïed a insisté sur la nécessité d'accélérer l'élaboration d'un projet de loi, visant à mettre fin au travail en sous-traitance et aux contrats à durée déterminée. Il a, également, souligné l'importance d'établir des critères clairs, objectifs et équitables pour garantir les droits des travailleurs qui ont été employés, pendant des années, sous le régime de la sous-traitance et qui ont été remplacés par de nouveaux.
« Ceux qui ont passé des dizaines d'années à travailler dans un système proche de l'esclavage ne devraient pas voir leurs efforts manipulés ou ignorés. Les pratiques de certains employeurs qui remplacent les travailleurs pour les maintenir dans une situation précaire, une stratégie visant à échapper à l'application de la loi et contraire aux principes fondamentaux de justice et d'équité, sont inacceptables », a-t-il dénoncé.
Ces initiatives représentent un pas crucial vers la modernisation du cadre légal du travail en Tunisie et l'amélioration des conditions de vie de nombreux travailleurs, tout en favorisant la justice sociale. Cependant, le chemin reste semé d'embûches, notamment en raison de la complexité des lois du travail en vigueur. Des questions clés se posent déjà : Comment les autorités aborderont-elles ces réformes ? Seront-elles appliquées tant dans le secteur public que privé ? Et quel impact aura la régularisation de milliers de travailleurs précaires sur les finances du pays ?
Une exploitation économique
Depuis plusieurs années, la question de la sous-traitance dans les établissements publics tunisiens fait l'objet de vifs débats. Les défenseurs des droits des travailleurs ont régulièrement tiré la sonnette d'alarme concernant les conditions précaires dans lesquelles se trouvent de nombreux employés sous-traitants. La sous-traitance dans les établissements publics tunisiens est depuis longtemps perçue comme une arme à double tranchant.
Car, d'un côté, elle permet aux institutions de fonctionner de manière plus flexible, en engageant du personnel pour des missions temporaires ou spécifiques. D'un autre côté, cette pratique est souvent synonyme de précarité pour les travailleurs, qui se retrouvent liés par des contrats temporaires sans les avantages et protections offerts aux employés permanents.
Le maintien de la sous-traitance dans les établissements publics, synonyme d'exploitation économique, aura des répercussions directes sur la qualité de vie des travailleurs concernés.
En l'absence de réformes, ces employés restent dépendants de contrats à court terme, souvent renouvelés de manière arbitraire, et sont ainsi privés de nombreux droits sociaux tels que l'accès à une couverture médicale adéquate, aux congés payés, ou encore aux primes de fin de service. Cette précarité, dénoncée de longue date, contribue à accentuer les inégalités sociales et économiques dans le pays.
Quel impact ?
Si, juridiquement, il n'existe aucune définition des emplois de sous-traitance en Tunisie, l'Etat tunisien a historiquement accepté de recourir à des emplois et des contrats précaires comme notamment la situation des ouvriers de chantiers et ce qu'on appelle les « contrats de la dignité » ou encore la sous-traitance.
N'empêche que l'éradication de la sous-traitance du secteur public et du code de travail ne sera pas sans conséquences. Il faut rappeler que le secteur privé, là où l'on observe le plus grand nombre d'emplois précaires, émet déjà des réserves quant aux réformes attendues. Le secteur touristique qui dépend largement des métiers saisonniers ne sera pas favorable à de telles réformes.
De même, des sociétés spécialisées dans la sous-traitance vont être impactées. Il s'agit de sociétés qui fournissent des services en mettant à disposition du personnel pour réaliser des tâches spécifiques pour le compte d'autres entreprises.
Enfin, alors que le mandat d'Ahmed Hachani a pris fin sans qu'aucune avancée majeure ne soit réalisée sur ce front, la question de la sous-traitance dans les établissements publics demeure plus que jamais d'actualité, mieux encore, elle sera une priorité pour le gouvernement Maddouri, sur instructions du Président de la République, Kaïs Saïed.