Guinée: Silencieux Doumbouya !

analyse

Alors que l'opposition exige un retour à un ordre constitutionnel normal en Guinée avant le 31 décembre prochain, date marquant la fin de la Transition consécutive au coup d'Etat contre Alpha Condé, une perspective d'évolution dans ce sens ne parait pas évidente.

Les principaux partis d'opposition et organisations de la société civile avaient d'ailleurs appelé à une opération « ville morte », lundi dernier, mais cette activité s'est révélée être un échec, le mot d'ordre ayant été peu suivi.

En plus de réclamer l'organisation des élections censées mettre fin à la Transition, les organisateurs de la manifestation entendaient aussi dénoncer une violation des droits humains et une restriction de la liberté d'expression. Hasard de calendrier ou réaction des autorités à ce mouvement d'humeur qui n'a pas porté fruit, l'avant-projet de nouvelle Constitution a été publié en ligne, dans la nuit du dimanche à lundi.

Le texte, qui doit être voté avant la fin de l'année et ouvrir la voie à la tenue des élections, propose, entre autres, un système bicaméral (une Assemblée nationale et un Sénat) et une limitation stricte des mandats présidentiels à deux. La nouvelle loi fondamentale prévoit, par ailleurs, un système de parrainage pour l'élection présidentielle et le maintien de l'interdiction de la peine de mort et des Mutilations génitales féminines (MGF). S'il est censé contribuer à construire le nouveau Guinée que ses filles et fils appellent de tous leurs voeux, l'avant-projet de nouvelle Constitution soulève un débat pour le moins important.

Le document ne fait mention, nulle part, de la possibilité pour les dirigeants de la Transition de participer ou pas aux prochaines élections. Ce mutisme fait déjà jaser dans les rues de Conakry, en ce sens que la Charte de Transition en vigueur a été pourtant été claire à ce sujet. Il y est indiqué que les dirigeants de la Transition ne peuvent pas se porter candidats aux élections présidentielles ou législatives à venir.

Si elle perçoit une volonté de faire du « mouta-mouta » comme on dit au Burkina Faso, l'opposition guinéenne met en garde contre une candidature de l'actuel chef de l'Etat, le général Mamadi Doumbouya. Au pouvoir depuis près de trois ans, l'homme fort de Guinée s'était engagé à rendre le pouvoir aux civils à la fin de la Transition. Il n'a jamais affiché son intention de confisquer le pouvoir, mais, les opposants croient dur comme fer que son silence sur la question cache en réalité une ambition de rester à la tête du pays.

Doumbouya veut-il vraiment rester maitre de la Guinée encore quelques années comme le pensent ses pourfendeurs ? D'aucuns estiment que le projet de nouvelle Constitution est taillé sur mesure, pour permettre à l'ex-patron des forces spéciales de briguer la magistrature suprême, aucune interdiction n'ayant été faite à cet effet. Le principal concerné, lui, semble peu bavard sur ses ambitions pour l'avenir.

Il est d'ailleurs tôt pour épiloguer sur cette question, puisqu'un calendrier électoral précis n'a pas encore été établi. Le Premier ministre guinéen, Bah Oury, avait laissé entendre que la tendance n'est plus à l'organisation des élections en 2024, mais plutôt en 2025, en raison d'un retard sur le chronogramme de la Transition. Une raison de plus pour amener l'opposition à se convaincre que Doumbouya ne veut pas abandonner le fauteuil présidentiel. Tout n'est que spéculation pour l'instant. Il va falloir voir défiler les semaines ou les mois avant d'en avoir le coeur net.

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