A cinq mois de la fin de son mandat, qui s'achève le 07 Janvier 2025, le président ghanéen marque un grand coup dans l'espace ouest africain, miné ces cinq dernières années par des crises perlées sur la question des mandats.
Il est vrai que très souvent ces soubresauts dans la marche démocratique des Etats trouvent leur origine dans le désir des tenants du pouvoir de se maintenir au-delà du terme de leur mandat. Cette fois-ci, Nana Akufo-Addo anticipe et met un terme à toute supputation. Il dit Non.
En vérité, le Ghana a une forte tradition de transmission du pouvoir à échéances régulières, dans le respect du nombre de mandats prescrit par la constitution de ce pays. C'est ainsi que l'illustre président John Jerry Rawlings, de même que son successeur John Agyekum Kufuor, ont chacun fait deux mandats de cinq ans, avant de céder leur fauteuil, donnant ainsi l'exemple et faisant citer en exemple leur pays, le Ghana.
Aujourd'hui encore, l'actuel président, qui est la tête du New Patriotic Party (NPP) au pouvoir, a décidé de ne pas se représenter. Il a pris la décision de quitter la pouvoir dès le 07 Janvier 2025, après avoir organisé des élections libres, transparentes et paisibles, pour laisser au peuple le soin de choisir son successeur. Il faut dire que dans ce geste la symbolique qui l'entoure est importante.
L'annonce de cette décision a été faite faut-il le rappeler, lors d'une rencontre avec les « Ainés de la République » c'est-à-dire tous ceux qui ont contribué à l'indépendance du Ghana, le lundi 05 Août qui est un jour férié très important pour l'histoire du pays, dénommé « la journée des fondateurs ». Une façon de prendre à témoin les dépositaires des valeurs de la république.
Le NPP, son parti avait auparavant désigné dès le 04 Novembre 2023 son candidat en la personne du Dr Mahamudu Bawumia. Celui-ci qui naguère était le Vice-Président du parti, occupe maintenant de fait la charge Président du NPP pour le conduire à la victoire.
Cela a le mérite d'être clair pour tout le monde y compris les futurs adversaires du candidat du NPP, le président en exercice se positionnant comme arbitre du jeu.
Le candidat du NPP devra toutefois faire face à un vieil adversaire de son patron, John Dramani Mahama, le candidat du National Democratic Congress (NDC-Congrès national démocratique), qui fut président du Ghana à la suite du décès du Président John Atta Mills en 2012.
Cette élection aura la particularité d'être très ouverte, en ce sens que d'autres candidats émergent des flancs des partis classiques et de la classe politique actuelle (par dissidence), ou du milieu des affaires et inscrivent leurs candidatures dans une logique de casser la bipolarisation NPP/NDC.
Parmi eux on peut retenir d'abord l'ancien ministre du commerce Alan Kyerematen, membre fondateur du NPP, qui aujourd'hui a décidé de prendre son destin en main à la tête du « mouvement pour le Changement », qui a noué une alliance stratégique avec le mouvement du Dr Abu Sakara, un dissident du parti de la convention des peuples. Ils iront à l'élection sous la bannière de « l'alliance pour le changement révolutionnaire » pour disent- ils tracer une troisième voie ; et pour ratisser large ils n'excluent pas de rallier les membres du NDC et du NPP.
Quant à l'homme d'affaire Nana Kwame Badiako, il se présente en outsider, et inscrit sa candidature sous le signe de la rupture avec les partis du duopole (NPP et NDC).
Pour compléter l'échiquier, une mosaïque de partis au nombre de neuf, réunis autour de la coalition du Ghana (GCG) cherche à se faire une place, tout en se positionnant pour les législatives avec des prétentions de siéger au parlement, car faut-il le souligner, l'élection présidentielle du 07 décembre 2023 sera couplée avec l'élection des 275 membres du parlement ghanéen.
Un autre enjeu de taille, car lors des dernières législatives de 2020, il y a eu un fait notoire qui mérite d'être souligné. Le NPP et le NDC se sont retrouvés au coude à coude avec chacun 137 élus au parlement avec un député indépendant pour les départager. Va -t-on vers une répétition de ce schéma dans un scrutin uninominal à un tour ? l'avenir nous le dira.
Il faut cependant noter une forte tentation du vote utile malgré toute cette offre diversifiée, et qui risque au demeurant de figer la configuration du jeu politique actuel avec en affiche le face à face NPP -NDC. La présence d'une femme Naana Jane Opuku Agyemang comme colistière de John Dramani Mahama peut-elle faire de l'effet ? Certains le pensent, mais Nana Akufo-Addo devra peser de tout son poids. Il reste entendu que la bataille du Nord aura bien lieu, car les deux candidats des deux grands partis en lice sont tous originaires du Nord Ghana à savoir Dr Bawumia et John Dramani Mahama.
Nana Akufo-Addo, bien qu'il ait choisi son dauphin à l'avance, devra toutefois s'aménager quoiqu'il advienne, une sortie honorable par une organisation parfaite de l'élection présidentielle et législative.
C'est le moins qu'on attend de lui.