L'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) jouit désormais d'un corpus juridique plus étendu et plus coercitif, grâce à la loi n°2024-07 du 9 février 2024 modifiant la loi n°2014-17 du 02 avril 2014.
C'est ce qui ressort de l'atelier de vulgarisation du nouveau corpus juridique diligenté hier, mardi 13 août 2024, par l'Ofnac dont le président, Sérigne Bassirou Gueye, a lancé un appel d'engagement et de collaboration des professionnels des médias pour lutter efficacement contre la fraude et la corruption.
Dix ans après la mise en oeuvre de l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), le champ de compétence (cadre législatif) s'est révélé trop faible pour prévenir et lutter efficacement contre les infractions visées. Pour s'en convaincre, près de 40% des personnes assujetties n'ont pas fait leur déclaration de patrimoine (Dp).
En réponse aux limites, le Sénégal a voté la loi n°2024-07 du 9 février 2024modifiant la loi n°2014-17 du 02 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine. Lesdites modifications concernent les personnes ayant le pouvoir de décision, le pouvoir d'influence. Les sanctions les concernant sont entre autres interdiction d'accéder à une fonction publique, amendes, peines privatives de liberté...
Ainsi donc, la déclaration de patrimoine est devenue obligatoire aux présidents d'institution de la République; au président de l'Assemblée nationale; au président du Haut conseil des collectivités territoriales; au président du Conseil économique social et environnemental; au président du conseil constitutionnel; au premier président de la cour suprême et du procureur général près ladite cour; aux questeurs de l'Assemblée nationale; au Premier ministre; aux membres du gouvernement ; au secrétaire général de la Présidence de la République ; au secrétaire général du gouvernement; au directeur de cabinet de président de la République; aux présidents de conseil départemental; aux maires; aux présidents des organes délibérants ; aux directeurs généraux ; aux secrétaires généraux; secrétaires permanents; secrétaires exécutifs ; aux directeurs ou chefs de services financier et comptable ou assimilés ; aux agents comptables ; aux directeurs des moyens généraux; aux coordonnateurs, responsables et chefs de service projet et programmes ainsi que tous les administrateurs de crédits, les ordonnateurs de recettes et de dépenses et les comptables publics effectuant des opérations portant sur un montant annuel supérieur ou égal à un milliard (1.000 000 000) de francs CFA.
Les innovations de la nouvelle loi de l'Ofnac
La présente loi aussi élargie que contraignante donne le plein pouvoir à l'Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) dont le pouvoir de placement en garde à vue des personnes mises en cause pour des faits de fraude, de corruption, d'enrichissement illicite, de pratiques assimilées et d'infractions connexes. Idem pour la possibilité de prendre une mesure de gel de biens, de fonds ou d'autres ressources détenus, possédés ou contrôlés par toute personne physique ou morale contre qui existent des indices de commission des faits relevant de sa compétence.
Le procureur de la République ou l'autorité judiciaire compétente est tenu dans les trois mois suivant la réception d'un rapport d'enquête de l'Ofnac, de saisir un ou plusieurs juges d'instruction ; l'autorité judiciaire est également tenue d'informer l'Ofnac de toute décision prise suite à sa saisine dans un délai d'un mois. Dans la loi, il est mentionné que le délit d'entrave au bon fonctionnement de l'Ofnac est puni d'une peine d'emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 5 à 50 millions FCFA.
Sont assimilés au délit d'entrave : refus non justifié de répondre à une convocation, refus d'exécuter les instructions du président, refus de communiquer toute information ou tout document utile dûment réclamé dans le cadre de l'exécution de ses missions, le fait de jeter le discrédit sur l'Ofnac ou sur un de ses organes. A noter également que la prescription de l'action publique pour les faits de compétence de l'Ofnac passe de 03 ans à 07 années révolues.
Avec la nouvelle loi, il est fait obligation aux personnes assujetties dans les trois (3) mois qui suivent l'élection ou la nomination de faire une déclaration d'entrée en fonction. Il en est de même dans les trois (3) mois qui suivent la cessation des fonctions de faire une déclaration de fin de fonction.
Les assujetties (personnes) à la loi se doivent également de déclarer directement ou indirectement tous les biens propres comme communs. Pour les biens meubles, il s'agit des valeurs en bourse, les avoirs bancaires des comptes courants ou d'épargne, les actions dans les sociétés de commerce en général, les assurances vie, les véhicules à moteur, tous autres biens meubles dont la valeur unitaire excède vingt millions (20 000 000 FCFA), les inactifs financiers, les avoirs détenus sous forme de monnaie virtuelle, les revenus Vérification et contrôle Après vérification et enquête en cas de fausse déclaration, de déclaration inexacte, de déclaration non exhaustive, évolution injustifiée du patrimoine, l'Ofnac élabore un rapport accompagné de toutes pièces utiles. Ledit rapport est soumis au procureur de la République ou à toute autre autorité judiciaire chargée des poursuites.
Le défi de la mise en oeuvre de la nouvelle loi
Avec cette nouvelle loi, le Sénégal peut se targuer d'avoir un bon arsenal juridique à même de lutter plus efficacement contre la fraude et la corruption. Ainsi, pour sa mise en oeuvre, l'Ofnac doit être mieux doté en ressources financières pour disposer de ressources humaines à même à ses nouvelles missions. Toutefois, le président de l'Ofnac, Sérigne Bassirou Gueye a précisé pour saluer l'oreille attentive des nouvelles autorités : « Je dois dire que les nouvelles autorités sont dans les bonnes dispositions de soutenir l'Ofnac ».
Pour s'en convaincre, « le budget 2024 a été accepté totalement par le ministre des Finances et du budget », dira-t-il. Donc, par rapport à « notre feuille de route, nous n'aurons pas de problème pour bien dérouler », a-t-il expliqué, hier mardi, à Dakar lors d'un atelier de vulgarisation des nouveaux textes modifiant la loi portant création de l'Ofnac et la loi sur la déclaration de patrimoine.