Le Haut commissariat des nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a présenté ce mercredi 14 août 2024 à Conakry, le Rapport sur les conditions de détention des enfants dans les prisons en République de Guinée. C'était à l'occasion d'une conférence de presse au siège de l'institution.
Au cours de son exposé, M. Aimé Kakolo NTUMBA, Représentant du Haut commissariat aux Droits de l'Homme Guinée a présenté les conclusions principales du rapport.
"Le présent rapport, préparé par le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en Guinée (HCDH), présente les principales préoccupations en matière de droits de l'homme liées aux conditions de détention et au traitement des enfants en conflit avec la loi et détenus dans les établissements pénitentiaires du pays.
Le rapport se base sur les observations et entretiens menés par des fonctionnaires du HCDH dans 13 établissements pénitentiaires du pays, dont huit maisons centrales, qui sont les plus peuplés, au cours de 15 visites effectuées entre les mois de mars 2023 et juin 2024. Il se fonde également sur les échanges avec des autorités judiciaires, pénitentiaires et des cadres du Ministère de la Justice et des droits de l'homme ainsi que des acteurs non-étatiques travaillant sur les questions de détention.
Dans un contexte où le recours à la détention provisoire prolongée continue de croître en dépit d'importants efforts consentis, le bureau du HCDH a documenté des conditions de détention des enfants dans les prisons qui sont contraires aux normes internationales relatives aux droits de l'homme auxquelles la République de Guinée a souscrit. Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires de la Guinée sont symptomatiques des défis structurels et comportementaux persistants en matière de respect des droits de l'homme dans les établissements pénitentiaires.
Les prisons guinéennes, notamment les maisons centrales sont surpeuplées et les mineurs en détention sur l'ensemble du territoire représentent environ 4,96% de la population carcérale. Cependant, le taux d'occupation des cellules par les mineurs dans certaines prisons laisse apparaître des situations qui ne répondent pas aux standards internationaux en matière de droits de l'homme.
La séparation entre les détenus mineurs et adultes n'est pas totalement assurée dans les 13 établissements pénitentiaires visités, et ce en violation des normes internationales relatives aux droits de l'enfant. Sur les 13 établissements pénitentiaires visités, seule la maison centrale de Conakry dispose d'un quartier pour mineurs qui, dans les faits, accueille également des adultes.
La quasi-totalité des établissements pénitentiaires de la Guinée datent de la période coloniale ou des premières années de l'indépendance et ont été construits pour accueillir un nombre réduit de détenus. Ils ne répondent pas aux normes et standards internationaux des droits de l'homme.
Le HCDH a constaté que les enfants en conflit avec la loi pour des infractions criminelles peuvent être détenus pendant plusieurs années avant d'être jugés, alors que le délai de détention provisoire en matière correctionnelle est de deux mois et en matière criminelle de quatre mois. Le recours quasi-systématique aux mesures de détention provisoire, l'inapplication, dans la majorité des cas, des mesures alternatives à la détention, le manque d'assistance légale et de centres d'accueil et de rééducation sont les principaux facteurs qui contribuent à la surpopulation carcérale qui conduit à la violation de nombreux droits des enfants en prison.
Bien qu'un médecin ou un agent de santé est affecté à chaque établissement pénitentiaire en vue d'effectuer régulièrement des consultations médicales des détenus, il sied de constater que dans la pratique, certains agents de santé ne se présentent pas. D'autres, en revanche, consultent et prescrivent des ordonnances pour les détenus malades, y compris les mineurs, sachant que les infirmeries de la prison ne sont pas souvent dotées de médicaments.
Les repas servis dans la quasi-totalité des établissements pénitentiaires visités étaient à la fois insuffisants en termes de quantité et pauvre en qualité. Lors des visites, il a été constaté plusieurs détenus mineurs qui fréquentaient l'école avant leur détention. Ils étaient répartis comme suit : 16 sur 86 soit 18,60% à Conakry, 7 sur 15 soit 41,17% à Kindia, 11 sur 13 soit 84,61% à Boké, 3 sur 6 soit 50% à Coyah. Cependant, dans tous les établissements pénitentiaires visités, il n'existe pas de dispositif pour favoriser la scolarisation de ces mineurs.
Face aux conditions de détention inhumaines caractérisant, en général, le système pénitentiaire, le gouvernement doit adopter, de toute urgence, des mesures décisives afin d'améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires. Le gouvernement devrait, à cette fin, faire preuve de plus d'efforts et d'une volonté politique inébranlable pour mettre en oeuvre les recommandations de ce rapport, y compris les mesures qui s'imposent pour venir à bout du recours généralisé à la détention provisoire des mineurs qui conduit, dans la plupart des cas, à des détentions illégales et arbitraires".