Congo-Kinshasa: Tshisekedi, Kabila, Cenco et... cohésion nationale - Isolement en marche ?

Encore en convalescence car sorti d'une épreuve médicale, Félix Tshisekedi, à Bruxelles, fait face à Christian Lusakweno et Baudoin Amba Wetshy, deux journalistes professionnels. En réponse à la préoccupation exprimée pour la cohésion nationale, il révèle l'échange qu'il a eu avec les Évêques membres de la Cenco (Conférence épiscopale nationale du Congo) représentant l'Eglise catholique romaine en République Démocratique du Congo. Ces derniers l'ont rencontré notamment à cet effet...

FELIX TSHISEKEDI REPOND À LA CENCO

Félix Tshisekedi déclare sa disponibilité à favoriser cette cohésion tout en s'interrogeant cependant sur celle des interlocuteurs. Selon ses propres termes : «Martin Fayulu n'a jamais reconnu les résultats de dernières élections. Comment est-ce qu'il acceptera ma main tendue ? Moïse Katumbi était prêt à faire la même chose. Mais grâce, évidemment, à la pression des siens, il a accepté qu'ils rentrent dans les institutions tout en restant, lui-même, borderline. Joseph Kabila, n'en parlons pas. Il a carrément boycotté les élections et prépare une insurrection parce que l'AFC, c'est lui ».

C'est si direct, si franc que toute repartie s'éteint côté intervieweurs. Par contre, côté intéressés (Fayulu, Katumbi et Kabila) elle est vive soit par eux-mêmes, soit par leurs collaborateurs.

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De quoi rappeler le dernier précédent, car l'histoire du Congo depuis l'indépendance est celle des audiences que la Cenco sollicite des chefs de l'État lorsque des crises majeures surgissent. Entre 1990 et 2024, c'est devenu un modus operandi.

JOSEPH KABILA REPOND A LA CENCO

26 janvier 2018. Joseph Kabila, Palais de la Nation, face aux professionnels des médias congolais et étrangers, réagit à la même préoccupation sur la : cohésion nationale. Cette fois-là, après le refus de l'opposition de participer au Dialogue de la Cité de l'Union africaine sous la facilitation d'Edem Kodjo. Il révèle l'échange qu'il a eu deux ans plus tôt avec la même Cenco.

Voici sa réponse : « Au mois de décembre 2016, le président de la Cenco et son vice-président étaient venus me voir pour me dire : Monsieur le Président, nous pensons que l'Accord signé au niveau de la Cité de l'Union africaine, c'est un bon accord, mais il reste encore une frange de l'Opposition. Est-ce que vous ne pouvez pas accepter que nous puissions faire un travail pour (...) ramener cette partie de l'Opposition à adhérer à cet accord, et comme ça nous aurons un accord complet ? J'avais dit : merci, je pense que c'est une bonne chose, une très bonne idée d'ailleurs. Vous avez le feu vert, mais il ne faut pas oublier qu'on n'a plus beaucoup de temps ».

PAS DU TOUT BON SIGNE ! »

En comparant ces deux réponses distantes de six ans et demi (janvier 2018-août 2024), on est face à deux approches contradictoires.

Autant le second (JKK) permet aux membres de la Cenco d'entreprendre la mission de bons offices auprès de l'opposition pilotée par l'Udps (d'où les négociations du Centre interdiocésain ayant débouché sur l'Accord global et inclusif à la base des élections de décembre 2018 remportée par Félix Tshisekedi), autant le premier (Fatshi) ne permet pas à la même Cenco de rééditer l'exploit de 2016!

L'a-t-il fait exprès ? Peut-être pas.

N'empêche que le résultat est le rejet de toute possibilité de dialogue.

6 jours après cette interview, les effets collatéraux se sont manifestés dans la composition du Sénat le lundi 12 août 2024. L'unique poste réservé à l'Opposition (rapporteur adjoint) a échappé au candidat d'Ensemble de Moïse Katumbi, le sénateur Salomon Kalonda, en faveur du candidat Jean-Claude Baende pourtant de l'Union sacrée de la nation !

Ainsi, excluant toute possibilité de dialogue avec l'Opposition armée et l'Opposition politique, Félix Tshisekedi, qui déclare avec raison de ne pouvoir négocier avec le criminel Paul Kagame, croit plutôt dans le Processus de Luanda.

Or, ce processus ne croit pas dans une solution armée...

Du Conseil de sécurité de l'Onu au Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine, de la Cirgl à la Cééac, de la Sadc à l'Eac, de Washington à Beijing, de Londres à Tokyo, de Paris à Pretoria, de Moscou à Dubaï, de New Delhi à Brasilia, le langage est unique dans le chef des décideurs impliqués dans la crise à l'Est : il faut absolument une solution politique.

Sur ces entrefaites, le Processus de Nairobi impliquant les groupes armés congolais est au point mort, laissant les 252 groupes armés écumant l'Est opérer librement.

Resterait-il dans le schéma de la guerre totale avec le Rwanda ?

Maintenant que les deux chambres peuvent siéger valablement et se prononcer légalement sur le déclenchement d'une guerre « à la moindre escarmouche », rien n'indique dans le chef des parlementaires Usn majoritaires à l'Assemblée nationale et au Sénat un soutien à cette voie.

Au final, Félix Tshisekedi est en train de fermer des portes à toute personne ou toute initiative avec qui ou avec quoi il est en désaccord réel ou supposé, au point d'en arriver à isoler même l'Udps et l'Usn, sinon de s'en isoler lui-même...

Vous qui avez la possibilité de l'approcher, dites-lui que ce n'est bon signe pour personne !

A commencer par lui-même...

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