Afrique Australe: Des bases pour les Talaotra dans le Canal de Mozambique

Du fait de l'importance du commerce maritime autour de la Grande ile et pour mieux se protéger des invasions, les Antalaotra dits islamisés « verrouillèrent tous les accès de Madagascar, particulièrement la côte Ouest. Celle-ci est, en effet, considérée comme la zone la plus à craindre étant la plus vulnérable devant les différentes nations qui commerçaient dans les parages » (lire Notes du mardi 13 aout).

Ils y placent des « Fanohitafika », qui a le sens de protection et/ou de fortification comme les «raketa» ou les « hadivory », ou les grands ficus, mais en ayant une autre dimension qui intègre les hommes (Ramisandrazana Rakotoariseheno, membre titulaire de l'Académie malgache «De la thalassocratie Waq-Waq à la thalassocratie Antalaotra dans le Canal de Moza-mbique», Communication à l'occasion de la 75e commémoration du 29 Mars 1947, «Nation et Souveraineté », Colloque scientifique international du 30 juin au 1er juillet 2022, publiée dans les «Mémoires de l'Académie Malgache », Fascicule, LVIII, décembre 2023, ISSN 1729-4169).

Les Antalaotra installent d'abord leurs « enfants ou parents», dont ils ont « l'assurance et la fidélité», à la tête des grandes dynasties les plus récentes (XVe-XVIe siècles) qui sont toutes apparentées et issues des Zafindraminia, selon l'ethnologue Paul Ottino («Les champs de l'ancestralité à Madagascar - Parenté, alliance et patrimoine »,1974). Ensuite, ils y placent des Antalaotra du Sud-est. L'académicienne signale aussi que le capitaine E. Defoort, bien avant lui, a déjà la confirmation que les Antalaotra auraient peuplé tout l'Ouest de la Grande ile («Étude historique et ethnologique sur le secteur d'Ambato-Boeni - Cercle de Maevatanàna », novembre 1905).

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« Ce contexte nous permet de mieux comprendre les conquêtes simultanées des différentes dynasties et, particulièrement, celles des Maroseranana sakalava dont l'étymologie des deux mots résume parfaitement cette volonté politique : ils étaient maîtres des ports et des embouchures de tous les grands fleuves de l'Ouest et pratiquement du Sud au Nord », ajoute l'auteure de l'étude. Le fleuve Fiherenana du Sud-ouest est même dévié pour compléter ce système de défense, appuie Gervais Jacques Zafitsimeto (« Conversation et échanges d'information sur les Antalaotra », 2020).

Cette volonté politique entraîne peu à peu le démantèlement, la ruine et la disparition des comptoirs musulmans du Nord-ouest, attestés par toutes les chroniques portugaises relatées dans les «Collections des ouvrages anciens concernant Madagascar » (Coacm) de Grandidier.

L'historienne explique alors que le terme «Fanohitafika» est le nouveau concept de défense aux XIIIe-XIVe siècles. « C'est donc un acte politique intégrant à la fois l'interface mer et terre et, logiquement, toutes les petites iles du Canal (de Mozambique) qui entrent de facto dans cette délimitation spatiale et dans leurs modes d'usage pour le commerce, mais aussi pour la stratégie militaire ».

Les Antalaotra portent ainsi aussi loin que possible la domination politique sur la mer, devenue théâtre de conflits, jusqu'à la côte Est de l'Afrique . «Et comme la meilleure défense est l'attaque, dans cette optique, ces iles deviennent des « éléments techniques », des bases et abris, qui permettent de se préparer aux manoeuvres, dans les futures batailles navales qu'ils livreront contre les gens d'en face.

« Elles sont à la fois dilatation de la Grande ile et imbrication des espaces terrestres dans leur usage respectif. Tandis que les iles les plus proches, autrefois habitées par des musulmans, sont réappropriées et deviennent des cimetières. Doany et lieux sacrés des esprits et des ancêtres royaux constituent ainsi un rempart invisible, mais néanmoins considéré comme efficace dans la civilisation malgache. L'utilisation des iles suivait, en fait, le schéma des ondes en arc sur la mer» (Hervé Couteau-Bégarie, historien politologue, « La stratégie maritime raisonne en termes de lignes plutôt que de fronts » 2008, « Traité de Stratégie» 6e édition, Economica ).

La thalassocratie Antalaotra remplace ainsi l'ancienne thalassocratie Waq-Waq. La date avancée par Faublée de l'an de l'Hégire 334, soit l'an 945, le confirme. Ce nouveau paradigme a pour conséquence l'émergence des États sakalava, plus forts et plus entreprenants en étant le bouclier du pays contre les étrangers.

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