Pendant plusieurs semaines, au Parlement, dans la rue, sur les réseaux sociaux, les Congolais ont longuement débattu de la question des terres « cédées », « prêtées » ou « vendues » dans le cadre d'un partenariat conclu avec la République du Rwanda sur le développement agricole. Ce débat peut-il à présent être considéré comme clos ? Le gouvernement et le parlement ont-ils, en ce qui les concerne, joué le rôle qui leur revient ? La société congolaise se sent-elle enfin apaisée ?
Rappel des faits : le 12 avril 2022, les gouvernements congolais et rwandais, représentés respectivement par le ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou N'Guesso, et par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Vincent Biruta, signaient à Brazzaville un « Accord cadre de partenariat économique, de la promotion et de la protection des investissements », motivé, entre autres, par « la volonté d'encourager et de soutenir une plus grande création de richesses dans les deux Etats ».
A l'article 3 de ce texte qui en compte 17, sont spécifiés les secteurs prioritaires : l'agriculture au sens large incluant la pisciculture, la foresterie, la pêche..., l'industrie, le tourisme, les loisirs, l'économie numérique, les zones économiques spéciales, l'immobilier, l'exploration et l'exploitation minière, les transports, l'environnement, le changement climatique, le renforcement des capacités de planification stratégique et en production statistique.
Des intentions nobles en sorte touchant aux domaines pour lesquels, en toute logique, le Congo peut avoir besoin d'en apprendre auprès de partenaires en Afrique ou ailleurs chez qui une certaine expertise de longue date est prouvée. Le Rwanda, pour ne pas le citer, a développé dans bon nombre de secteurs cités plus haut des expériences dont on parle hors de ses frontières. Un rapprochement à ce titre avec ce pays n'est pas dénué d'intérêt. Cependant, le contexte actuel en Afrique centrale, en particulier les tensions entre le Rwanda et la République démocratique du Congo, frontalière de la République du Congo, ont pu affecter l'avènement de cette coopération multiforme battue en brèche avant même qu'elle n'ait produit ses effets.
Pour ne pas avancer plus loin, des accusations réciproques de déstabilisation entendues à Kigali et à Kinshasa, des attaques verbales au plus haut niveau des deux Etats et leur forte médiatisation ont ennuagé une partie du ciel sous-régional et alimenté des appréhensions ainsi que des émotions, inventé des boucs-émissaires qu'il est apparu difficile de cheminer sereinement. Peut-être aussi que les parties signataires de l'accord ont tardé à mettre en lumière, au plan communicationnel, les tenants et aboutissants de ses termes techniques, domaine des experts qui mérite toujours d'être mieux expliqué au citoyen lambda.
Ce débat est-il clos ? Pour le gouvernement, oui ! il s'en est expliqué à plusieurs reprises répétant le 8 août, lors de la séance des questions orales à l'Assemblée nationale, que le Congo n'avait vendu ses terres à personne. Le Premier ministre, Anatole Collinet Makosso, en a profité pour remettre aux députés les pièces parlantes de ce dossier des terres qui devenait brûlant. On peut dire qu'ayant tendu l'oreille au Parlement, le gouvernement a joué sa partition dans ce dialogue indispensable entre les institutions du pays. Ce dernier, par la voix de ses élus, a aussi rempli son office.
La société congolaise s'est-elle rassérénée à la suite de cet aboutissement ? Sans doute. Comme l'a déclaré le chef du gouvernement, au 8 décembre de cette année, si aucune clause de l'accord cadre Congo-Rwanda n'est entrée en application, le texte aura épuisé sa légitimité et révélé sa caducité. Et le débat peut-être définitivement clos. Pourtant une question demeurera : les Congolais si beaux parleurs, que font-ils de leurs terres si fertiles ?