Ile Maurice: Le combat d'un avocat malvoyant pour la justice

À première vue, la vie de l'avocat Coomara Pyaneandee semblait déjà marquée par un défi monumental : naviguer entre les complexités du droit malgré une déficience visuelle. Mais rien ne l'avait préparé à la tempête qui allait bouleverser son existence lorsque son nom s'est retrouvé au coeur d'un rapport accablant d'une commission sur la drogue. Retour sur le parcours de cet homme de loi...

Âgé de 56 ans, Me Coomara Pyaneandee a prêté serment comme avocat en février 2001 et a rapidement gravi les échelons. Bien qu'il fasse de son mieux pour évoluer dans son univers professionnel malgré les contraintes, il estime qu'un système de sonorisation et un sous-titrage devraient être mis en place dans les salles d'audience pour les personnes qui portent un handicap. Il déplore que les personnes malvoyantes, souvent sous-estimées, fassent face à des obstacles importants, comme lorsqu'il doit préparer la défense de son client à partir d'un procès-verbal rédigé à la main par un enquêteur.

Ce type de document, illisible pour la plupart, l'oblige à le convertir en braille, ce qui nécessite un investissement de temps supplémentaire. «Toutefois, j'ai une technique pour le contact visuel lors de mes apparitions en cour et lorsque je dois mener mes contre-interrogatoires», explique-t-il. Il est accompagné par son assistant personnel, qui est son épouse, et bénéficie des services d'un chauffeur.

Sa vie a basculé lorsqu'il a été convoqué en 2004 par la Major Crime Investigation Team, les enquêteurs lui reprochant d'avoir rendu visite en prison à un témoin à charge dans une affaire impliquant le trafiquant Rajen Velvindron. «Après ma convocation, il n'y a eu aucun suivi jusqu'à ma fameuse convocation devant la commission sur la drogue en 2017. Je venais de rentrer de Tanzanie. Paul Lam Shang Leen me reprochait d'avoir effectué des visites non sollicitées à la prison», avance l'ancien conseiller du ministre de la Sécurité sociale.

Pendant cette période d'attente, il a été élu conseiller à la mairie de Curepipe avant de devenir maire de la ville lumière en 2009-2010. «Quand j'ai terminé mes études au Royaume-Uni, j'étais content de rentrer au bercail. Sauf que lors de ma comparution devant ladite commission, j'ai été gravement diffamé. Quand je marche dans Port-Louis, les gens me regardent comme si je vendais de la drogue en cachette», poursuit l'habitant de Curepipe.

Pour ce président du comité des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, ses efforts ont été réduits à néant à cause de ce rapport dans lequel il a été qualifié de «brebis galeuse». «Je suis né dans une extrême pauvreté et mon père, maçon de profession, a porté des sacs de béton pour payer mes études. Tout cela est parti en fumée. Ma réputation a pris un sale coup. Lorsque je me rends au Central Criminal Investigation Department pour assister un client, les enquêteurs me demandent si j'ai déjà perdu ma toge. D'ailleurs, j'avais postulé pour des emplois à l'étranger, mais en vain», soutient le père de deux enfants, qui a commencé à perdre des clients.

Cependant, son parcours, selon ses dires, l'a aidé à surmonter les épreuves. Il n'a pas baissé les bras et a saisi le Privy Council, où il a remporté haut la main sa contestation face aux conclusions du rapport. «Je vais désormais devoir me reconstruire, regagner confiance en moi, bien que je n'aie jamais reçu d'excuses du président de la commission, dont les conclusions ont été rejetées par les Law Lords en Angleterre.»

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