Sénégal: Le pays à la quête d'une Assemblée Nationale?

19 Août 2024
analyse

Voilà un pays qui au lendemain d’une élection présidentielle du 24 février 2024 est auréolé de congratulations pour sa maturité démocratique, pour avoir réussi par le jeu d’institutions solides, à consacrer l’alternance à la tête du Sénégal, malgré les péripéties liées au report sine die de la date de démarrage de la campagne électorale, décidé par l’ancien Président Macky Sall.

Que s’est-il passé entretemps pour que le pays retombe dans les travers d’une crise politique ; oui c’en est une, au sein du parlement.

C’est vrai que pour certains observateurs, l’élection de Bassirou Diomaye Faye en est pour quelque chose. C’est un fait inédit et surtout par le fait qu’il soit intervenu au 1er tour alors que l’on s’attendait à un second tour. Cela a introduit une forte dose de déséquilibre au niveau des institutions notamment l’Assemblée nationale qui nous avait habitué à une majorité au pouvoir quasi mécanique de la mouvance présidentielle sortante de Benno Bokk Yaakar. Si l’on fait une analyse rétrospective on s’aperçoit que « le ver était déjà dans le fruit ». En effet, le dépôt des listes pour les législatives a donné lieu à un imbroglio que le Conseil Constitutionnel a dû trancher par un « jugement de Salomon » dont le résultat inédit avait donné ce qui suit.

La liste des candidats titulaires élus au scrutin proportionnel à l’échelle nationale de la coalition de l’opposition « Yewwi Askan Wi » a été annulée. En lieu et place elle a été remplacée par la liste des suppléants. D’office tous les leaders de l’opposition était exclus du futur parlement. D’un autre côté, la coalition au pouvoir a vu sa liste de suppléants annulée sans conséquence, car tous ses cadres se verront élus presque au coude à coude avec les « seconds couteaux » de l’opposition.


La suite on la connait, l’élite de l’opposition se trouve hors du parlement et du débat politique, laissant la place aux « lieutenants », dont l’exercice favoris a été le pugilat, l’invective et l’insulte.

Le comble est que le vice a été poussé tellement loin, qu’on en est arrivé à accuser deux éminents membres de la juridiction constitutionnelle de corruption, dans laquelle l’auteur présumé était le candidat déclaré de la majorité, qu’est l’ancien premier ministre Amadou Ba. Une commission parlementaire a été mise en place pour enquêter sur ces graves accusations à une vitesse éclaire, au point de créer la plus grave crise que le pays n’ait  jamais connu, depuis 50 ans.

Pis cela n’a abouti à rien et ne pouvait pas donner grand-chose tellement l’argument était spécieux, car en tant que députés, les initiateurs (membres du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar -coalition au pouvoir- et ceux du groupe Wallu dont le Parti Démocratique sénégalais de l’opposition -PDS-) savaient bien qu’ils étaient couverts par leur immunité, et que la plainte du magistrat mettrait un coup d’arrêt à leur projet.

Projet qui avait pour seul objectif le report de la présidentielle et ainsi proroger de fait le mandat de Macky Sall.

Ce parlement vaut-il une once de légitimité pour exiger que l’actuel chef du gouvernement issu de ces élections vienne satisfaire à son obligation constitutionnelle de faire sa déclaration de politique générale, d’autant que cette Assemblée, elle a auparavant tripatouillé son règlement intérieur pour en extirper cette obligation légale après que Macky Sall ait décidé de supprimer le poste de 1er ministre avec leur onction ?

Le non débat instauré à cette effet, ne constitue que du dilatoire qui a ouvert la porte à de nombreux opérateurs électoraux qui aujourd’hui s’y sont engouffrés pour crier à tue-tête en faveur du différé de la dissolution, qui est un droit constitutionnel du chef de l’Etat pour se doter d’une majorité apte à l’accompagner dans la mise en œuvre de son programme de gouvernement. Or jusqu’à présent la majorité relative au pouvoir manifeste par les actes qu’elle pose une attitude politicienne de défiance.

Le summum a été atteint, quand le ministre des Finance et du Budget a été éconduit, lorsqu’il voulait se présenter pour le débat d’orientation budgétaire, qui précède l’examen de la loi de finances.

Une telle Assemblée est -elle dans les dispositions d’exercer ses pouvoirs constitutionnels qui dans ce contexte n’ont de sens que dans le jeu d’équilibre des pouvoirs qui soit en mesure d’accompagner les réformes institutionnelles prévues par le nouveau pouvoir.

Il y a donc urgence à dissoudre et qu’on ne nous parle pas de délais ni de parrainage. Le Conseil constitutionnel a pourtant réduit la durée de la campagne électorale pour la présidentielle non ? Il peut parfaitement indiquer la date à laquelle le Président de la république peut exercer de plein droit sa prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale, et de convoquer le collège électoral pour l’élection des députés.

Il peut parfaitement au regard de cette jurisprudence décider du parrainage, pourquoi pas en exigeant simplement le parrainage des élus locaux ou départementaux avec la possibilité de faire des parrainages multiples limités à 3 et en réduisant le nombre de parrains requis ? Lui seul , le conseil constitutionnel  peut en décider, par conséquent laissons-lui cette prérogative, et acceptons de nous soumettre à la sagesse de sa décision.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.