L'on pensait qu'on s'était débarrassé de nos vieux démons. Or, la perception que Maurice serait un paradis fiscal abritant des sociétés-écrans nous colle à la peau. On en a eu une nouvelle fois la démonstration avec l'affaire Adani et les révélations de la société américaine Hindenburg Research, lesquelles sont vivement démenties par les autorités locales. Cette affaire a éclaté au moment où le ministre des Services financiers, Sunil Bholah, à la tête d'une délégation composée notamment de représentants de l'Economic Development Board, dirigeait une mission dans le cadre d'une campagne promotionnelle à Mumbai, Ahmedabad (GIFT City), Coimbatore et Chennai.
Ce nouveau scandale auquel Maurice est injustement associé, selon la Financial Services Commission, car IPE Plus Fund et IPE Plus Fund 1 ne seraient pas domiciliées au sein de notre juridiction, mais plutôt aux Bermudes, laisse un arrière-goût amer.
Il est vrai que pendant longtemps, les pouvoirs publics et les acteurs du monde de la finance ont fait preuve d'un certain laxisme. Grisé sans doute par les milliards de dollars qui transitaient par la juridiction mauricienne pour atterrir en Inde principalement, l'on a omis d'effectuer les exercices de diligence raisonnable qui s'imposaient lorsque le drapeau rouge s'agitait et que certaines transactions paraissaient, a priori, suspectes. Le résultat, on le connaît : à maintes reprises, on s'est attiré les foudres de la presse indienne mettant en lumière des opérations de round-tripping via notre secteur offshore.
Concrètement, ce qui se passait, c'est que nombre d'investisseurs indiens étaient suspectés de créer des coquilles vides à Maurice. Par le truchement des P-notes, ces investisseurs, tout en restant dans l'anonymat, se livraient à des transactions sur la Bourse indienne, avec l'objectif de gonfler le cours de certaines actions et de faire de la hot money, c'est-à-dire réaliser des gains rapides.
Si Maurice est loin d'être exempt de tout reproche, il est, par ailleurs, pertinent de faire ressortir que ces attaques répétées montaient en crescendo à mesure que la GIFT City prenait forme. Simple coïncidence ? Par la suite, en 2016, Maurice troquait son traité de non-double imposition avec l'Inde à la faveur d'un dédommagement de Rs 12,7 milliards.
Résolu d'écrire une nouvelle page de son histoire et de se repositionner sur l'Afrique, le pays devait s'engager dans un ensemble de réformes fiscales et réglementaires en vue de répondre aux exigences d'institutions internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Groupe d'action financière (GAFI). Mais cela ne s'est pas fait sans heurts. Plus d'une fois, notre passé nous a rattrapés. C'est ainsi que le pays a été épinglé dans les enquêtes dûment menées par le Consortium International des Journalistes d'Investigation, à savoir, les Panama Papers, les Offshore Leaks, les Paradise Papers et les Mauritius Leaks.
Cette mauvaise presse nous a conduits jusqu'au bord du précipice lorsque Maurice a été placé sur la liste grise du GAFI et la liste noire de l'Union européenne en 2020, soit en pleine pandémie. Encore une fois, l'on s'est mis au travail. Grâce aux efforts conjugués des autorités et du secteur privé, on a été en mesure de mettre en oeuvre le plan d'action du GAFI en moins de deux ans. Celui-ci consistait à renforcer notre mécanisme de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Si bien qu'aujourd'hui, Maurice est le seul pays de l'Afrique subsaharienne à se conformer pleinement à toutes les recommandations du GAFI.
Pour revenir à l'affaire Adani, si l'on se fie à la communication officielle de la Financial Services Commission, il y aurait eu erreur de la part de Hindenburg Research, qui s'est fourvoyée en associant Maurice à des structures (IPE Plus Fund et IPE Plus Fund 1) se trouvant à des milliers de kilomètres de nos côtes. De plus, l'insistance de la société américaine à faire mention de Maurice comme un paradis fiscal ou encore comme une forme de patrie pour les entités fictives est hautement préjudiciable à notre réputation.
Étant dans son bon droit, le ministre des Services financiers a eu raison de venir affirmer ouvertement dans les médias que le rapport de Hindenburg Research est erroné. Mais, compte tenu du préjudice causé et de la mauvaise perception relayée dans la presse internationale, les autorités locales doivent, dans les semaines à venir, se retrousser les manches et mener une campagne de communication agressive à l'international et rechercher de la société américaine qu'elle fasse amende honorable.