C'était l'une des promesses phares de Bassirou Diomaye Faye pendant la campagne présidentielle en mars dernier. Avant d'être aux affaires, les leaders de Pastef, quand ils étaient dans l'opposition, avaient promis plus de transparence et d'équité à travers des renégociations des contrats signés entre l'Etat sénégalais et les sociétés qui exploitent les ressources du pays.
La chose semble prendre forme. En effet lundi 19 août, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a installé une commission ad hoc qui doit connaître de cette question. Elle est composée d'experts juridiques fiscaux ainsi que du secteur de l'énergie. Secteurs concernés : les mines, le gaz, le pétrole, la pêche... « En tant que parti politique d'opposition, nous avions eu à regretter et à dénoncer vigoureusement la manière dont les accords et conventions étaient conclus au détriment, la plupart du temps, des intérêts stratégiques du Sénégal et de son peuple », a relevé le PM.
C'est donc sur cette base que les travaux devraient se dérouler. En réalité, c'est un sujet qui concerne aussi bien le Sénégal que de nombreux autres pays africains qui n'ont, la plupart, que les matières premières sans les ressources financières, la technologie ni les ressources humaines qualifiées pour les exploiter.
Les ressources étant au Sud et l'argent au Nord, ce sont des sociétés occidentales, chinoises et russes qui les exploitent à travers des contrats, il est vrai souvent, léonins. Il est donc de bon ton que le Sénégal cherche à y voir clair. C'est une affaire de montants colossaux ; à titre d'illustration, le gaz pourrait rapporter en moyenne 700 milliards de francs CFA (soit plus d'un milliard d'euros) par an sur une trentaine d'année au pays de Léopold Sédar Senghor.
Pour autant, si l'on en croit le PM Sonko, le pouvoir n'est pas dans une logique de table rase. « Contrairement à ce que certains ont pu avancer : la logique n'a jamais été de venir raser tout, nationaliser comme certains le pensent même. La logique est de travailler de manière rigoureuse, méthodique », a-t-il tempéré, comme pour rassurer les investisseurs.
En vérité, une chose est de vouloir renégocier les contrats et une autre est de pouvoir effectivement le faire. Selon certains spécialistes et les clauses de certains contrats ne prévoient même pas la possibilité de renégociation. Il faudra donc batailler ferme pour parvenir à beaucoup plus d'équilibre et de biens partagés entre les différentes parties, selon l'expression même du chef de la primature sénégalaise.
Contrairement aux différents divorces qui interviennent dans certains pays, le processus qui vient d'être engagé au Sénégal se fera de façon consensuelle. En réalité, contrairement à ce qu'on pense, les « exploiteurs » ne sont pas toujours ceux qu'on pense. A titre d'exemple, le gisement de pétrole 'offshore' de Sangomar est exploité par Woodside, une société australienne qui détient 82 % et la société pétrolière du Sénégal (PETROSEN) 18% ; le champs de gaz «Grand Tortue Ahnmeyin », situé à 3000 mètres de profondeur au large de la ville de Saint-Louis par la société British Petroleum (BP) et l'entreprise américaine Kosmos Energy, la société mauritanienne des hydrocarbures Petrosen.
Une société chinoise est chargée de construire les plateformes d'extraction. Quant à la pêche, un secteur non moins important qui emploie 17 % de la population active du Sénégal, l'Union européenne et la Chine se bousculent au large du pays. Quoi qu'il en soit, c'est toujours bon pour un Etat de veiller à ce que les ressources de son sous-sol profitent d'abord et avant tout à ses populations, ce qui n'est hélas pas toujours le cas, qu'on soit au Sénégal, en République démocratique du Congo, en Guinée ou en Angola, pour ne citer que ces pays favorisés par la nature.
Pour que les récoltes répondent aux promesses des fleurs électorales, il faut bien de l'entregent des nouvelles autorités, reconnues pour leur pragmatisme. Autrement l'exercice qui suscite tant d'espoir pourrait se révéler catastrophique pour le nouveau pouvoir, qui s'exposera vite au jugement à l'exigent peuple sénégalais.