Gabon: Le pays s'apprête à produire du riz développé localement

21 Août 2024

Libreville — Après sept années de recherches suivies d'une phase test, des chercheurs du Programme national de sélection et d'amélioration variétale-production de semences (PNSAV-PS) du Gabon viennent de mettre au point les premières variétés de riz adaptés aux sols du pays.

Il s'agit concrètement de cinq variétés de riz blanc et noir développées avec un fond génétique de la Corée du Sud et testées dans la rizière pilote de Kougouleu, un village situé à environ 55 km de Libreville, la capitale gabonaise. Un test qui a permis de confirmer la qualité et la rentabilité de ces différentes variétés qui, d'après le PNSAV-PS, sont bien adaptées aux sols gabonais.

Selon Yonelle Déa Moukoumbi, coordinatrice du PNSAV-PS, ces variétés qui sont de type pluvial et irrigué ont la particularité d'avoir un haut rendement, d'être résistantes à la maladie et d'avoir un cycle de production court.

"Les calculs nous amènent à comprendre qu'à l'hectare, nous devons avoir entre 3 et 4 tonnes de riz. Je l'ai expérimenté sur de petites superficies. D'ici fin septembre, nous comptons lancer des expérimentations sur de plus grands espaces"Hermann Kavougou, riziculteur

« C'est du riz "made in Gabon" développé par des chercheurs gabonais qui va être cultivé au Gabon et aussi dans d'autres pays. Ce sont des variétés dont on connait la traçabilité, les parents, le pedigree... Ce sont des variétés de riz à haut rendement qui ne sont pas nécessairement parfumées, mais, qui sont de bonne qualité », explique-t-elle.

S'agissant précisément du rendement, des producteurs ayant testé ces variétés de riz dans certaines localités du pays témoignent. « Le PNSAV-PS m'avait donné une petite quantité de riz que j'ai semée sur une parcelle de 9 mètres sur 11. J'ai pu récolter 50 kg de riz », raconte Rachel Manfoumbi, technicienne de laboratoire et productrice agricole.

« J'attends davantage de semences pour travailler prochainement sur l'hectare. Mon objectif est de commercialiser au Gabon et à l'international », ajoute cette dernière qui a expérimenté ces nouvelles variétés de riz sur un système pluvial.

Le riziculteur Hermann Kavougou a lui aussi expérimenté la culture de ces nouvelles variétés depuis le mois de mars 2024 sur différents types de terrains. A l'en croire, les résultats ont jusque-là été encourageants.

« Les calculs nous amènent à comprendre qu'à l'hectare, nous devons avoir entre 3 et 4 tonnes de riz. Je l'ai expérimenté sur de petites superficies. D'ici fin septembre, nous comptons lancer des expérimentations sur de plus grands espaces », explique-t-il dans un entretien avec SciDev.Net.

Réduire les importations

De tels rendements permettront, d'après les chercheurs gabonais, de réduire la facture des importations de ce produit qui est devenu, au fil des années, un aliment de base pour les Gabonais. Selon les données du Conseil gabonais des chargeurs, le Gabon a importé en 2023 plus de 95 286 tonnes de riz, représentant une dépense de plus de 41 milliards de FCFA (69,5 millions de dollars).

Ces variétés de riz sont jugées « appétissantes » et n'ont rien à envier au riz importé, du moins si l'on en croit les personnes qui les ont dégustées. « Je suis émerveillée par les résultats parce que le riz, je l'achète habituellement dans les grandes surfaces. Mais là, c'est du bio. C'est une satisfaction », affirme Paulette Missambo, la présidente du sénat gabonais à l'occasion d'une cérémonie de dégustation.

Cette dernière a particulièrement affectionné le riz noir. « C'est la première fois que je goute du riz noir, et curieusement, pour moi, il est le meilleur. Donc, l'apparence peut tromper », affirme-t-elle. A en croire le PNSAV-PS, c'est une variété qui présente plusieurs vertus sur le plan sanitaire. Il serait par exemple conseillé notamment aux diabétiques et pour le repas des enfants.

A présent, il est question que ces différentes variétés soient homologuées par le ministère de l'Agriculture au Gabon. « L'homologation est une étape très importante. Car, c'est elle qui va définir l'identité de ces variétés et permettre de créer le premier catalogue gabonais de ces variétés de riz », explique Yonelle Déa Moukoumbi.

« C'est après cette étape que démarrera la production à grande échelle du riz "made in Gabon". Car quand la semence est homologuée, elle intervient pour 40% dans la production », renchérit Moussa Sie, sélectionneur sénior de riz au Centre du riz pour l'Afrique (AfricaRice), un centre d'excellence panafricain de recherche sur le riz.

Attaques d'oiseaux

Quant à eux, les producteurs redoutent d'ores et déjà des problèmes qu'ils ont croisés pendant la phase d'expérimentation et qui pourraient s'accentuer dans une culture à grande échelle. A l'instar des attaques d'oiseaux. « C'est un problème sérieux qui est à l'origine des mauvais rendements », souligne Rachel Manfoumbi.

Sur cette question, Manneh Baboucarr, directeur général d'AfricaRice, explique que c'est un phénomène qui n'est pas nouveau. « Actuellement, les chercheurs ont mis en place plusieurs technologies qui permettent de lutter contre ce problème. Ce qui est recommandé au niveau de la production, c'est d'essayer de faire la synchronisation de la campagne pour que l'offre inonde les oiseaux », dit-il.

« Quand les oiseaux ont à manger dans la forêt, ils ne viennent pas dans les champs. Mais, si les champs sont isolés, cela va encourager la consommation de la production par les oiseaux. Pour les phases d'expérimentation, ce sont les filets qui sont recommandés. Malheureusement, pour des exploitations commerciales, on n'a pas la possibilité de couvrir des hectares de champs avec les filets », poursuit le chercheur.

Pour sa part, le riziculteur Hermann Kavougou déplore l'absence de moyens techniques et financiers pour la mécanisation. « C'est sur la base de ces moyens que nous pourrons produire à bon escient. Notre souhait est de produire sur l'ensemble du territoire national », soutient-il.

Le développement de ces variétés de riz s'est fait en partenariat avec divers organismes internationaux tels que le Kafaci (Organisme intergouvernemental sud-coréen), l'Agence japonaise pour la coopération internationale (JICA) et AfricaRice.

En attendant leur homologation, le PNSAV-PS envisage de travailler sur d'autres variétés, en particulier le riz parfumé qui est très apprécié des Gabonais.

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