Congo-Kinshasa: Reprise des combats - Le président Tshisekedi doit changer son fusil d'épaule

analyse

En République démocratique du Congo (RDC), le crépitement des armes a repris le 21 août dernier dans le territoire de Masisi, entre les rebelles du M23 et les groupes armés alliés de l'armée.

Des combats d'une rare violence qui ont laissé plusieurs victimes sur le carreau, au moment où des pourparlers de paix pour un règlement définitif de la crise à l'Est de la RDC, se mènent à Luanda en Angola. En rappel, le président angolais, Joao Lourenço, est le médiateur attitré de l'Union africaine (UA) dans ce conflit armé qui déchire le pays du président Félix Tshisekedi depuis plusieurs années.

Et pas plus tard que le 1er août dernier, un cessez-le-feu entrant en vigueur trois jours plus tard, et présenté comme étant le fruit de ces discussions, avait été conclu dans la capitale angolaise, entre les parties qui ont accepté de s'asseoir sous l'arbre à palabres.

Ce qui constituait déjà en soi un mince espoir de retour à la paix, depuis la reprise des hostilités entre l'armée congolaise et les rebelles du M23 qui se sont emparés fin 2021, de vastes pans du territoire dans la partie orientale du pays. Notamment dans la province du Nord-Kivu où ils volent de conquête en conquête, avec l'appui supposé ou réel du voisin rwandais régulièrement accusé par Kinshasa et épinglé par des rapports onusiens, de soutenir les rebelles.

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En multipliant les fronts, Tshisekedi se retrouve dans la tourmente

Toujours est-il que la violation de cette trêve éphémère, sonne comme un retour à la case départ. Comment peut-il en être autrement quand les rebelles du M23 qui sont au coeur du conflit, répondent aux abonnés absents aux discussions de Luanda ?

Comment peut-il encore en être autrement quand le locataire du palais de la Nation, qui ne veut pas sentir, même en peinture, les rebelles du M23, refuse catégoriquement de s'asseoir autour d'une table de discussion avec eux alors que son armée a été mise en déroute, et est incapable de stopper la progression des insurgés ? Autant dire que le président Tshisekedi doit changer son fusil d'épaule.

Il a d'autant plus intérêt à le faire que la situation sur le terrain est, de plus en plus, difficilement tenable, avec cette percée des rebelles qui avancent la fleur au fusil face à des soldats qui ne semblent pas prêts au sacrifice suprême pour sauver la patrie. Et qui n'hésitent pas à prendre la poudre d'escampette, au moindre coup de feu. En tout cas, la situation paraît d'autant plus désespérante que même l'instauration de la peine capitale contre les soldats déserteurs et les condamnations qui se sont ensuivies, sont encore loin de produire les effets escomptés sur la troupe.

Et ce, dans un contexte où le régime de Kinshasa a dû se rétracter dans le processus de retrait des troupes onusiennes de la MONUSCO qu'il avait demandé à cor et à cri, en même temps qu'il exigeait le départ des soldats de la force régionale de l'EAC accusés de passivité devant l'ennemi.

Félix Tshisekedi doit se faire une raison

Et pour ne pas arranger la situation, pendant que le gouvernement congolais peine à s'assumer pleinement sur le plan militaire, on assiste à une crise au sein du parti présidentiel où les partisans du chef de l'Etat qui a entamé son second mandat, se livrent à une guerre de positionnement qui ne dit pas son nom. Toujours est-il que ce manque de cohésion au sein de son parti, au moment où le président Tshisekedi a le plus besoin de soutien pour faire face à l'adversité, contribue à fragiliser sa position.

Et ce, dans un contexte où son discours peine à fédérer à l'interne. En témoignent les récentes accusations portées contre l'ex-président Joseph Kabila, d'être en intelligence avec le mouvement politico-militaire de l'Alliance du Fleuve Congo (AFC), lancé en décembre 2023 par l'ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa depuis son exil kényan.

Un ancien cacique de l'ancien parti au pouvoir dont la condamnation, par contumace, à la peine capitale, avec d'autres prévenus, au terme d'un procès auquel le président Tshisekedi tenait comme à la prunelle de ses yeux, n'est pas loin de consacrer la division des Congolais. Toujours est-il qu'en multipliant les fronts, le chef de l'Etat congolais se retrouve d'autant plus aujourd'hui dans la tourmente qu'il peine à resserrer les rangs de ses propres partisans.

En tout état de cause, si toute guerre, comme on le dit, finit toujours autour d'une table de négociations, Félix Tshisekedi doit, comme qui dirait, se faire une raison pour aller à la paix avec ses ennemis jurés du M23. Et la réalité du terrain où son peuple continue de souffrir le martyre des exactions des groupes armés, ne commande pas autre chose qu'il descende de son piédestal pour chercher une solution politique au conflit, là où, en plus de montrer ses limites, l'option militaire est loin d'être en sa faveur. Il y va de l'intérêt du pays et de la stabilité de son régime.

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