Le système judiciaire est confronté à de nombreux problèmes structurels, qui perdurent depuis des années. Parmi les défis majeurs figurent les retards dans la transcription des procédures judiciaires, les pannes d'équipements essentiels tels que les photocopieurs et les imprimantes, ainsi que l'état délabré des bâtiments judiciaires.
Ces problèmes affectent non seulement le personnel judiciaire, mais aussi les justiciables et les avocats, entraînant une accumulation préoccupante des affaires en attente et entravant le bon fonctionnement de la justice.
L'un des problèmes les plus alarmants du système judiciaire concerne les retards persistants dans la transcription des procédures. Essentielle au bon déroulement des affaires, la transcription permet de conserver une trace écrite des débats qui se déroulent dans les tribunaux. Pourtant, le système en place, basé sur des enregistrements numériques vieux de plus de 20 ans, montre des signes évidents de dysfonctionnement. Actuellement, 18 transcripteurs sont chargés de traiter les enregistrements provenant de l'ensemble des tribunaux de l'île, un nombre nettement insuffisant face à la demande croissante.
Le processus de transcription est à la fois complexe et chronophage. Les enregistrements des procédures sont d'abord effectués par les fonctionnaires de la cour, qui doivent ensuite remplir une feuille de suivi (logsheet) détaillant chaque affaire, y compris les noms des parties concernées. Ces informations sont ensuite transmises aux transcripteurs, chargés de convertir les enregistrements audio en texte écrit. Une fois le document finalisé, il est renvoyé à l'employé de la cour pour validation. Ce processus, déjà laborieux, est exacerbé par le manque de personnel qualifié. Bien que des transcripteurs privés aient été recrutés pour pallier cette carence, les retards continuent de s'accumuler et les résultats escomptés n'ont pas été atteints.
Un exemple flagrant de ces retards est le jugement rendu le 9 août par les juges Aruna Devi Narain et Azam Neerooa. Dans cette affaire, les arguments sur la «plea in limine litis» avaient été entendus le 15 février 2022, mais la décision n'a été rendue que plus d'un an plus tard, le 30 juin 2023. Le retard était principalement dû au fait que la transcription des débats n'avait pas été reçue à temps, n'étant validée que le 9 mai 2023. Ce cas, loin d'être isolé, illustre un problème systémique touchant de nombreuses autres affaires, qui sont renvoyées et retardées, exacerbant ainsi la frustration des parties concernées et entravant le bon fonctionnement de la justice.
Projet de logiciel jamais mis en oeuvre
Le management a émis une directive stipulant que les tribunaux ne peuvent demander une transcription que si les débats excèdent 30 minutes pour les cours de district et 15 minutes pour la Cour suprême. Cette mesure, loin de résoudre les problèmes, a été jugée inappropriée par la Court Officers Association, notamment en raison du grand nombre d'affaires traitées chaque jour dans les cours de district. En l'absence d'enregistrement numérique, les employés de ces tribunaux sont contraints de prendre des notes à la main, ce qui alourdit encore leur charge de travail. Bien qu'un projet de logiciel similaire à celui utilisé par l'Assemblée nationale, capable de retranscrire automatiquement les voix en texte, ait été envisagé, il n'a toujours pas été mis en oeuvre. Les problèmes persistants continuent ainsi de freiner le bon déroulement des procès.
Photocopieuses et imprimantes en panne depuis un an
Un autre problème majeur qui afflige le système judiciaire est la panne prolongée des équipements de bureau essentiels tels que les photocopieurs et les imprimantes. Dans de nombreuses cours, ces appareils sont hors service depuis plus d'un an, compliquant le travail des employés de justice et retardant la gestion des demandes de copies de documents. Malgré les demandes répétées du personnel et de la Court Officers Association, aucune mesure concrète n'a été prise pour remédier à cette situation. Les divisions judiciaires transmettent chaque année leurs besoins, mais les problèmes demeurent non résolus. À titre d'exemple, certains bureaux de juges à la Cour suprême sont dépourvus de toner pour leurs imprimantes.
Cette négligence du matériel administratif a également un impact direct sur les communications internes. Par exemple, une demande de remplacement de télécopieur a été formulée plus de cinq fois sans résultat. À la cour de district de Rivière-Noire, il n'y a plus de toner pour la machine à fax depuis très longtemps, ce qui nuit à la capacité des tribunaux à fonctionner efficacement et à traiter les affaires en temps voulu. De plus, au Registry de la Cour suprême, qui est le coeur de cette institution, les photocopieuses essentielles pour le traitement des dossiers ne sont pas opérationnelles.
Infrastructures délabrées
En dépit des annonces budgétaires annuelles promettant la création de nouveaux tribunaux ou la rénovation des structures existantes, les réformes entreprises restent fragmentaires. De nombreux bâtiments abritant les tribunaux sont toujours dans un état déplorable. Par exemple, la salle des pièces à conviction de la cour de Flacq est infestée de rats, un problème grave car ces pièces sont essentielles pour le déroulement des procès. De plus, les toilettes insalubres ou hors d'usage, les infestations persistantes malgré les traitements de lutte contre les nuisibles et les fuites dans les bâtiments sont des réalités quotidiennes pour le personnel et les usagers des tribunaux.
Manque de personnel et promesses non tenues
Dans le dernier Budget présenté, le ministère des Finances avait annoncé avec grand enthousiasme le recrutement de plusieurs Court Officers pour pallier le manque criant de personnel dans les tribunaux. À ce jour, aucun appel à candidatures n'a été lancé, et le silence reste total. Entre-temps, les services de justice continuent de souffrir gravement d'un déficit de personnel à tous les niveaux, impactant négativement leur bon fonctionnement.
Dans certaines cours de district, les fonctionnaires se retrouvent à effectuer des tâches administratives qui devraient incomber à plusieurs personnes. La situation devient de plus en plus intenable : la santé des employés, qui travaillent sous pression pour assurer les divers services judiciaires, se détériore. Ils peinent à satisfaire les besoins des justiciables et à maintenir le bon fonctionnement des affaires de la cour.
La Court Officers Association n'a cessé d'alerter le management sur ces conditions déplorables qui entravent la performance optimale de la justice. Le personnel déplore que les autorités responsables ne prennent pas les mesures nécessaires pour améliorer la situation. Selon les membres de l'association, «c'est au management de convaincre les autorités de l'importance de ces projets pour le système judiciaire afin d'obtenir les financements requis».
La situation dans les tribunaux, souligne-t-on, est le résultat d'une mauvaise gestion persistante. L'absence d'entretien et de réparations régulières a conduit à des pannes fréquentes, notamment des systèmes de climatisation, qui ont fini par tomber complètement en panne. «Cette situation est symptomatique d'une gestion inefficace, et le problème est aggravé par un manque de suivi du bureau des ressources humaines, qui n'a pas su assurer une gestion adéquate du personnel. Cette négligence a conduit à une situation critique dans laquelle les tribunaux se trouvent aujourd'hui, avec un personnel insuffisant et des équipements en panne. De plus, la gestion des tribunaux n'a pas été proactive en ce qui concerne les projets d'innovation pour les bâtiments judiciaires, ce qui a contribué à l'obsolescence des infrastructures.»