«Au lieu de proposer des solutions et d'aider à faire avancer les choses, le ministère de l'Environnement a d'abord choisi de tenter d'empêcher l'Independent Review Panel d'émettre les ordres nécessaires pour assurer l'intégrité des procédures concernant les appels d'offres dans le présent (...) et a contredit les preuves, ainsi que ses propres commentaires précédemment soumis à notre attention.» Ce sont là les observations émises par l'Independent Review Panel (IRP) dans un jugement rendu suite à l'appel d'un contracteur pour un contrat octroyé en juillet de cette année.
Dans la foulée, le panel a demandé au ministère d'annuler ce contrat et de relancer un nouvel exercice.
L'appel d'offres, lancé le 3 mai dernier, concernait des réparations et des travaux d'embellissement dans des lieux de culte à travers l'île. Le 3 juillet, le ministère de l'Environnement informe l'entrepreneur A. Jauferally Enterprise Ltd que son offre n'a pas été retenue. C'est Prakash Foolchand Contractor Ltd qui a décroché le contrat. Ce dernier avait fait une offre de Rs 54 091 676, tandis que celle d'A. Jauferally Enterprise Ltd était légèrement inférieure. C'est là que l'affaire commence à se complexifier, et que le ministère s'emmêle les pinceaux, selon l'IRP.
L'une des raisons avancées pour ne pas octroyer le contrat au soumissionnaire ayant fait l'offre la plus basse est que l'ingénieur sur le projet ne possédait pas, selon le ministère, cinq ans d'expérience au total et deux ans d'expérience concernant des travaux similaires, critère pourtant exigé. Selon le ministère, les années passées en apprentissage ne comptent pas. À ce sujet, les explications fournies par le responsable du Bid Evaluation Committee lors de l'appel devant l'IRP ont été jugées « insatisfaisantes, confuses et parfois contradictoires ». L'IRP a également souligné que la description même du poste manquait de clarté, ajoutant que «si la formulation avait été plus claire, des soumissionnaires comme M. Jauferally auraient proposé 'un autre ingénieur parmi les nombreux ingénieurs qui travaillent avec moi'». De plus, le jugement révèle que cet ingénieur avait déjà été affecté à un autre projet pour le ministère de l'Environnement l'année dernière, et que le même critère de cinq ans d'expérience était requis à l'époque. Pourtant, A. Jauferally Enterprise Ltd avait obtenu le contrat sans que cela ne pose problème. La nature des travaux des deux contrats était identique, précise le jugement.
Ministère «hors-la-loi»
Le jugement se penche aussi sur les estimations. Pour tous les appels d'offres, les ministères se basent sur une estimation. «Cela permet au ministère qui lance l'appel d'avoir une idée du coût du contrat. Il se base sur les anciens contrats, l'inflation et le prix du marché», avance un spécialiste du domaine. L'IRP explique dans son jugement que ces estimations doivent être «gravées dans le marbre», ajoutant que «les changements ultérieurs entraînent une mauvaise gouvernance, un manque d'intégrité du processus, et peuvent même constituer un terreau fertile pour la corruption, s'ils sont effectués avec une intention criminelle».
Or, le jugement est clair : «Les estimations des coûts ont été modifiées à la toute fin de l'évaluation.» Ces estimations ont été revues après l'ouverture des soumissions, et ce, après de nombreux échanges avec les différentes parties prenantes. De plus, si le prix du soumissionnaire dépasse les estimations de 15 %, le ministère ne peut pas négocier avec l'entrepreneur. Dans ce cas précis, le prix de Foolchand Contractor Ltd dépassait ce seuil.
«En guise de conclusion, nous devons observer que le ministère avait amplement l'occasion de rectifier la situation, au lieu de perdre du temps et des ressources, et de finir par enfreindre la loi», conclut le jugement. Dans la foulée, l'IRP ordonne au ministère de relancer cet appel d'offres, en respectant les premières estimations. Par ailleurs, les membres de l'IRP ont tenu à exprimer par écrit leur «regret», leur «stupéfaction» et leur «désarroi quant à la force avec laquelle le ministère a défendu cette affaire jusqu'au bout».
Ils ajoutent «Nous ne pouvons qu'espérer que ce cas soit une tache embarrassante isolée dans l'historique par ailleurs satisfaisant des organismes publics dans la conduite des procédures de passation de marchés.»
Pas que...
Ce n'était pas le seul contrat qui a suscité des interrogations. Le 15 novembre 2023, le ministère de l'Environnement a lancé un framework agreement pour la construction et la maintenance des lieux de culte. Selon nos informations, ces travaux étaient auparavant réalisés par de petits contrats ponctuels. Mais cette fois, le ministère a changé de formule. Un framework agreement a ainsi été conçu, soit un contrat d'une durée de trois ans, pour un montant de Rs 300 millions. Selon ce contrat, le contracteur s'engage à effectuer plusieurs travaux de remise à niveau à travers le pays, étalés sur trois ans.
Le premier problème de ce contrat est que les entrepreneurs qui soumettent des offres sont pour la plupart de catégorie Medium II, et selon la loi, ils ne peuvent participer à des appels d'offres pour des contrats de plus de Rs 200 millions. Certes, le bidding document précise que le contrat peut être alloué à dix entrepreneurs et que les travaux se feront en plusieurs phases, mais le problème persiste. Le contrat de base est fixé à Rs 300 millions, chaque entrepreneur de grade Medium II a dû soumissionner sur cette somme, bien qu'ils n'aient légalement pas le droit de le faire, même si chaque tranche de travaux reviendra à moins de Rs 200 millions.
Finalement, deux entrepreneurs ont décroché le contrat, et ils n'étaient pas ceux ayant fait les offres les moins chères. De plus, l'un des deux a largement dépassé les 15 % du prix de base, atteignant un montant de plus de Rs 356 millions. Selon les règlements, en cas de dépassement de plus de 15 % du prix, le ministère ne peut pas négocier avec l'entrepreneur, encore moins lui octroyer le contrat.
Sollicité au sujet de ces controverses, le ministère de l'Environnement a promis de revenir vers nous lundi.