Ile Maurice: Parents drogués, enfants abandonnés

Un bébé, né la semaine dernière dans un hôpital public et admis pour un traitement approfondi, a été abandonné après que sa mère n'est pas venue le chercher à la suite de son accouchement et sa sortie de l'établissement. Ayant constaté qu'elle restait injoignable, le personnel de l'hôpital a alerté les autorités. La mère, âgée de 27 ans, a été arrêtée et relâchée. Selon une source policière, elle est une toxicomane sous traitement.

La Child Development Unit (CDU) du ministère de l'Égalité des genres, du Développement de l'enfant et du Bien-être de la famille, a depuis pris en charge le nourrisson, qui peut bénéficier de la visite de son père. Le ministère explique qu'une enquête est en cours pour évaluer si, dans l'intérêt du bébé, le père est capable de s'en occuper correctement. Une décision sera alors prise en ce sens.

Mais ce cas n'est pas le seul qui interpelle, reflétant une dure réalité qui devient de plus en plus alarmante. En septembre dernier, nous avions évoqué dans un reportage le dilemme d'une vieille dame de la capitale qui s'occupait des trois jeunes enfants d'un couple. Ce dernier, accro à la drogue, abandonnait toujours leurs enfants, les laissant sous la garde de proches, d'amis ou même des autorités. Il était également connu des services de police pour d'autres délits.

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Mais ce couple était surtout soupçonné d'avoir vendu ses bébés. Leur penchant pour la drogue se serait tellement aggravé qu'ils ne se sont plus préoccupés de leurs enfants. Le couple aurait même donné naissance à un énième bébé pour poursuivre son «business» de vendre ses bébés au plus offrant. En mai dernier, un garçonnet de trois ans, dont les parents étaient accros aux stupéfiants, s'est retrouvé dans un état critique à l'hôpital, après une chute du premier étage d'un bâtiment à Rose-Hill.

Qu'advient-il de ces petits, dont le(s) parent(s) est/sont dépendant(s) à la drogue et qui sont laissés à l'abandon ? Il faut souligner que si l'on constate l'abandon d'un enfant, le personnel est encouragé à effectuer une déclaration à la police afin qu'une enquête soit menée par les autorités compétentes. Cela demeure également important pour établir les circonstances familiales car souvent, un enfant peut être abandonné par un parent, mais l'autre parent ou tuteur légal est disponible, offrant un espace sain et sauf au bébé et prêt à prendre la responsabilité de l'élever.

Dans cette attente, la CDU intervient rapidement pour prendre en charge l'enfant, en lui offrant les soins nécessaires et en prenant des mesures pour le protéger de toute forme de maltraitance. Dans le cas d'enfants abandonnés, sans parent ni proche disponible pour en assumer la responsabilité, les enfants sont placés dans des foyers de protection et de réhabilitation, où, en grandissant, ils fréquentent des écoles publiques, et où leur suivi psychologique est assuré.

Dix cas en sept mois

De janvier à juillet de cette année, la CDU est intervenue et a pris en charge 10 enfants abandonnés, soit cinq garçons et cinq filles. Parmi eux, trois ont été pris en charge par les Child Protection Services (CPS) de Triolet, deux à Rose-Hill, Vacoas et Plaine-Magnien et le dernier à Goodlands. L'âge des mères de ces enfants varie de 23 à 43 ans. Parmi les raisons principales, on compte une grossesse non désirée, la toxicomanie, l'absence de logement, la mère souffrant d'une maladie grave ou de troubles mentaux. Autant de raisons qui poussent des mères à abandonner leurs enfants.

Approche intégrée dans les centres d'accueil

La Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA), qui collabore avec la CDU, apporte son aide sous forme de conseils et de thérapies à long terme - activités de groupe telles qu'exercices de développement de la personnalité, artistiques et artisanales ; sessions de prévention et de sensibilisation des adolescents aux abus sexuels et aux grossesses précoces.

Vidya Charan, présidente de la MFPWA, rappelle que dans les centres d'accueil, des enfants de différents milieux et porteurs de différents types de traumatismes émotionnels et psychologiques vivent ensemble, certains abandonnés depuis leur naissance ; d'autres retirés à un âge plus avancé de leur foyer en raison de parents violents.

«L'objectif est de rester sensible à leurs traumatismes et de déployer une approche intégrée pour remonter le moral et reconstruire la personnalité de chaque enfant, tout en veillant à relever des défis tels que l'indiscipline. Nos sessions mettent également l'accent sur l'éducation sexuelle, en apprenant aux enfants à gérer leur corps et leur hygiène, et en leur fournissant des informations utiles dans un espace sûr», explique-t-elle.

Problème répandu

Par ailleurs, si de nombreux jeunes se retrouvent sans abri après avoir été priés par leurs parents de quitter leur foyer en raison d'une toxicomanie qui constitue une menace pour leur propre famille, l'inverse est tout aussi répandu et constitue une dure réalité. Davantage de jeunes couples sont victimes du fléau de la drogue au détriment de la sécurité et du bienêtre de leur enfant, constate Umair Milatre, citoyen engagé dans le social auprès de sans-abri et d'enfants issus de familles brisées, ces derniers ne rentrant souvent chez leur tuteur légal que pour dormir.

L'activiste social, avec son équipe, s'occupe actuellement de 41 enfants et de six bébés, leur fournissant nourriture, vêtements et un soutien holistique. Umair Milatre explique que pour les parents toxicomanes, l'argent qui devrait être dédié aux besoins familiaux va plutôt aux fournisseurs de drogue ; et pour obtenir de l'argent pour acheter de la drogue, des mères se livrent souvent à la prostitution, et des pères volent de la nourriture ou des affaires de leur propre enfant pour les vendre juste pour se procurer leur drogue. D'autres parents, dit-il, sont plongés dans un cycle d'entrées et sorties de prison pour des délits liés à la possession de drogue, au vol de nourriture ou d'argent...

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