Un phénomène inquiétant touche le football tunisien et le sport en général ces dernières années, celui de cette intense nostalgie des dirigeants des années 80 et 90 et même d'avant et ce «conservatisme de fait» qui s'installe sur nos institutions sportives. Du football aux autres sports en passant par les institutions officielles, telles que le Cnot, ce sont des dirigeants âgés qui ont plus de 60 ans, qui président et qui règnent. C'est même une tendance, la moyenne d'âge des premiers responsables, notamment des fédérations, tend à s'élever. Et de plus en plus, on fait recours, lors des crises ou des situations de vacance comme à la Fédération de natation, à d'anciens dirigeants qui ont fait leur temps, qui ont peut-être réussi mais aussi échoué dans une autre époque de sport complètement différente.
Pourquoi cette fâcheuse tendance ? Est-ce qu'on a fait tellement le vide qu'on n'a plus de dirigeants moins consommés et plus jeunes et qui collent plus à leur époque ? Cette «rétro» n'a pas qu'une facette nostalgique. Elle a aussi une autre facette, mais politique. Les vieux dirigeants qui refont surface ont grandi et appris à diriger dans un contexte autocratique où ils obéissaient aux instructions et en étant fidèles et attachés aux procédures en place. Le sport tunisien et les sportifs tunisiens ont souffert pendant des années de ces dirigeants mous, dépendants du système politique et «excellents» dans l'art de la propagande. En 2024, on veut que le sport tunisien retourne 20 et 30 ans en arrière avec des gens peu novateurs et imbus d'eux-mêmes.
On nous les présentait toujours comme des «héros» inégalables et tels des génies qui ont révolutionné le sport, alors qu'en réalité, ils ne le sont pas. Ils appartenaient à une autre époque sportive et socio-culturelle différente d'aujourd'hui. La preuve, nombreux parmi eux sont restés collés à leurs sièges en usant des urnes pour s'éterniser au prix de manoeuvres qu'ils maîtrisent à la perfection. Et en restant dans le nouveau décor du sport tunisien, ils ont détruit les sportifs et tué toute réforme, toute éclosion d'une génération de dirigeants formés, instruits, collégiaux, ouverts, ambitieux, «rebelles» qui savent changer la triste réalité du sport tunisien.
Mais qu'en pleine ère de digitalisation, de métiers de sports, de gouvernance et de performance de haut niveau, on se rue vers des gens déconnectés de la scène sportive depuis des années et qu'on leur confie des missions délicates. L'âge, néanmoins, n'est pas un handicap en soi, mais quand on a fait ses preuves, et quand on a eu sa chance, il faut laisser la place aux autres, et avoir juste la décence d'apporter son expertise (si elle existe bien sûr !).
Aujourd'hui, on risque de se trouver sans dirigeants pour demain, tellement certaines personnes se sont «éternisées» dans leurs postes. Pas de relève, donc pas d'avenir pour un sport tunisien qui n'a pas qu'un casse-tête de moyens, mais surtout un manque de dirigeants innovants et ambitieux. Assez de ce lassant et cynique conservatisme et cette fausse et idéale image donnée aux anciens dirigeants. On ne peut jamais faire du neuf avec du vieux, et c'est confirmé, du moins dans le cas tunisien.