Cinquante ans après le début de l'industrialisation à Madagascar, le secteur industriel malgache est encore en difficulté. Pour Tiana Rasamimanana, le président du Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), il est plus que jamais temps de renverser la tendance et faire de l'industrie, un vrai moteur du développement. L'un des moyens le plus efficace pour atteindre cet objectif, est selon lui de renforcer davantage le partenariat public-privé. Interview.
Midi Madagasikara (M.M): Vous êtes à la tête du Syndicat des Industries de Madagascar dont le nom évoque naturellement le développement industriel. Mais la question se pose actuellement : y a-t-il véritablement un secteur industriel qui se développe ?
Tiana Rasamimanana (T.R): Pour répondre à votre question, j'aimerais tout d'abord revenir sur l'histoire du processus d'industrialisation dans notre pays. Comme vous le savez certainement, cela fait déjà 50 ans que Madagascar a débuté dans l'industrie de transformation et de montage. On a connu des hauts et des bas, mais ce qui a notamment marqué cette histoire industrielle, c'était la période des éléphants blancs, ces sociétés d'Etat qui avaient pratiquement toutes connu des problèmes. À la base, c'était une bonne politique car les industries créées pendant cette période étaient capitale dans la mesure où elles opéraient dans des filières essentielles. Je peux citer, entre autres, la production de farine pour Kobama, d'engrais pour ZEREN ou encore de coton pour HASYMA. Personne ne peut nier que c'étaient des sociétés d'Etat qui étaient appelées à jouer leur rôle dans le développement économique.
Midi Madagasikara. Et pourtant on connaît les résultats, toutes ces sociétés d'Etat étaient tombées en ruines.
T.R. : Cet échec était dû principalement à des problèmes de gestion provoqués notamment par le choix des équipements qui n'étaient pas aux normes mais également et surtout par un management défaillant.
M.M : Quel rapport avec la situation actuelle ?
T.R : Ce que j'essaie de vous expliquer c'est que le développement industriel à Madagascar est avant tout une question d'état d'esprit. Par exemple, Madagascar a le privilège de disposer d'une très bonne base en agrobusiness avec ses 8 millions d'hectares de terre fertile qui reste malheureusement très peu exploitée. Il est donc primordial d'exploiter à fond cette richesse naturelle à travers l'agrobusiness, en transformant les produits agricoles et en les exportant. Même situation pour les mines, les ressources minières sont énormes, mais Madagascar n'a pour le moment que QMM et Ambatovy dans le domaine des grandes industries minières. Donc là encore on est dans une situation de sous-exploitation de nos potentiels en raison de l'insuffisance d'unités d'exploitation des ressources.
M.M : Justement quelle est l'origine de cette sous-exploitation ?
T.R. : C'est avant tout un problème d'infrastructures, notamment routières et énergétiques. Comme il n'y a pas suffisamment de routes, les produits agricoles et les produits finis ne circulent pas dans des conditions normales. Par ailleurs, les coûts de production augmentent en raison de la carence énergétique. Pour résumer, si l'on arrive à régler ces deux blocages des infrastructures routières, mais également maritimes et aériennes, ainsi que celui et l'énergie, on peut arriver plus facilement à gagner le combat contre la pauvreté.
M.M. Mais tout cela, n'est-ce pas avant tout le rôle de l'Etat ? Où est alors la place du secteur privé ?
T.R. Vous avez raison. Effectivement l'Etat doit s'y mettre davantage en matière d'infrastructures. Mais le secteur privé a aussi son rôle à jouer. Et c'est là justement qu'on a plus que jamais besoin de développer davantage le concept déjà existant du partenariat public-privé. Je peux vous montrer un exemple très constructif sur cette question. La route des hydrocarbures qui a beaucoup aidé à régler l'embouteillage sur l'axe Ankorondrano a été renouvelée et élargie sur la base d'un partenariat entre l'administration et les entreprises riveraines, grâce notamment à un système combiné de financement et de déductibilité d'impôt. C'est un des cas qui démontre qu'il y a des choses à faire quand on implique vraiment le secteur privé, à travers une politique claire et efficace.
M.M. : Est-ce que vous pouvez donner des exemples de projets possibles sur la base du PPP ?
T.R. Oui, l'Etat et le secteur privé peuvent par exemple travailler ensemble pour faciliter le financement d'unités de construction de routes en pavé qui seront par la suite exploitées sous forme de péage. Cela peut être des routes d'intérêt économique comme la route des oeufs. On peut aussi prendre l'exemple du chemin de fer dont l'exploitation pourrait être confiée, toujours sur la base du PPP, à des entreprises qui ont les moyens de le faire. Même cas en matière énergétique où l'Etat et le privé peuvent travailler ensemble pour des projets de centrales solaires par exemple. Vous voyez que rien que pour ces trois exemples, on peut trouver des solutions efficaces pour régler la carence en infrastructures et en énergie. En plus de cela, le PPP peut aussi jouer dans le développement des exportations sur la base par exemple des programmes du genre APEX. Quoiqu'il en soit, je constate qu'il y a réellement cette volonté de coopérer entre l'Etat et le secteur privé. Les structures comme l'EDBM ou encore le comité chargé du dialogue public privé sont déjà là, mais on doit encore travailler davantage pour les renforcer.
M.M : Qu'en est-il des initiatives internes au niveau du secteur privé pour parvenir au renforcement de l'industrialisation à Madagascar ?
T.R : Il y en a beaucoup. Au niveau du SIM par exemple, nous avons le Label Malagasy ny Antsika, un concept qui oeuvre à la mise aux normes des produits fabriqués localement et qui non seulement aide les consommateurs à disposer de produits de qualité mais permettent également aux entreprises membres de rayonner sur le plan international et de faire valoir l'image de Madagascar à l'extérieur.