La croix et la manière. Le pasteur de la secte Vahao Ny Oloko n'y est pas allé avec le dos de la cuillère dimanche à Antsonjombe. Devant cinquante mille fidèles, il a fait une démonstration de la puissance de l'église avec un infini toupet, une outrecuidance sans fard, une conviction indéfectible.
Outre le défi lancé aux athées et aux agnostiques notoires sur les réseaux sociaux, son appel à la contribution de ses moutons pour la finition de leur temple, assorti d'une menace à peine voilée pour ceux qui hésitent, a été reçu à 100 %. Tout le monde n'a pas attendu la fin de ses explications pour se bousculer devant la grande tirelire. Le pasteur a révélé qu'il faut trouver six cents millions d'ariary pour finir les travaux de construction du temple et qu'il faut simplement la contribution de deux mille fidèles pour y arriver, à raison de 300 000 ariary par personne. Le compte est bon.
Une justice surréaliste. Pour sauver son âme, un fidèle n'hésite pas à investir tout en espérant que le ciel le lui rendra au centuple. Cette église est pourtant reconnue comme fréquentée par des gens d'origine modeste, contrairement à ses concurrentes qui pullulent à travers le pays.
On peut donc très bien faire une ponction publique parmi les pauvres. Alors que l'État se débat comme un beau diable pour rehausser l'assiette fiscale, les recettes douanières sans y parvenir malgré les moyens utilisés, il suffit d'un simple appel du pasteur de l'Église, d'une quête directe pour ramasser des sous et renflouer la caisse.
Le pasteur est d'ailleurs devenu un métier très rémunérateur puisque la plupart mène une vie de pacha à trois queues, c'est bien le cas de le dire. Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas. On sait donc pourquoi.
Tout compte fait, la pauvreté n'est qu'une apparence. Elle ne concerne que ceux qui ne croient pas et ceux qui ne savent pas profiter des deniers de culte ou publics. Ceux que Dieu ignore à cause de leur avarice. Dieu semble ne donner qu'à ceux qui sacrifient le peu qu'ils ont pour lui.
Il y a fort à parier que si l'État fait un appel à ces mêmes personnes pour contribuer à la construction d'usines, d'écoles, de routes, de centres de santé... il ne recevra aucun écho. Et pourtant, grâce à cette démonstration de farce du pasteur, il est tellement facile de mobiliser l'épargne nationale sans passer par le fisc. D'ailleurs, on l'a fait dans le passé pour un fonds pour la culture de riz (Vola omena fa vary ho antsika) ou pour un fonds de reconstruction du Rovan'i Manjakamiadana.
Pour une population estimée à 28 millions d'âmes, si chaque habitant verse 20 000 ariary par an, on a une cagnotte de 560 milliards ariary ou 114 millions d'euros. De quoi aider la Jirama et mettre fin une bonne fois pour toutes au délestage. C'est plus que le montant qu'on quémande aux bailleurs de fonds en échange de contraintes sociales insupportables pour une population exsangue, qui vit toute l'année en carême ou en ramadan, sans eau et sans lumière.
C'est donc absolument normal si elle se jette dans les bras de la dévotion et de la crédulité. On ne peut en vouloir à des gens qui n'ont plus l'occasion de rêver et pour qui chaque jour que Dieu fait constitue un cauchemar hideux.