Les chiffres sont alarmants : selon le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l'Homme de la MONUSCO (BCNUDH), entre mars 2023 et mars 2024, 61 décès ont été enregistrés à la prison Kakwangura de Butembo, soit en moyenne cinq décès par mois. Si l'on considère uniquement cette année, 50 cas ont déjà été constatés.
« Depuis un moment, la prison de Butembo n'était plus monitorée. Par ailleurs, on y enregistrait à peine un à deux décès par an. Depuis l'instauration de l'État de siège, on assiste à son surpeuplement. On est passé d'environ 800 détenus avant l'État de siège à 1300, pour une prison qui a une capacité d'accueil de 220 personnes », s'alarme un défenseur local des droits humains.
Au manque de nourriture, d'une insuffisance de prise en charge médicale et d'une carence en magistrats s'ajoutent la surpopulation carcérale et son corollaire à savoir la promiscuité, ce qui accroît le taux de décès en détention.
Connaître le droit, pour pouvoir défendre les victimes
Pour tenter d'y remédier, 75 acteurs (dont 15 femmes) membres de la synergie locale des mouvements citoyens, des groupes de pression et des organisations de la société civile ont pris part, du 23 au 25 août, à une formation sur les droits de l'Homme à Butembo. Une formation assurée, à la demande de la Synergie, par des officiers du BCNUDH.
Il s'agissait de renforcer les capacités des membres de la synergie en matière de droits de l'Homme ; les techniques de monitoring et de reporting, les droits des personnes privées de liberté, la qualification des infractions ont, entre autres, été traités. Ils pourront ainsi bien faire des plaidoyers et mener des actions concrètes, pour remédier aux récurrents cas de décès qu'enregistre la prison Kakwangura de Butembo.
« Il faut connaître la loi et le droit, tout court, pour être en mesure de qualifier une infraction et de qualifier une arrestation d'arbitraire et une détention d'illégale. Donc connaître les droits humains, c'est être en mesure de dénoncer une arrestation arbitraire, et donc demander la libération de la victime », explique-t-on du côté du BCNUDH.
Pour Franck Mumbere Mukenzi, l'un des participants, cette formation est une nécessité pour outiller les défenseurs locaux des droits humains et leur permettre de mieux jouer leur rôle, dans le cadre de la protection des civils et des libertés individuelles. « La formation nous a permis de comprendre pourquoi les gens sont aussi nombreux en prison, pourquoi les détenus meurent autant. Ça nous a également permis de savoir mener des plaidoyers et de faire le monitoring des droits humains, afin d'éviter la surpopulation à l'origine des nombreux décès en prison », explique-t-il.
Une commission de monitoring des droits humains en milieu carcéral
En marge de cette formation, le BCNUDH a organisé des rencontres avec les différents acteurs de la chaîne pénale de Butembo, en vue d'agir, au plus vite, sur les causes de cette situation. Une autre mesure immédiate est la mise sur pied d'une commission chargée du monitoring des droits de l'Homme en milieu carcéral. Cela passe par la reprise des visites conjointes de cachots, pour agir sur le flux vers la prison et aussi faire un plaidoyer auprès des autorités judiciaires locales pour la libération des détenus en droit de l'être.
Enfin, une séance de travail avec le personnel pénitentiaire et les membres de la synergie, désormais formés, a eu lieu lundi 26 août pour procéder à la vérification physique des détenus et de leur dossier judiciaire. En ligne de mire : le désengorgement de cet établissement carcéral.