Burkina Faso: Dr Ali Yedan, économiste-statisticien - « Pour développer un pays, il faut de la discipline à tous les niveaux »

interview

Economiste-statisticien, Ali Yedan est titulaire d'un doctorat en économie de l'université Laval au Canada et d'un diplôme d'ingénieur statisticien-économiste de l'ENSAE. Ancien cadre de la Banque mondiale et de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, il est actuellement statisticien à la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique. Dans cette interview accordée à Sidwaya, le 8 août 2024, il aborde, entre autres, les liens entre statistiques et développement, les problèmes structurels du commerce africain, les mécanismes d'accompagnement des organisations internationales aux pays africains, les leviers à actionner pour le décollage de l'Afrique.

Quel lien y a-t-il entre statistiques et développement ?

Avant tout, je tiens à préciser que les idées exprimées lors de cet entretien n'engagent pas mon institution ni aucune autre organisation à laquelle j'appartiens. Elles reflètent uniquement mon propre point de vue, et je suis uniquement responsable de toute omission ou erreur qui pourrait en résulter.

Les statistiques sont des informations chiffrées et abrégées concernant divers domaines tels que l'économie, la finance, la sociologie, la santé, etc. Elles fournissent une vue d'ensemble claire et condensée sur un ensemble de données à un moment donné et dans un lieu précis. Elles peuvent également couvrir plusieurs lieux ou périodes.

Les statistiques jouent un rôle crucial dans le développement. Pour un développement efficace, il est essentiel de savoir ce que l'on souhaite améliorer. C'est là que les statistiques interviennent, en permettant un diagnostic précis des problèmes de développement d'un pays, afin de proposer des politiques, plans et programmes économiques appropriés. Une fois ces plans et programmes mis en oeuvre, un suivi et une évaluation réguliers sont nécessaires, réalisés à l'aide de statistiques, pour vérifier si les objectifs sont atteints, ou si des ajustements ou des changements de stratégie sont nécessaires.

Les statistiques sont également essentielles pour faire des prévisions et anticiper des évolutions futures. Cependant, leur fiabilité dépend de leur qualité : des statistiques peu fiables peuvent mener à des erreurs. Des statistiques de qualité permettent d'identifier les potentialités d'un pays. Malheureusement, dans de nombreux pays africains, ces potentialités restent souvent sous-exploitées. Lorsque les ressources potentielles sont documentées avec des statistiques fiables, le pays peut mieux planifier les financements nécessaires à leur exploitation future. Sans statistiques de qualité, les investissements réalisés peuvent être gaspillés.

Avec des données précises sur la population, il est possible de définir les priorités de développement, de les hiérarchiser et de les planifier sous forme de projets et de programmes. De plus, les pays les plus avancés économiquement sont souvent ceux qui disposent de statistiques de haute qualité. Les statistiques doivent évoluer et être mises à jour en permanence. Les pays africains doivent continuer à fournir des efforts importants pour améliorer la qualité de leurs statistiques et réduire les lourdeurs administratives afin de les rendre plus accessibles aux utilisateurs.

Quel regard portez-vous sur la prise en compte de la statistique dans la planification des politiques publiques, les programmes et projets de développement en Afrique ?

Les statistiques sont très importantes dans la planification des politiques publiques, ainsi que dans l'élaboration des plans, programmes et projets de développement. Cependant, dans de nombreux pays africains, leur intégration dans les processus de planification est insuffisante. Cela peut être dû à des problèmes de qualité des données ou au manque de confiance des décideurs politiques envers les statistiques en général. En plus des problèmes liés à la qualité des statistiques, il existe également de nouveaux domaines statistiques essentiels, tels que les statistiques sur le changement climatique, les « Big Data », les statistiques géo-spatiales et les statistiques sur les conflits. Les pays africains accusent un certain retard dans ces domaines, alors qu'ils sont cruciaux pour mieux orienter, comprendre, planifier et suivre le développement.

Au Burkina, comme dans d'autres pays africains, des avancées ont été réalisées, notamment grâce au soutien des institutions internationales. Les rapports des statisticiens sont généralement accompagnés de recommandations. Cependant, dans de nombreux pays africains, ces recommandations ne sont pas toujours mises en oeuvre. Cette situation n'est pas toujours imputable aux décideurs politiques, car l'opérationnalisation desdites recommandations demandent des fonds qui ne sont pas souvent disponibles.

On a l'impression que dans nos administrations, surtout publiques, il n'y pas cette culture systématique de collecte, de production des données statistiques

Dans de nombreux pays africains, il existe encore des lacunes en matière de culture de la collecte systématique et de production des données statistiques. Cependant, des efforts sont déployés pour permettre aux administrations de développer des statistiques et de les mettre à la disposition des utilisateurs, tels que les acteurs du développement, les journalistes, les chercheurs, les étudiants, etc.

Au Burkina, des progrès significatifs ont été réalisés dans la collecte de données, notamment pour l'enregistrement et la numérisation de l'état civil, les statistiques sur l'éducation, le commerce et les comptes nationaux. Le pays a également fourni un énorme effort pour améliorer l'accès aux données, se distinguant parmi les meilleurs de la sous-région en matière d'accès public aux statistiques.

Toutefois, ces avancées doivent être consolidées par de nouveaux progrès techniques. Un problème persistant, qui n'est pas propre au Burkina, est lié aux lourdeurs administratives qui entraînent des retards dans la mise à disposition des statistiques pour le public. Par exemple, si des données collectées en 2022 ne sont pas disponibles avant 2024, cela constitue un problème. On espère qu'avec le soutien des décideurs et des gouvernements africains, nous pourrons disposer de données de qualité et en temps utile.

Le 9 juillet dernier, vous avez animé une conférence publique à l'institut supérieur des sciences de la population de l'université Joseph Ki-Zerbo sur le thème : « Problèmes structurels du commerce international en Afrique ». Quelles sont les principales caractéristiques du commerce africain ?

Les caractéristiques du commerce africain incluent à la fois des problèmes structurels et des opportunités. Du côté des problèmes structurels, le commerce africain est très limité. Malgré une population représentant environ 18 % de la population mondiale. L'Afrique représente moins de 3 % du commerce mondial et les dernières données du FMI indiquent même moins de 2%.

De plus, le commerce africain dépend fortement de l'extérieur. En 2022, selon les estimations de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le commerce intra-africain représentait moins de 20%, tandis que le commerce intra régional en Amérique, en Europe et en Asie dépasse les 50%. Cette dépendance expose le continent aux chocs internationaux, impactant directement son commerce, et partant son économie, son développement.

Une autre caractéristique notable est la forte informalité du commerce en Afrique. Ce commerce informel est souvent négligé dans les statistiques officielles et concerne principalement des acteurs vulnérables. Il est essentiel de formaliser ce secteur pour moderniser le commerce et permettre à l'État de percevoir des recettes fiscales.

Les exportations africaines manquent également de diversification et se concentrent sur un nombre limité de produits. Par exemple, un pays africain peut dépendre d'un seul produit, comme l'or ou le pétrole, qui peut représenter plus de 80% de ses exportations totales. Cela pose un problème en cas de baisse des prix de ce produit, réduisant ainsi les recettes du pays. Même en cas d'augmentation des prix, les pays importateurs pourraient chercher des substituts. Il est donc crucial pour les pays africains de diversifier leurs exportations.

De plus, les exportations africaines sont largement constituées de matières premières, qui sont à faible valeur ajoutée. La transformation de ces matières premières sur place pourrait non seulement créer des emplois, mais aussi augmenter considérablement la valeur ajoutée des exportations du continent. Enfin, l'Afrique est peu intégrée dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

En ce qui concerne les opportunités, le rapport 2023 de la CNUCED souligne que le continent offre d'importantes perspectives pour diversifier les chaînes d'approvisionnement mondiales. Avec ses ressources naturelles abondantes et une population représentant 18% de la population mondiale, l'Afrique dispose d'un potentiel considérable. Il reste toutefois à combler les lacunes en matière de formation du capital humain, de renforcement des infrastructures, etc., pour mieux intégrer le commerce international et favoriser son développement.

Quand on parle de commerce africain, on voit tout de suite les indicateurs macroéconomiques comme les importations, les exportations, en oubliant souvent le commerce informel dans les villes et villages du continent et qui, pourtant, malgré son informalité, nourrit des millions d'Africains... Quelle est la part de ce commerce informel dans le volume des échanges commerciaux du contient ?

Il n'existe pas de statistiques précises sur le commerce informel en Afrique. Les estimations des institutions internationales indiquent que la part du commerce informel dans la valeur totale des échanges commerciaux sur le continent se situe entre 30 et 40%. D'autres évaluations, qui incluent le commerce informel transfrontalier, estiment cette part entre 17 et 50%. Dans certains pays, le secteur informel représente plus de 70% des échanges commerciaux. Selon le rapport 2021 de la CNUCED sur le développement africain, le commerce informel représente entre 30 et 40% en Afrique australe et environ 40% dans les marchés communs de l'Afrique orientale et australe. Très peu de pays africains disposent des statistiques sur le volume des échanges. La plupart des données disponibles concernent la valeur des échanges. Il est important de noter qu'il existe une différence significative entre le volume et la valeur des échanges.

A côté du commerce classique, il y a le commerce en ligne qui est aujourd'hui incontournable. Quelle est la place de l'Afrique dans ce commerce électronique ?

Tout comme dans le secteur du commerce en général, le continent africain accuse un retard dans le domaine du commerce électronique. Cependant, des progrès notables sont réalisés, notamment dans le développement des moyens de paiement en ligne. Par exemple, au Burkina, diverses options de mobile money sont disponibles via les services de téléphonie mobile. En Afrique, comme ailleurs dans le monde, la pandémie de Covid-19 a eu un impact considérable sur le développement du commerce électronique. Les mesures de distanciation sociale mises en place pour freiner la propagation du virus ont favorisé l'expansion des systèmes de paiement en ligne et du commerce électronique. Actuellement, les statistiques sur les échanges en ligne restent encore imprécises.

la liste de contraintes structurels du commerce africain, on pourrait aussi ajouter le transport, l'énergie, le respect des normes qualité des produits...

Exactement. Le transport et les infrastructures représentent une contrainte majeure. Pour se rendre d'un pays africain à un autre, que ce soit pour les passagers ou les marchandises, il est souvent nécessaire de passer par un autre continent ou d'aller dans un bout du continent avant de revenir à destination. Cela entraîne des retards dans les livraisons et des coûts supplémentaires. Des améliorations dans les facilités de transport entre les pays africains pourraient renforcer le commerce intra-africain. L'énergie pose également un problème. La production d'énergie est insuffisante et les coûts sont très élevés par rapport au pouvoir d'achat des populations. La qualité constitue une autre contrainte importante, souvent déterminante pour accéder à certains marchés, comme ceux d'Europe ou des États-Unis. Actuellement, les exigences en matière d'éco-commerce imposent que les produits respectent certaines normes environnementales. Ce problème de qualité est souvent lié à l'informalité du secteur. Cependant, les pays africains s'efforcent de se conformer aux normes de qualité pour surmonter ces défis.

La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) a été pensée pour juguler les faiblesses structurelles du commerce africain, pour intensifier le commerce intra-africain. Va-t-elle parvenir à relever ce défi et à quelles conditions ?

La ZLECAF a le potentiel de relever les défis auxquels le continent est confronté, mais à condition qu'elle soit mise en oeuvre de manière efficace. En effet, il est fréquent de créer des organisations ou des systèmes dont l'application concrète sur le terrain présente des difficultés. Depuis plusieurs années, des communautés économiques régionales en Afrique ont inscrit dans leurs accords la libre circulation des personnes et des biens. Pourtant, sur les routes reliant les pays, cette liberté de circulation reste souvent limitée. Pour que la ZLECAF soit un succès, il est crucial que toutes les règles et normes qu'elle établit soient appliquées honnêtement et sincèrement par tous les pays africains.

Plus de 60 ans après les indépendances, le continent peine encore à se mettre sur la trajectoire de sa véritable croissance économique. Où se trouve le problème ?

Le principal problème réside dans la continuité des projets de développement. Bien que des politiques et des projets soutenus par des institutions internationales obtiennent souvent des résultats très satisfaisants, il arrive qu'une fois le projet terminé, le pays attend que la même institution ou une autre prenne le relais pour assurer la continuité des acquis. Si l'institution n'a pas de financement disponible ou si le pays bénéficiaire n'a pas pu mobiliser les ressources financières et techniques nécessaires, il peut y avoir un recul, et le pays peut même se retrouver au point de départ.

Le problème ne vient donc pas du diagnostic lui-même, car malgré les défis pour intégrer toutes les potentialités, des diagnostics cohérents sont souvent réalisés. Par exemple, lorsque des institutions internationales comme la Banque mondiale, le FMI ou les Nations unies formulent des recommandations, elles les présentent aux pays concernés, souvent lors de conférences destinées à discuter des résultats et des diagnostics. Malheureusement, il arrive que les pays ne participent pas ou envoient des représentants qui ne réagissent pas de manière constructive.

A qui la faute, je dirai qu'elle incombe à tout le monde. On peut comparer la situation à une équipe de football : même avec les meilleurs joueurs, sans entraîneur, il est difficile d'obtenir de bons résultats. Les décideurs politiques, les institutions internationales, les partenaires au développement et les donateurs se soucient généralement du développement des pays. Cependant, des problèmes de coordination et de cohérence empêchent souvent de progresser efficacement. Dans certains cas, plusieurs ONG ou institutions réalisent le même projet de manière isolée. Pour remédier à cela, le système des Nations Unies a mis en place, dans chaque pays, un mécanisme de coordination de toutes ses interventions, afin de réduire les confusions et les chevauchements sur le terrain.

 Le plus souvent, on reproche aux organisations internationales d'imposer aux pays des projets de développement qui ne cadrent pas avec leurs besoins réels, ce qui expliquent souvent les échecs.

Généralement, au sein des institutions internationales, lorsqu'un financement est attribué à un projet spécifique, il ne peut pas être réaffecté à un autre projet, par soucis de clarté. Toutefois, dans le cadre du système des Nations Unies, le gouvernement bénéficiaire est impliqué dans l'élaboration des projets de développement par l'intermédiaire de son point focal, qui le représente lors des discussions. De plus, lorsque des consultants internationaux sont sollicités, ils travaillent en collaboration avec des consultants nationaux du pays concerné. Cette approche vise à garantir que les interventions sont alignées sur les priorités du pays.

Outre les gouvernants, les organisations internationales que l'on charge à tort ou à raison, les populations africaines n'ont-elles leur part de responsabilité dans la situation de sous-développement du continent ?

Dans les pays africains, comme partout ailleurs dans le monde, les décideurs politiques font souvent l'objet de critiques. Cependant, les populations ont aussi leur part de responsabilité. Par exemple, à Ouagadougou, lorsqu'il y a une pénurie de gaz ou de carburant, au lieu de contribuer à résoudre le problème, certains individus vont chercher à stocker de grandes quantités pour les revendre à un prix élevé. Ces comportements individuels posent un problème ! Pour développer un pays, il faut de la discipline à tous les niveaux.

A allure où vont les choses, l'Agenda 2063 : « l'Afrique que nous voulons », que s'est fixé l'Union africaine va-t-il être réalisé ?

À ce rythme, atteindre les objectifs de l'Agenda 2063 d'ici, les échéances fixées pourrait être difficile, tout comme pour les Objectifs de développement durable (ODD). Cependant, des progrès sont observés dans de nombreux indicateurs, bien que ceux-ci se manifestent lentement. Que ce soit pour les ODD ou l'Agenda 2063, il est nécessaire d'accélérer les avancées dans certains domaines clés, notamment le climat, la lutte contre la pauvreté, la croissance inclusive, l'urbanisation et l'assainissement. Dans certains cas, un changement de stratégies peut être nécessaire. Par exemple, bien que le Burkina Faso ait réalisé quelques progrès, ceux-ci restent marginaux. Dans certains pays, des avancées notables sont constatées dans des domaines tels que l'éducation et la santé.

Face à cette constellation de limites, d'insuffisances, d'obstacles de tous ordres qui phagocytent le développement de l'Afrique, que faire pour inverser significativement la tendance ?

Il est nécessaire de réévaluer les stratégies de développement et de financement. Par exemple, lorsqu'un pays cherche à mobiliser des financements, il doit également planifier comment rembourser ces fonds. Si l'endettement entraîne des charges lourdes et difficilement supportables, cela peut nuire au développement du pays. Il est aussi essentiel d'adopter une approche participative, où la population est pleinement impliquée dans le processus de développement. Le développement du capital humain est également crucial pour la croissance d'un pays. En Afrique, il existe un écart entre les formations proposées et les besoins du marché de l'emploi. Il est impératif d'adapter les formations pour qu'elles soient axées sur l'emploi et les exigences du développement. De plus, les pays africains doivent résoudre les problèmes liés aux infrastructures. Il est nécessaire de construire des infrastructures durables qui génèrent des revenus suffisants pour compenser les investissements réalisés.

Que fait la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) pour aider l'Afrique à sortir de ces contraintes structurelles qui ralentissent son développement ?

À travers ses rapports, documents et publications, la CEA formule des recommandations pour le développement, en tenant compte du contexte et de l'environnement national de chaque pays, tout en respectant les principes du droit international. Toutefois, il peut arriver que certains pays choisissent d'ignorer ces propositions, malgré leur pertinence. Bien que les pays aient la souveraineté pour évaluer ces recommandations, l'ignorance totale de certaines suggestions par certains pays africains demeure un problème.

La CEA soutient également les pays dans la mise en oeuvre de leurs programmes de développement en fonction des fonds disponibles, tout en respectant les principes du droit international. Pour financer un projet de développement, la CEA doit recevoir une demande officielle de la part des autorités compétentes du pays concerné. En matière de statistiques, la CEA a travaillé à établir un management institutionnel entre les différents pays pour améliorer la production et la centralisation des données.

Quel regard portez-vous sur la dynamique de développement endogène entreprise par les autorités actuelles du Burkina, avec à la clé de nombreuses réformes économiques en cours ?

Je trouve salutaire, la nouvelle dynamique de développement. Si, après 60 ans d'indépendance, les progrès ont été insuffisants, il est nécessaire d'adopter une approche différente. Le développement endogène est crucial pour la progression d'un pays, car il permet de valoriser ses propres potentialités. C'est un développement sûr et durable qui va mettre le pays sur la voie de la croissance économique. Le véritable défi réside dans le temps que cela prendra pour porter ses fruits. Certains jugent cette approche audacieuse, estimant que le pays manque de fonds pour financer un développement endogène. Mais quand le pays sera-t-il prêt à commencer si ce n'est maintenant ? Il est nécessaire de faire le premier pas.

Ce programme est bénéfique car il repose sur les ressources nationales. De nombreuses expertises nationales, qui pourraient être mobilisées gratuitement, restent sous-exploitées. Le développement endogène n'est pas une approche nationaliste ni autarcique, car il reconnaît la nécessité de la coopération extérieure. Cependant, il est important de compter d'abord sur ses propres ressources avant de solliciter l'aide extérieure, tout en évitant de devenir vulnérable. Pendant la COVID-19, bien que le continent africain ait été moins touché par la maladie, son économie a été gravement affectée en raison de sa forte dépendance extérieure. Avec le développement endogène, l'aide extérieure serait un complément précieux.

Quelles sont les conditions de réussite de ce modèle développement basé sur l'endogène ?

La condition principale pour réussir une politique de développement endogène est l'adhésion totale de la population. Il est crucial d'éduquer la population et de changer les mentalités pour obtenir son soutien. Par exemple, il est important que les gens comprennent que jeter des ordures dans les caniveaux provoque des inondations dans les quartiers et contribue à la propagation du paludisme. Les populations doivent adopter ce modèle de développement en acceptant les sacrifices nécessaires. Cela pourrait également passer par une éducation civique et un renforcement du patriotisme dès l'école primaire.

Il est essentiel de diagnostiquer les véritables potentialités qui peuvent contribuer au développement endogène. Par exemple, dans le secteur agricole, qui est fortement dépendant de la pluviométrie, il faut mobiliser l'expertise nationale pour surmonter cette contrainte. Une fois la production assurée, il est important de développer des types de transformation à forte valeur ajoutée.

La promotion de la consommation locale est une politique clé, mais elle doit s'étendre au-delà des frontières nationales pour inclure le marché communautaire. Il est également important de veiller à ce que les produits locaux soient de haute qualité afin de gagner la confiance des consommateurs. Le développement endogène doit s'accompagner d'un financement interne, ce qui représente un autre défi majeur. Cependant, cela ne signifie pas que les financements extérieurs ne sont pas nécessaires. Il est important d'éviter l'accumulation de dettes improductives. Chaque acteur a un rôle à jouer, tant du côté des décideurs politiques que des populations. Pour que les populations acceptent les décisions, il est essentiel que les décideurs politiques communiquent clairement sur leur vision et leurs actions. Cela permet aux populations de comprendre les nouvelles orientations et d'accepter les sacrifices nécessaires.

 

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