L'État camerounais s'engage dans une démarche décisive pour reprendre le contrôle de son secteur électrique. Le gouvernement a annoncé son intention de racheter les 51% des parts détenues par le fonds d'investissement britannique Actis dans Eneo, l'entreprise qui gère la concession du service public de l'électricité au Cameroun.
Cette décision stratégique, initiée par le président Paul Biya, marque un tournant majeur dans la politique énergétique du pays. Le secrétaire général de la Présidence de la République (SGPR) a officiellement communiqué la mise en place d'un comité interministériel chargé de piloter ce processus de rachat.
Le comité, placé sous la direction du directeur général de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS), aura pour mission d'évaluer la valeur des actions d'Actis et de définir les modalités de cession. La présence de la CNPS dans ce comité laisse présager que l'État pourrait utiliser ce fonds public de pension comme véhicule pour son entrée au capital d'Eneo.
Cette opération permettra au Cameroun, qui détient déjà 44% des parts d'Eneo, d'augmenter sa participation à 95% des droits de vote. Ce mouvement stratégique intervient après l'annonce par Actis de son intention de se retirer du marché camerounais.
Pour rappel, Actis avait acquis ses parts dans l'ancienne AES-Sonel (devenue Eneo) en 2014, rachetant les actifs du groupe américain AES pour 220 millions de dollars, soit environ 135 milliards de FCFA.
Cette nationalisation s'inscrit dans une vision plus large du développement énergétique du Cameroun. Le pays s'est fixé un objectif ambitieux : atteindre une capacité de production de 5 000 MW d'ici 2030, contre 1 640 MW en 2023. Cette augmentation significative vise à stimuler l'industrialisation du pays et à positionner le Cameroun comme un exportateur d'énergie dans la région.
Les implications de ce rachat sont multiples :
1. Autonomie énergétique : En reprenant le contrôle d'Eneo, l'État camerounais renforce sa capacité à piloter sa politique énergétique de manière indépendante.
2. Investissements : Le gouvernement pourrait être en mesure d'injecter davantage de fonds pour moderniser et étendre le réseau électrique national.
3. Tarification : Le contrôle étatique pourrait potentiellement influencer la politique tarifaire, un sujet sensible pour les consommateurs camerounais.
4. Qualité de service : Les Camerounais espèrent que cette reprise en main se traduira par une amélioration significative du service, notamment une réduction des coupures de courant intempestives qui affectent régulièrement le pays.
5. Attractivité économique : Un secteur énergétique plus stable et efficace pourrait attirer davantage d'investissements étrangers dans d'autres secteurs de l'économie camerounaise.
Cependant, des défis importants persistent. Le gouvernement devra démontrer sa capacité à gérer efficacement cette entreprise stratégique, à attirer les investissements nécessaires pour moderniser les infrastructures, et à améliorer la qualité du service tout en maintenant des tarifs abordables.
La réussite de cette opération sera cruciale pour l'avenir énergétique du Cameroun. Elle pourrait servir de modèle pour d'autres pays africains cherchant à reprendre le contrôle de leurs ressources énergétiques tout en répondant aux besoins croissants de leurs populations et de leurs économies en pleine expansion.
En conclusion, le rachat d'Eneo par l'État camerounais marque un tournant important dans la politique énergétique du pays. Cette décision, si elle est bien exécutée, pourrait ouvrir la voie à un avenir énergétique plus stable et prospère pour le Cameroun.