Burkina Faso: « Ne parle pas de tes projets ! »

Quand nous étions petits, lorsqu'une personne décédait dans l'entourage, l'onde de choc de la tristesse traversait tous les ménages. Même des jours après le décès, la cour endeuillée continuait à recevoir les voisins sensibles pour soutenir la famille.

Aujourd'hui, dans le même pays, la mort d'un voisin n'émeut pas tout le monde. Les choses ont changé. Le Burkinabè d'hier n'est plus celui d'aujourd'hui. La mort des autres ne nous émeut plus. L'indifférence et l'insouciance en sont les manifestations. Nos parents nous avaient éduqués, de gré ou de force, dans la joie et la douleur. Ils nous avaient inculqué des valeurs qui dépassaient nos humeurs et nos caprices. Personne n'était libre de faire ce qu'il voulait. Nul n'avait le droit d'aller à l'encontre des principes et règles de la société. Parce que la société gouvernait l'individu et non le contraire. Hélas !

Aujourd'hui, pendant que Barsalogho pleure ses morts et panse ses blessures, il y a des Burkinabè qui rient sous cape en narguant la douleur de la Nation. Dès l'annonce du drame, certains ont vite lancé dans la guerre des chiffres sur les réseaux sociaux. Le drame se relate avec des superlatifs en guise d'apéritif à leurs desseins primitifs.

Les commentaires vont bon train. On jette la pierre à qui de droit. Il y a même des vidéos du drame qui circulent, relayées par des Burkinabè. Dans cet émois, de subtils malins savants ne manquent pas de publier des citations espiègles qui insinuent plus qu'elles ne disent le fond de leur pensée. Il y en a même qui usent des versets des saintes Ecritures pour égratigner la plaie qui saigne avec « bonne foi ». Oublions ces imberbes qui ne manquent pas d'humour par ces temps qui courent. On peut vivre ce qui s'est passé à Barsalogho, faire fi de la bienséance et publier n'importe quoi pour amuser la galerie.

A Barsalogho, les terroristes ont pris le soin de filmer l'insoutenable en jubilant et en scandant des slogans de victoire. Pendant ce temps, une certaine communauté dite internationale regarde en plongée le pogrom sans broncher. Elle se contentera d'un laconique communiqué de fortune, pour la forme. Où sont les organisations dites de défense des droits de l'Homme promptes à compter les morts, à accuser et à condamner l'armée de bavure, voire de massacre ?

A quand une vraie et sincère mobilisation mondiale contre le terrorisme ? Pourquoi, le silence est assourdissant ? D'ailleurs pourquoi, s'en prendre à cette « nébuleuse » du nouvel ordre, quand des Burkinabè font de ce drame le prétoire d'un procès d'intention teintée de haine ? C'est à craindre si certains ne souhaitent pas le pire collectif pour enfin digérer des rancoeurs personnelles. Il faut savoir raison garder et privilégier l'essentiel. Et Barsalogho devrait nous apprendre à être Burkinabè ou à y renoncer.

Barsalogho devrait, au-delà de toute considération, faire l'objet d'une introspection à tous les niveaux. Qu'est ce qui s'est passé, comment, pourquoi, avec qui ou sans qui, pour qui et contre qui ? Nous sommes en guerre et chaque Burkinabè devrait penser son rôle ou sa contribution. Au-delà des efforts consentis, il y a aussi et surtout l'attitude en temps de guerre. Comment vivons-nous cette guerre ? Sommes-nous vraiment tous en guerre ou est-ce les FDS et autres VDP qui le sont ? La guerre, est-ce seulement en zone dite rouge ?

Dans la capitale sommes-nous aussi en guerre ? Comment se manifeste cet état de guerre ? Il paraît que la guerre se mène aussi avec les armes du mystère, mais d'où vient ce grand silence qui nargue la montagne sacrée ? Où sont les faiseurs de miracles des supermarchés spirituels ? Comment peut-on prédire sans savoir prévenir, sans pouvoir dire un seul mot : « Barsalogho !» ? Du sable de divination à l'eau de libation en passant par les neuvaines les plus irrésistibles, ma foi crie sans voix au pied de l'hécatombe de trop.

Finalement, qu'est-ce qu'être Burkinabè ? Il suffit de se tenir devant son miroir pour voir les vraies réponses défiler. Il suffit d'entrer en soi juste le temps d'un silence pour se raviser. Et parlant de silence, la meilleure arme est le silence. Pour le dire avec Smarty, « ne parle pas de tes projets ! ». N'en parle plus, parce que tous ne sont pas que des amis ?

N'en parle plus, parce que le coût de l'échec est parfois plus grand que le prix de la victoire. N'en parle plus, parce que ce que tu dis permet aux autres de recadrer leur réponse à ta stratégie ! Mais qu'est-ce qu'une chronique peut dire de plus ou de mieux qu'un éthylique courtisan ou partisan qui pense que tout va bien ? La meilleure façon de parler, c'est de se taire. La meilleure communication, c'est l'action, sans les mots, parce que les mots ont parfois des maux qu'aucun mot ne peut dire. Silence !

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