C'est la première fois qu'il s'exprime depuis le début de la polémique. Le gouverneur de la Banque centrale libyenne, Al-Siddiq Al-Kabir, démis de ses fonctions par le Conseil présidentiel, a annoncé avoir fui le pays avec son équipe par crainte pour leurs vies. Ce développement conduira-t-il à une aggravation des tensions entre les deux gouvernements de l'est et de l'ouest libyen ? La production de pétrole a baissé de plus de la moitié depuis le début de cette crise qui a conduit à la fermeture de plusieurs champs pétroliers.
Al-Siddiq Al-Kabir a fait ses premières déclarations au journal américain Financial Times, affirmant que les groupes armés menacent et terrorisent les grands employés de la Banque centrale de Libye (BCL). Il raconte que ces groupes enlèvent parfois les enfants des employés et leurs proches, afin de les obliger à aller travailler. Chose qu'ils ont arrêté de faire depuis le mardi 27 août et la décision du Conseil présidentiel de former un autre Conseil d'administration de la banque.
Tentatives de remplacement par le Premier ministre
Selon le gouverneur de la Banque centrale, les tentatives du Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah pour le remplacer étaient « illégales et non conformes aux accords politiques négociés par l'ONU ». Selon ces accords, il faut l'aval des trois institutions - le Conseil présidentiel, le Haut Conseil d'État et le Parlement - pour un changement du gouverneur.
Ces institutions avaient étudié la nomination de Mohamed Chokri en tant que gouverneur de la Banque centrale, encouragée par le gouvernement Dbeibah. Mais ce dernier, voyant la crise venir, s'est excusé et c'est désormais Abdelfattah Ghaffar qui occupe le poste de gouverneur par intérim de la BCL.
Or, pour plusieurs observateurs libyens, il a déjà été impliqué dans des affaires de corruption et de blanchiment d'argent, en plus d'avoir travaillé dans des projets dirigés par le Premier ministre Dbeibah. Al-Siddiq Al-Kabir a d'ailleurs déclaré qu'il y a « des actifs précieux au sein de la Banque centrale ». Il a exprimé sa forte inquiétude pour le devenir de ces actifs.
Perte de millions de dollars
Cela fait des années que l'argent de la manne pétrolière constitue le différend le plus fort entre l'est et l'ouest. Al-Siddiq Al-Kabir, allié dans un premier temps du Premier ministre Dbeibah - qui ne faisait pas un seul déplacement à l'étranger sans lui - a changé de cap, dans une Libye où les alliances mutent en fonction des intérêts des uns et des autres. Al-Kabir s'est rapproché ces derniers mois du camp de l'est libyen et de son homme fort, le maréchal Khalifa Haftar. Ce qui lui a valu d'être remercié par le camp Dbeibah.
C'est à la suite de cette mesure que l'homme fort de l'est libyen a décidé de couper la production pétrolière. La majorité des champs et des terminaux pétroliers se trouvent sous contrôle de Khalifa Haftar. Ainsi, depuis mardi dernier, la production a baissé à moins de 600 000 barils par jour, selon la Noc, la compagnie nationale du pétrole, soit plus de la moitié de sa production habituelle. Cette situation risque de s'aggraver davantage. En plus de la perte de millions de dollars pour la Libye depuis le début de la semaine, cette crise a causé une hausse des prix de 3 % à l'international.
Selon Hafedh al Ghouil, un chercheur libyen à l'Institut Johns Hopkins, en choisissant de démettre le gouverneur de la BCL de ses fonctions, « le Conseil présidentiel a choisi la fausse bataille ».