Afrique: Influence de l'AGRA sur les politiques agricoles - Des organisations de la société civile africaine demandent réparation

En prélude au Forum des systèmes alimentaires africains qui se tiendra du 2 au 6 septembre prochain à Kigali, au Rwanda, des organisations de la société civile africaine ont animé une conférence le mercredi 28 août 2024 au cours de laquelle elles ont dénoncé les dégâts que l'AGRA (l'Alliance pour une révolution verte en Afrique) cause aux systèmes agricoles et alimentaires du continent.

Des organisations de la société civile africaine, en l'occurrence des leaders religieux, sont vent débout contre l'influence que la Fondation Gates, par l'entremise de l'AGRA (l'Alliance pour une révolution verte en Afrique), exerce sur les politiques agricoles et alimentaires sur le continent. Les politiques d'agriculture industrielle promues par AGRA détériorent les terres cultivables, désarticulent les systèmes agricoles et alimentaires traditionnels africains et privent les petits exploitants du continent de leurs moyens de subsistance. Ces organisations demandent justice et réparation pour tous ces préjudices que subissent les populations africaines. Elles l'ont fait savoir au cours d'une conférence de presse qu'elles ont animée le mercredi 28 août 2024, en prélude au Forum des systèmes alimentaires africains qui se tiendra du 2 au 6 septembre prochain à Kigali, au Rwanda.

A travers une note d'information, intitulée « Tirer le voile : l'influence de l'AGRA sur les politiques agricoles en Afrique », l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), montre comment, dans des pays comme le Kenya et la Zambie, l'AGRA « utilise son soutien financier stratégique et l'intégration de consultants dans les institutions gouvernementales pour consolider des modèles industriels préjudiciables aux agriculteurs ». En effet, ces pays ont été témoins de l'implication significative de l'AGRA dans les politiques agricoles, en particulier dans les domaines liés aux priorités d'investissement agricole, aux semences et à l'introduction de semences génétiquement modifiées, révèle l'enquête réalisée par l'AFSA.

Selon les conférenciers du jour, la révolution verte telle que prônée par l'AGRA est un mirage. Elle est plutôt une colonisation déguisée qui encourage le capitalisme du Nord à continuer de contrôler nos systèmes alimentaires, notre environnement, notre bien-être et nos moyens de subsistance, ont-ils soutenu.

« Leurs programmes nous ont tous rendus vulnérables »

Malgré les échecs avérés de ses propres initiatives, ont-ils poursuivi, l'AGRA continue de saper les processus démocratiques en tentant de coopter et de diluer les efforts des agriculteurs qui défendent l'agroécologie. Et cela a été clairement visible dans le comté de Vihiga au Kenya, où une organisation affiliée à l'AGRA, la Food and Land Use Coalition (FOLU), s'est infiltrée dans les dernières étapes d'une politique régionale d'agroécologie qui avait été élaborée il y a deux ans, a révélé le fondateur de Bio Gardening Innovations (BIOGI), Ferdinand Wafula,.

Au-delà de son implication dans politiques agricoles nationales, l'AGRA a étendu son influence au niveau continental, à travers le financement du processus post-Malabo, l'agende de l'Union africaine (UA) qui vise à façonner la prochaine décennie agricole du continent, a fait savoir le coordonnateur général de l'AFSA, Dr Million Belay. « Tout au long de la réunion de Lusaka, l'influence de ces entités occidentales sur le processus était palpable, éclipsant les voix des agriculteurs africains, de la société civile et des organisations de base », a-t-il déploré.

Partant de son vécu sur le terrain, l'agricultrice zambienne et présidente de l'Assemblée des femmes rurales, Mary Sakala, a mis en relief les effets nocifs de l'agriculture industrielle sue les petits exploitants agricoles zambiens. « Nous avions l'habitude de cultiver des produits diversifiés. Mais aujourd'hui, les gouvernements et l'agro-industrie ont poussé les agriculteurs vers la monoculture, qui dépend des intrants. Leurs programmes nous ont tous rendus vulnérables », a-t-elle confié. Les leaders religieux font le même constat alarmant et pointent du doit l'AGRA et ses bailleurs.

Le temps de l'action

« L'AGRA et la Fondation Gates, ainsi que les entreprises semencières et agrochimiques, sont de faux prophètes de la sécurité alimentaire. Ils prétendent être des messies pour les affamés, mais n'ont pas tenu leurs promesses. Leur approche industrielle dégrade les sols, détruit la biodiversité et place les profits des entreprises au-dessus des personnes. Elle est immorale. Gates et les grandes entreprises agroalimentaires se jouent de Dieu », a martelé l'évêque Takalani Isaac Mufamadi, de l'Institut de l'environnement des communautés religieuses d'Afrique australe (SAFCEI).

Ces leaders religieux ont par ailleurs rendu publique leur lettre adressée à la Fondation Gates et aux autres bailleurs de fonds, à qui ils demandent de cesser immédiatement de financer l'AGRA et de fournir des réparations, en finançant des initiatives d'agroécologie et des efforts menés par les communautés, à savoir l'élargissement de la chaîne d'approvisionnement en intrants biologiques, la recherche participative menée par les agriculteurs et les banques de semences communautaires. « Il est temps que les bailleurs de fonds internationaux s'orientent vers l'agroécologie en respectant et en soutenant les approches holistiques définies localement en Afrique, par l'Afrique », a insisté Takalani Isaac Mufamadi.

Dans la même lancée, l'Alliance pour la Souveraineté Alimentaire en Afrique appelle à une résistance urgente contre le modèle agricole piloté par les entreprises, qui privilégient le profit au détriment des populations et de la planète. Elle invite donc toutes les parties prenantes à veiller à ce que les décisions politiques reflètent les besoins des agriculteurs africains, et non les intérêts des multinationales. Car, l'avenir de l'agriculture africaine doit être guidé par ceux qui cultivent la terre. Et il est temps d'agir, notre avenir en dépend, a conclu l'AFSA.

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