Sénégal: Rejet de la révision constitutionnelle par la Commission des Lois - Diomaye Faye sur la corde raide

1 Septembre 2024
analyse

Les membres de la Commission des Lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains, ont retoqué le projet de loi relatif à la révision de la Constitution soumis par le président Bassirou Diomaye Faye, et visant à supprimer deux institutions qualifiées de budgétivores par le régime actuel.

Il s'agit du Haut conseil des collectivités territoriales, et du Conseil économique, social et environnemental qui sont des organes consultatifs dont la suppression devrait permettre la rationalisation des dépenses publiques. Le vote s'est soldé par un score étriqué de 16 voix contre, toutes issues de la coalition de l'opposition Benno Bokk Yakkar, et 14 voix pour, venant des membres du groupe Yewwi Askan Wi proche du pouvoir, et des non-inscrits.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un début de camouflet pour le requérant, qui ne désespère pas cependant d'obtenir le quitus pour cette réforme, d'autant qu'une séance plénière de rattrapage a été convoquée ce matin même à 10 heures pour soumettre le controversé projet de modification à l'appréciation de l'ensemble des députés.

Il ne serait pas étonnant que Bassirou Diomaye Faye subisse un second revers

Vu la configuration de l'Assemblée nationale qui compte 82 élus issus de l'opposition, 80 de la coalition présidentielle et 3 non-inscrits, il ne serait pas étonnant que Bassirou Diomaye Faye subisse un second revers qui pourrait ouvrir la voie à l'ultime solution qui est la dissolution du Parlement. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que pour pouvoir mettre en oeuvre le programme politique porté par le pouvoir actuel, il lui faudra nécessairement "arracher" la majorité parlementaire à l'opposition.

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C'est évidemment un pari risqué, mais le risque vaut la peine d'être couru. Car la majorité actuelle de l'opposition, quoique sur le fil, va continuer fatalement à rejeter toutes les réformes visant à donner une suite aux promesses électorales du président, et parasiter ipso facto la gouvernance de Diomaye Faye et de Yewwi Askan Wi. C'est donc un président de la République déjà sur la corde raide qui pourrait convoquer le corps électoral à partir du 12 septembre conformément à l'avis donné par le Conseil constitutionnel pour des législatives anticipées, à ses risques et périls politiques puisque rien, a priori, ne garantit la victoire de sa coalition, au regard des critiques formulées contre son régime par des Sénégalais de plus en plus nombreux.

L'un de ses prédécesseurs, Abdoulaye Wade, pour ne pas le nommer, s'était prêté à ce périlleux exercice un an après son triomphe contre Abdou Diouf et s'en était tiré à bons comptes, pour ainsi dire, d'autant que la coalition Sopi qui l'a porté au pouvoir, l'avait largement remporté face à une opposition fracturée.

Si le projet de loi se heurte ce matin au niet des députés, le président pourrait appeler les électeurs à la rescousse

Ce n'est pas sûr que Bassirou Diomaye Faye ait la même veine, et certains Sénégalais lui prédisent, pour ne pas dire, lui souhaitent une «fessée électorale» le cas échéant pour le contraindre à la cohabitation et du coup, éviter qu'une majorité mécanique, aux ordres et au garde-à-vous ne vienne ternir l'image de la démocratie sénégalaise considérée comme l'une des plus abouties du continent.

C'est un argument discutable, voire spécieux. Car une telle hypothèse risquerait de plonger le pays dans une instabilité chronique qui pourrait le conduire vers des lendemains incertains. On n'en est pas encore là. Mais tout porte à croire que si le projet de loi se heurte ce matin au niet des députés, le président pourrait appeler les électeurs à la rescousse à travers des élections législatives à l'issue incertaine.

Il espère bien que son camp l'emportera et la majorité qui sera la sienne lui permettra d'être à l'aise dans le déroulement de son programme de société, et permettre à son Premier ministre qui a déjà maille à partir avec les députés de l'opposition, de faire enfin sa Déclaration de politique générale (DPG) sans courir le risque d'une motion de censure qui le débarquerait de son poste et qui compromettrait son avenir politique et celui de son président.

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