La Tunisie fait face à un ralentissement significatif des financements bancaires, une situation qui inquiète aussi bien les particuliers que les entreprises. Cette baisse, attribuée à plusieurs facteurs, notamment la diminution de l'épargne dans les banques tunisiennes et les besoins croissants de financement du budget de l'Etat, pose de sérieux défis à l'économie du pays.
L'analyste financier, Sofiane Al-Warimi, a souligné que le recul des financements en Tunisie est attribuable à plusieurs facteurs, notamment la baisse de l'épargne dans les banques tunisiennes, qui constitue une source majeure de financement dans un environnement économique et financier dépendant principalement des financements bancaires.
Lors de son passage sur les ondes d'une radio privée, Sofiane Al-Warimi a précisé que ce recul est également lié aux besoins considérables de financement du budget de l'Etat, poussant ce dernier à émettre des bons du Trésor en s'appuyant essentiellement sur les banques locales.
Il a expliqué que ces facteurs ont entraîné une diminution du volume des financements, ce qui se traduit par des demandes de prêts qui nécessitent beaucoup de temps avant d'obtenir une réponse. Il a noté que la Banque centrale a reconnu l'existence d'un problème de financement pour les particuliers et les entreprises et a exhorté les banques à revoir leurs politiques en la matière.
Taux d'intérêt excessifs
Al-Warimi a également mentionné que même ceux qui parviennent à obtenir des financements se retrouvent confrontés à des coûts élevés en raison de la hausse des taux d'intérêt, notant qu'un prêt bancaire, même minimal, entraînera un taux d'intérêt d'au moins 10%.
Concernant les prêts des sociétés de leasing financier, il a signalé que le taux d'intérêt directeur a atteint 13,83% au second semestre de 2023, considérant ce niveau comme particulièrement élevé.
Il a mis en évidence le paradoxe d'une économie basée sur le financement bancaire, tout en observant un ralentissement et une rareté de ces mêmes financements. Selon lui, la solution réside dans la mise à disposition de financements nécessaires à des taux préférentiels pour soutenir l'investissement plutôt que la consommation, dans des délais précis, afin de permettre aux entreprises de reprendre la production et, ainsi, de contrôler les coûts de production.
Sur un autre plan, Sofiane Al-Warimi a souligné qu'à ce jour, la législation de 1999 sur le taux d'intérêt directeur reste en vigueur, malgré la promulgation d'un décret en octobre 2022 qui la modifie, faute de textes réglementaires précisant les taux d'intérêt excessifs.
Il a rappelé que, lors de la révision du Code de commerce, il a été stipulé que les banques tunisiennes doivent consacrer chaque année 8 % de leurs bénéfices à un fonds de financement des entreprises et des particuliers, précisant que ces financements ne sont soumis à aucune garantie, ni intérêts, ni commissions.
Al-Warimi a aussi précisé que l'application de cette révision ne pourra être effective qu'avec la publication du décret définissant les conditions de ces financements, ainsi que les entreprises et particuliers qui pourront en bénéficier.
Réformer et réguler
Certes, cette analyse met en lumière des problématiques structurelles dans le système financier tunisien, mais elle ouvre également la voie à des réflexions plus approfondies sur les solutions possibles. La dépendance excessive aux financements bancaires, conjuguée à la hausse des taux d'intérêt, risque d'étouffer l'initiative économique et d'aggraver les difficultés des entreprises et des particuliers. Si l'idée de mettre en place des financements à taux préférentiels est pertinente, elle nécessite une approche plus globale.
D'une part, l'Etat devrait envisager des réformes pour diversifier les sources de financement, notamment en stimulant les marchés financiers locaux, ce qui pourrait offrir des alternatives aux financements bancaires traditionnels. D'autre part, une révision des politiques fiscales pourrait encourager l'épargne et les investissements, en offrant des incitations fiscales pour les particuliers et les entreprises.
En outre, la Banque centrale doit jouer un rôle plus actif en régulant non seulement les taux d'intérêt, mais aussi en veillant à ce que les crédits soient dirigés vers des secteurs stratégiques capables de générer de la croissance et de l'emploi. Une collaboration étroite entre les régulateurs, les banques et les acteurs économiques est essentielle pour ajuster les politiques de crédit en fonction des besoins réels du marché.