Les Jeux paralympiques sont en cours, et nos athlètes entrent en scène aujourd'hui. Comme à chaque fois, le pays se range comme un seul bloc, sans clivage, derrière eux. Dans ce domaine, Maurice n'a rien à envier aux autres pays. Nos handi-sportifs nous rendent toujours fiers. Mais dans la vie réelle, comment vivent les personnes en situation de handicap chez nous ? Quatre mois après l'adoption de la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act et alors que la ministre de la Sécurité sociale vient de soumettre le rapport périodique de Maurice devant le comité des Nations unies sur les droits des personnes handicapées cette semaine, faisons le point.
La vie n'est pas toujours simple, disent les personnes en fauteuil roulant, notamment. Il n'y a pas d'infrastructures appropriées, sauf dans les centres commerciaux récents. Mais même là, il y a des limites. Par exemple, à Trianon, l'ascenseur est très étroit, et certains fauteuils ont du mal à y entrer. «Mais bon, ça peut dépanner», explique Lormesh, dont un proche est en fauteuil.
En dehors des centres, c'est un autre combat. Toutefois, des efforts ont été faits au fil des ans. Les bâtiments administratifs de la capitale sont de plus en plus adaptés. «Mais déjà arriver à Port-Louis est un challenge. Le bus n'est pas du tout adapté aux personnes handicapées. Le métro est très récent. Et à Port-Louis, il faut absolument que quelqu'un aide la personne à naviguer entre les obstacles, car la ville elle-même est loin d'être adaptée aux besoins de ces personnes.»
Il y a aussi la mentalité de certains Mauriciens. Les espaces de parking réservés aux personnes handicapées doivent avoir des chaînes, préconise notre interlocuteur, car certaines personnes sans savoir-vivre ne se gênent pas pour s'y garer sans aucune considération. D'ailleurs, ce problème est tellement courant que même Noémi Alphonse l'a dénoncé sur sa page Facebook l'année dernière. «Quand je suis dans ce parking, les gens regardent, marchent plus lentement mais ne disent rien. Par contre, ils ont l'air satisfait lorsque je sors le fauteuil. Une seule fois, une dame m'a demandé si j'avais une personne handicapée avec moi, et j'étais vraiment contente car elle s'est intéressée à leur sort pour de vrai. Les autres ne sont que passifs.»
Ce problème gangrène même les lieux de culte. Grand-Bassin est adapté, mais pas ailleurs. C'est la raison pour laquelle sa famille ne se rend là-bas que lors des grandes prières. Mais même là, des fois, les places sont prises par d'autres personnes sans considération. «Je ne vous parle pas de périodes d'affluence comme Maha Shivaratree, mais simplement lorsqu'il y a des fonctions et les gens se garent n'importe comment.» Il arrive même que les policiers lui disent : «Be li pa kapav mars zis inpe ?» Puis, il y a aussi le silence entourant le handicap. «Lorsque les enfants demandent pourquoi une dame est en fauteuil, au lieu d'expliquer, ils essaient de faire taire l'enfant. Ce qui est bête, car il serait plus simple et logique de lui dire sur place !»
Mais il n'y a pas que des revers. «Dans les files d'attente, les personnes nous laissent systématiquement passer devant.» Ou encore, dans les restaurants, personne ne voit d'inconvénient à ce qu'ils passent devant eux.
La route est longue
C'est en 2007 que Maurice a signé la convention sur les droits des personnes handicapées et l'a ratifiée en 2010. Depuis, les dispositions de cette convention ont été intégrées dans plusieurs lois locales, notamment la Special Education Needs Authority Act, la Workers Rights Act, la Mental Health Act et la Constitution, entre autres. C'est cette année, en avril, que la loi complète visant à garantir pleinement les droits des personnes vivant en situation de handicap a été adoptée. Si tout le monde s'accorde à dire que la présentation d'une telle loi est un bon début, certains points restent cependant en suspens.
Pendant les débats, Shakeel Mohammed avait demandé qui poursuivrait les municipalités si les trottoirs ne répondaient pas aux besoins des personnes handicapées. Osman Mahomed avait souligné que la loi exigeait que les nouvelles constructions soient adaptées, alors que la convention demande aussi que les bâtiments existants soient modifiés pour accueillir les personnes handicapées.
Mais la ministre Fazila Jeewa- Daureeawoo était ferme : ce projet de loi est historique et vise à protéger et promouvoir les droits des personnes en situation de handicap, à encourager leur emploi, à leur assurer un environnement de travail sûr et inclusif, à leur garantir un accès à une éducation de qualité et à promouvoir leur autonomisation. Les fonctionnaires, a soutenu la ministre, auront aussi la possibilité de signaler les cas de maltraitance au poste de police le plus proche, d'offrir des conseils ou tout autre soutien, ou encore de demander une ordonnance de protection.
Sollicitée sur la question, l'ancienne ministre de la Sécurité sociale, Sheila Bappoo, estime que le vote de cette loi est un pas en avant. Elle rappelle qu'un projet de loi était prêt lorsqu'elle était en poste, mais que rien n'a été fait pendant le premier mandat de ce gouvernement et qu'il a fallu attendre la fin du deuxième mandat pour voir la loi devenir une réalité. «Lorsqu'on avance, c'est bien. Mais parfois, lorsqu'on avance, il y a aussi des manquements», dit-elle. Selon elle, le gouvernement actuel met beaucoup d'accent sur les pensions, alors que ce n'est qu'une partie du problème. Il faut, selon elle, arriver à ce que ces personnes puissent avoir une vie normale. Elle rappelle que lorsque Maurice a ratifié la convention, le pays avait trois réserves, dont une concernant les écoles, car adapter les écoles pour les étudiants handicapés allait prendre du temps. «Au fil des années, ces réserves auraient dû disparaître. Or, elles sont toujours là», note-t-elle.
Maurice réaffirme son engagement
Cette semaine, Fazila Jeewa-Daureeawoo a présenté le rapport périodique au comité des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, réaffirmant son engagement ferme à promouvoir et protéger les droits. Dans son discours d'ouverture, la ministre de la Sécurité sociale a souligné l'importance de l'intégration sociale et économique des personnes handicapées à Maurice. Elle a rappelé que, selon les dernières statistiques, environ 6,8 % de la population mauricienne vit avec un handicap. «Nous restons déterminés à bâtir une société où chaque individu, quel que soit son handicap, a une place et peut contribuer pleinement à la vie de la nation», a-t-elle affirmé.
Parmi les initiatives phares mises en avant, la ministre a mentionné l'adoption récente de la loi sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées. Un autre point mis en avant lors de la réunion a été l'annonce de l'élaboration d'un nouveau plan d'action pour les personnes handicapées pour la période 2025-2030. Ce plan, qui sera développé en consultation avec diverses parties prenantes, y compris des organisations non gouvernementales et le secteur privé, vise à définir des objectifs clairs et mesurables pour favoriser l'inclusion sociale et économique des personnes handicapées. «Nous voulons un changement de mentalité dans notre société, un engagement collectif pour l'égalité et la dignité de tous», a déclaré la ministre. Fazila Jeewa-Daureeawoo a également mis en lumière les efforts du gouvernement pour renforcer le filet de sécurité sociale, notamment par le biais de la pension d'invalidité, des allocations pour les aidants familiaux et la fourniture d'appareils d'assistance. De plus, des quotas d'emploi ont été introduits pour les personnes handicapées dans les secteurs public et privé, une initiative visant à garantir une représentation équitable sur le marché du travail.
Par ailleurs, les experts du comité des Nations unies ont salué les efforts de Maurice tout en appelant à une vigilance continue pour s'assurer que les politiques soient réellement mises en oeuvre sur le terrain et que les personnes handicapées puissent exercer pleinement leurs droits.