Moment d'histoire pour le sport africain à l'Aréna Porte de la Chapelle, au nord de Paris, ce 2 septembre, avec la médaille de bronze en badminton de Mariam Eniola Bolaji. A 18 ans, la Nigériane a battu l'Ukrainienne Oksana Kozyna en 2 sets, 21-9 21-9 en petite finale. Il s'agit de la première médaille du Nigeria dans ces Jeux paralympiques et surtout de la première médaille de l'histoire de l'Afrique dans cette discipline, Jeux olympiques et paralympiques confondus. Un bel accomplissement pour la jeune fille, au parcours de vie très douloureux.
Elle venait d'avoir 18 ans, mais a déjà tout d'une grande. Mariam Eniola Bolaji est rayonnante. « Je me sens si bien ! Je suis si heureuse, si fière de moi », savoure l'athlète dans un grand sourire. « J'ai beaucoup travaillé, je ne voulais pas rentrer les mains vides. Au Nigeria, les sports de raquette sont très populaires. Mais il est difficile d'en vivre. Il faut prendre les transports pour aller à l'entraînement, se nourrir, beaucoup d'athlètes abandonnent. Cette médaille, c'est la première pour l'Afrique au badminton, que ce soit aux Jeux olympiques ou paralympiques. »
Née à Ibadan dans l'état d'Oyo avec une malformation à la jambe gauche, elle débute par le tennis de table, avant de se mettre au badminton : « J'avais 15 ans quand j'ai commencé ce sport. J'ai rencontré mon ancien entraîneur, Bello Rafiu Oyebanji, qui m'a dit que j'avais du potentiel, que je serais meilleure qu'au ping-pong, que je pratiquais alors. C'est lui qui m'a fait découvrir cette discipline. Cette médaille est aussi pour lui, elle lui appartient. »
Un ancien coach tragiquement disparu dans un accident de moto avant les Jeux de Tokyo. La joueuse a d'ailleurs brandi une photo de lui après sa défaite en demi-finale perdue contre la Chinoise Zuxian Xiao. C'est auprès de la technicienne espagnole Dina Abouzeid que la jeune fille a trouvé refuge.
Élevée par sa grand-mère
« Quand elle m'a racontée son histoire, j'ai voulu l'aider, raconte la native de Saragosse. Je l'ai rencontrée sur une compétition en Égypte. Elle n'allait pas à l'école, car elle n'avait pas d'argent. Je lui ai dit : "Tu es très forte". Elle m'a répondu : "Pourquoi ne m'emmènes-tu pas en Espagne ?" C'est comme ça que cela a commencé. Elle est venue 10 jours au mois de janvier en stage, puis elle est revenue pour se préparer pendant deux mois et demi à Vitoria-Gasteiz, au Pays basque. Elle s'est entraînée tous les jours avec d'autres athlètes, avec des valides, avec les meilleurs Espagnols, et aussi des juniors. On a même fait des doubles sessions, on a bossé comme des dingues. Et nous voilà ! »
Et les voilà avec une belle et inédite médaille de bronze dans les bras. « C'est fantastique, elle avait beaucoup de pression, elle n'a que 18 ans, poursuit l'Espagnole. Elle est ici sur invitation, elle ne s'est pas qualifiée, non pas à cause de son niveau, mais car elle n'avait pas les moyens de voyager pour participer aux tournois internationaux. On visait le titre ici à Paris, car c'est la meilleure joueuse africaine, elle a gagné quatre médailles d'or dans des grandes compétitions cette année, mais il faut y aller pas à pas. Pour nous, ce bronze a le goût d'or. »
Une médaille historique que Mariam veut désormais partager avec celle qu'elle appelle « Miss Bolaji », à savoir sa grand-mère, qui l'a élevée seule après le décès de ses parents, morts quand Mariam Eniola Bolaji n'était qu'enfant. Mais avant de rentrer fêter cette grande réussite avec sa grand-mère, l'athlète va désormais savourer l'ambiance des Jeux : « Maintenant, il me reste encore 4-5 jours à profiter de Paris, et je vais aller soutenir mes compatriotes. En espérant d'autres médailles pour le Nigéria ! »