Afrique du Sud: Jeux paralympiques - La Sud-Africaine Philippa Johnson-Dwyer, grande dame de l'équitation

À Paris, Philippa Johnson-Dwyer s'apprête à disputer ses sixièmes Jeux paralympiques d'affilée (en grade IV), elle qui avait décroché l'or à Pékin en 2008. Mais la Sud-Africaine n'a pas connu que des succès. Victime d'un grave accident de la route en 1998 qui a coûté la vie à deux de ses proches et l'a précipité dans le monde du para-sport, elle s'est également grièvement blessée au dos un an plus tard. Elle a dû être opérée à coeur ouvert en 2020, découvrant à cette même occasion qu'elle souffrait d'un cancer. Mais, malgré tous ces coups du sort, voilà la cavalière à Versailles.

Le Château de Versailles, théâtre des épreuves d'équitation aux Jeux de Paris 2024, lui va si bien. Il se dégage de Philippa Johnson-Dwyer, cavalière sud-africaine de 49 ans, une prestance royale qui sied particulièrement à ce cadre d'exception. « C'est sans aucun doute l'un des plus beaux lieux où j'ai concouru, souligne-t-elle dans un immense sourire. C'est un sentiment incroyable d'être ici, surtout après avoir regardé les Jeux olympiques à la télévision et vu à quel point le site était magnifique ».

Elle ajoute, attablée dans l'immense complexe : « C'est toujours un honneur de représenter son pays à ce niveau international et il faut aussi toujours se rappeler qu'un infime pourcentage de la population mondiale a eu la chance de représenter un jour son pays aux Jeux. Donc, maintenant que j'en suis à mes sixièmes, je ne peux que me sentir très chanceuse. »

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La seule médaillée africaine en équitation, aux Jeux

La native de Johannesburg n'est en effet pas la première venue, après avoir été à Athènes en 2004, Pékin en 2008, Londres en 2012, Rio en 2016 et Tokyo en 2021. En Grèce, pour sa première grande première - « j'étais terrifiée et les chevaux me paraissaient énormes » -, elle avait décroché deux fois l'argent, alors qu'en Chine elle avait été sacrée à deux reprises. Ce sont d'ailleurs, à ce jour, les seules médailles remportées par l'Afrique en équitation, Jeux olympiques et paralympiques confondus.

La Sud-Africaine s'émerveille en repensant à ces titres paralympiques gagnés à Hong-Kong, où son sport avait été délocalisé. « C'est sans aucun doute ma plus grande réalisation sportive, reconnait-elle. En plus, c'était une expérience tellement unique. Nous chevauchions en plein milieu de Hong-Kong et nous devions le faire la nuit à cause des températures. Et ce alors que les lumières de la ville s'allumaient autour de nous. C'était tout simplement incroyable et magique ».

Autre moment mémorable : les Jeux de Londres où elle et son futur mari, James Dwyer, étaient en lice en sports équestres. « Nous nous sommes rencontrés lors de ma toute première compétition internationale, en 2002. Je l'aimais vraiment beaucoup, narre la Sud-Africaine. Mais j'ai vu qu'il avait une bague au doigt et j'ai alors pensé : "Eh bien, c'est un gars génial, mais il est marié, donc c'est hors de question."

Et, pendant huit ans, nous étions amis, mais je n'ai jamais rien fait parce que je pensais qu'il était marié. Et ce n'est qu'en 2010, alors que nous discutions, qu'il a abordé le sujet. Je lui ai alors répondu : "Eh bien, cela ne se fera pas parce que tu es marié". "Eh bien non, je ne le suis pas", a-t-il répondu. J'ai dit : "Si, tu l'es !" Il a alors rétorqué : "Non, je ne le suis pas." J'ai insisté : "Si, si, tu l'es !" Il a alors assené : "Non, je ne le suis pas et je n'ai JAMAIS été marié." Je me suis alors dit : "Oh mon Dieu, nous avons juste gaspillé huit ans." », rit-elle en y repensant.

L'incarnation de la résilience

Philippa Johnson-Dwyer n'a toutefois pas connu qu'amour, faste, succès et gloire. C'est même tout le contraire : elle est plutôt l'incarnation de la résilience. Tout commence avec un premier drame, en 1998.

« J'ai été impliqué dans un accident de voiture dans lequel j'ai perdu mon frère et mon fiancé, ainsi que la moitié de l'usage de mon corps, témoigne-t-elle pudiquement. Les médecins ne savaient pas si j'allais retrouver l'usage de ma jambe droite, mais heureusement, je l'ai fait. Et, encore une fois, monter à cheval m'a sauvé la vie. Parce que je ne pense pas que, sans la motivation nécessaire pour remonter à cheval, j'aurais récupéré aussi vite que je ne l'ai fait. »

Mais la cavalière n'est pas au bout de ses peines. Un an plus tard, après sa première compétition en para-équitation, elle tente un jour de grimper seule sur sa monture, tombe, se blesse grièvement au dos, hypothéquant son avenir. Pour autant, malgré cet énième coup du sort, la multimédaillée assure ne s'être jamais demandé pourquoi le sort s'acharnait sur elle.

« Aussi étonnant que cela puisse paraître, je ne l'ai pas fait, lance-t-elle. Je pense que, à chaque fois, mon objectif a vraiment été de savoir : "Comment puis-je renouer autant que possible avec mon ancienne vie, ou comment vais-je adapter ma nouvelle vie pour pouvoir l'intégrer à l'ancienne ?" Tout cela ne m'a vraiment pas laissé le temps de m'apitoyer sur mon sort. »

Une capacité à faire fi de l'adversité qu'illustre très bien un troisième drame, survenu en 2020. « On m'a alors diagnostiqué une infection bactérienne dans le sang, qui s'est ensuite propagée jusqu'à mon coeur, provoquant une endocardite, détaille Philippa Johnson-Dwyer. Je devais donc subir une opération à coeur ouvert pour traiter le problème. Puis, avec tous les tests effectués avant la chirurgie cardiaque, ils ont découvert que j'avais également un cancer du côlon. J'ai eu beaucoup de chance, car ils l'ont découvert très tôt. Ils ont alors décidé de commencer par s'occuper de mon coeur et m'ont donné un mois pour récupérer. Puis, j'ai commencé une chimiothérapie et ma radiothérapie pour le cancer. »

L'envie de continuer

Encore une fois, Philippa Johnson-Dwyer préfère se focaliser sur ses objectifs plutôt que sur sa situation : d'autant que le report des Jeux de Tokyo d'un an, Covid-19 oblige, lui offre alors une seconde chance d'y prendre part. « Je pense que ma soif de compétition et mon amour pour le sport, ainsi que ma passion pour les chevaux, me permettent d'aller toujours de l'avant », résume celle qui vit et s'entraîne en Flandre belge depuis plus de 20 ans et qui rêverait d'y faire progresser les meilleurs cavaliers africains.

« Je pensais au début de cette année que Paris serait sympa pour finir, confie-t-elle. Six, c'est un joli chiffre. Et puis, j'enseigne beaucoup l'équitation et je suis passionnée par cet aspect-là. Mais cette année, j'ai encore eu quelques contretemps, et je pense que cela a quelque part ravivé ma flamme. En fait, j'ai pris ma décision : "Non, je suis encore trop jeune pour ranger mes bottes et me contenter d'enseigner." », conclut-elle, radieuse.

*A Paris, Philippa Johnson-Dwyer évoluera en Grade 4, catégorie réservée aux cavaliers ayant un handicap des membres supérieurs ou handicap modéré des quatre membres ou une petite taille.

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