Une telle affirmation rend Paul Kagame plus crédible auprès de la communauté internationale que tout autre Chef d'Etat congolais...
Un penseur disait qu'à force de parler du mal de quelqu'un, on finit par rendre attractif l'intéressé. Pendant qu'on croit le bannir de la société, on lui procure plutôt l'attention de tout le monde. C'est le cas des Congolais qui voient Paul Kagame partout. « C'est de l'abondance du coeur que la bouche parle », dit du reste Luc 6:45. On ne peut pas être à l'aise devant un auditoire et parler aisément des choses sérieuses sans en avoir la conviction. Car, la conviction, c'est d'abord une affaire du coeur...
Sous les fourches caudines
Pourquoi cette interpellation ? Un libre-penseur congolais, réputé pour son nationalisme pur et dur, a entrepris une croisade étrange dans plusieurs tribunes au pays.
Il passe le chef d'Etat rwandais pour régent (on peut même lire gérant) de l'État congolais depuis une trentaine d'années.
Certes, dans le développement de son argument, il se limite aux 4 ans de Laurent-Désiré Kabila et aux 18 ans de Joseph Kabila. Soit 22 ans. Mais, en affirmant la présence, dans les institutions actuelles, des mêmes intellectuels sélectionnés par Paul Kagame pour soutenir les prédécesseurs de Félix Tshisekedi, c'est que les 6 ans du régime Udps/Usn sont également concernés.
Ainsi, pour ne les avoir pas éliminés des institutions dont il assure le bon fonctionnement (selon l'article 69 de la Constitution), Félix Tshisekedi est passé lui aussi sous les fourches caudines de son homologue rwandais, peut-on déduire en toute logique !
Après tout, affirme le libre-penseur, la Constitution de 2006, celle à laquelle l'Udps doit son accession au pouvoir en 2018 et sa conservation de celui-ci en 2023, est l'oeuvre de Paul Kagame, selon ses affirmations !
A partir de cet instant, tout esprit éveillé doit bien en tirer comme conséquence que la « déconstruction » en cours de l'Etat congolais obéit à un plan conçu au Rwanda.
Ainsi, la dégradation en cours de la situation politique, diplomatique, sécuritaire, judiciaire, monétaire, financière, industrielle, commerciale, sociale etc. est l'oeuvre de Kigali et non de Kinshasa.
Exit Washington et Paris, exit Londres et New York, exit Bruxelles ex-métropole et double siège de l'Union européenne et de l'Otan !
Ça, c'est l'injure suprême pour le Congo
Quand les choses (voulues sérieuses) sont présentées avec tant d'assurance, c'est qu'on dit subtilement aux Congolais de ne rien espérer des dirigeants « intellectuels » congolais ayant servi Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila et Félix Tshisekedi au cours de ces trois dernières décennies, au motif d'avoir pour guide Paul Kagame !
Dans cette logique, il faut être naïf pour espérer un ressaisissement qui préserve l'intégrité territoriale ! On contraire, il n'est meilleur stratagème que celui-là pour suggestionner à certaines communautés congolaises le rejet pur et simple de la « régence » d'un Congo sous le leadership « rwandaïsé ». L'option pourrait être l'autodétermination, entendez la fameuse balkanisation dont on parle depuis 64 ans.
« Faire de la prose sans le savoir », comme cela transparaît dans les éléments de langage exploités par le compatriote nationaliste pur et dur, est en soi un exercice trop risqué par ces temps d'incertitude. Car toute personne sensée en est consciente : le Rwanda de Paul Kagame n'a ni les ressources humaines, ni les ressources financières et matérielles lui permettant de soutenir au même moment des organisations insurrectionnelles et les régimes congolais !
Considérer que cela est possible revient à reconnaître que ce qui se passe à l'Est (cycle répétitif des guerres) et à l'Ouest (Pouvoir fragilisé par ce cycle) n'est que jeu d'intérêts dans des enjeux connus des initiés fabriqués par Paul Kagame. Bonne raison pour un débat de clarification...
En effet, le Congolais lambda a le droit de comprendre comment le chef de l'État rwandais :
-d'un côté, fait faire aux Congolais des guerres en RDC en soutenant des mouvements qualifiés de « terroristes » (M23/AFC) et,
-de l'autre côté, conseille ses relais congolais (intellectuels auprès de ses ex-homologues et son actuel homologue) de combattre ces » hors-la-loi » !
Ça, c'est l'injure suprême pour le Congo.
Temps de changer de narratif
Soutenir que le Rwanda dirige le Congo ôte effectivement toute crédibilité au pays et, malheureusement, justifie le silence de la communauté internationale convaincue que le problème en Afrique centrale, en Afrique australe et en Afrique orientale, bref en Afrique, c'est la RDC !
Avec une telle déduction, on a le choix entre remonter ce pays (et redevenir tôt ou tard le même problème) ou le démonter carrément, de façon à tarir la source de déstabilisation de la région ou de la sous-région. Ce sont des hypothèses crédibles.
En déclarant voir Paul Kagame partout au Congo et au monde en train de comploter contre la RDC pendant qu'on ne voit pas Kinshasa mettre ses grosses ressources humaines et naturelles à profit pour le faire taire à jamais, on finit par l'ériger en Tarzan pendant qu'on veut le réduire à Godzilla...
Il est plus que temps de changer de narratif, et cela ne peut être positif qu'au travers du dialogue !
De grâce, qu'on ne vienne pas dire aux Congolais que les Rwandais vont empêcher les Congolais de se retrouver.
S'il y a empêchement, ce sera de la responsabilité des Congolais seuls appelés à savoir que chaque acte qu'ils posent requiert l'obligation de réaliser si c'est dans l'intérêt ou non du Congo. Surtout quand il s'agit d'actes d'Etat. Voire d'actes pour l'Etat. Cas de la croisade du libre-penseur, nationaliste pur et dur, mais dont l'accoutrement choisi pour la circonstance fait ajouter * »fermement engagé à une cause partisane connue ».
Ne suivez pas mon regard !