Le gouvernement en RDC a revu à la hausse le bilan humain après la tentative d'évasion à la prison centrale de Kinshasa. Les circonstances du drame restent floues.
En République démocratique du Congo, le gouvernement a revu à la hausse le bilan de la tentative d'évasion à la prison de Makala, à Kinshasa, dimanche soir (02.09). Officiellement, au moins 129 personnes ont été tuées, dans la nuit de dimanche à lundi, dans des conditions mal éclaircies.
Près de 48 heures après, l'un de nos correspondants sur place tente de revenir sur ce qui s'est réellement passé.
Ce sont d'abord les riverains de la prison de Makala qui ont témoigné de ce qu'ils ont vu, et notamment des militaires lourdement armés déployés autour du centre pénitentiaire.
Steve Libu, qui n'a pas dormi cette nuit-là, raconte la violence des scènes autour de la prison. Il explique avoir "vu des véhicules lourdement armés surgir de partout, des véhicules de l'armée qui ont commencé à faire des barricades le long de la route et d'autres qui faisaient des va-et-vient. Cette nuit-là, nous étions dans l'inquiétude et ce qui nous a encore plus effrayé, ce sont les crépitements de balles qui n'ont d'ailleurs pas cessé jusque maintenant. Nous sommes dans l'insécurité, nous qui sommes aux environs de la prison de Makala".
Des tirs sont en effet toujours entendus à la prison de Makala, où la sécurité est renforcée. Les policiers et militaires essaieraient de contenir des détenus, toujours révoltés dans l'enceinte de Makala.
Possible révolte contre les conditions de détention
Selon plusieurs sources, la tentative d'évasion a débuté au pavillon 4 de la prison, où des détenus, en colère contre leurs conditions de détention, auraient organisé une émeute. Le massacre qui a suivi laisse ouverte une question : s'agissait-il d'une tentative d'évasion, comme l'affirme le gouvernement congolais, ou d'une révolte qui a été écrasée dans le sang ?
Le Mouvement des indignés, un mouvement prodémocratie, doute pour sa part de la version des autorités. Roger Manzekele, porte-parole du mouvement, exige une enquête indépendante sur ce drame.
Il demande si "les gens étaient étouffés et ont cherché à se sauver par tous les moyens ? Est-ce que c'était un moyen de viser certains détenus politiques à l'intérieur parce qu'on a vu un grand trou dans un des murs de la prison. Il pleuvait le soir des événements, mais on n'a pas vu de traces de gouttes d'eau (sur la terre à côté du trou, ndlr). Tout porte à croire qu'il s'agit d'un scénario mal monté. Alors, pour lever l'équivoque, c'est au gouvernement congolais de donner la bonne information et que des enquêtes indépendantes soient diligentées pour élucider cette affaire".
Un bilan humain contredit par une ONG
Le journaliste indépendant Stanis Bujakera a été incarcéré pendant six mois à Makala. Pour lui, les problèmes de surpopulation, les conditions de vie déplorables et les difficultés d'accès à la justice ont pu conduire à une révolte.
Il estime que "ce qui s'est passé, c'est malheureusement un chaos, des gens qui ont été tués. Ce qui s'est passé, c'est aussi, et on n'en parle pas assez, des femmes qui ont été violées par des prisonniers. Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à la situation qui se passe actuellement à la prison de Makala. C'est peut-être un mouvement de révolte interne au regard des conditions qui sont très graves."
Le gouvernement congolais maintient la thèse de la tentative d'évasion. La Fondation Bill Clinton pour la paix avance le chiffre de 200 ou 300 évadés et plus de 200 morts, soit un bilan supérieur à celui des autorités.