Sénégal: Rejet du projet de révision du projet constitutionnelle - En attendant la dissolution de l'assemblée nationale ?

3 Septembre 2024
analyse

Au Sénégal, le parlement, réuni en séance plénière extraordinaire, a rejeté, le 2 septembre dernier, un projet de révision constitutionnelle porté par les nouvelles autorités.

Le texte qui portait, entre autres, la suppression de deux institutions, à savoir le Haut conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), jugées budgétivores, a été retoqué par la Représentation nationale qui l'a rejeté à 83 voix contre, et 80 pour. Et ce, après de longues et houleuses discussions qui se sont poursuivies jusque tard dans la nuit.

Un deuxième blocage qui vient après celui de la Commission des lois du parlement qui s'était déjà prononcée contre ladite mesure, deux jours plus tôt. Un échec qui ouvre aussi la voie à la possibilité d'une dissolution du parlement par le président Bassirou Diomaye Faye qui voit l'une de ses promesses de campagne prendre du plomb dans l'aile.

Comment peut-il en être autrement quand le parlement qui est dominé par l'ex-coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar (BBY), montre son hostilité à ce changement constitutionnel qui passe, aux yeux de ses représentants, pour une volonté « de détruire l'héritage du président Macky Sall » ?

Ce revers subi au parlement sonne comme un bras de fer entre l'ex-coalition au pouvoir et les nouvelles autorités de Dakar

Toujours est-il que joignant...le vote à la parole, les députés BBY ont rejeté le projet de loi qui n'est rien d'autre, selon eux, qu'une proposition « populiste, inutile et dangereuse » contre des institutions qui ont prouvé leur utilité. Tout le contraire du gouvernement qui ne demande qu'à faire dans la rupture et qui pensait pouvoir frapper un grand coup avec l'adoption de cette loi qu'il présente comme une mesure de « rationalisation des institutions » et des dépenses publiques, qui devrait permettre à l'Etat de faire une économie de pas moins de 75 milliards de FCFA pendant le quinquennat du natif de Ndiaganiao.

C'est dire le climat d'antagonisme qui a régné au sein de l'hémicycle le 2 septembre dernier entre les élus du peuple, et qui va largement au-delà de l'opportunité et de la raison d'être de ces institutions consultatives. Un antagonisme qui n'est pas loin d'entraver l'action gouvernementale puisque le Premier ministre, Ousmane Sonko, n'a toujours pas pu prononcer sa Déclaration de politique générale (DPG) devant les députés.

Une situation qui oblige le président Diomaye Faye à l'action, s'il veut se donner les coudées franches pour dérouler son programme. En tout cas, ce revers subi au parlement qui a refusé d'entériner la suppression de ces deux institutions, sonne comme un bras de fer entre l'ex-coalition au pouvoir et les nouvelles autorités de Dakar.

Courte queue se payant par courte queue comme le dit si bien l'adage, on se demande si en défendant son bilan et ce qui passe à ses yeux pour des acquis, Benno Bokk Yakaar n'est pas aussi dans la logique de mettre des bâtons dans les roues du duo Diomaye-Sonko qui, alors dans l'opposition, lui a fait voir des vertes et des pas mûres.

Le président Diomaye Faye marche désormais sur des oeufs

Si tel est le cas, ce serait de bonne guerre. Mais quoi qu'il en soit, ce rejet d'un projet de loi qui tenait à coeur au nouveau locataire du palais de la République, ne laisse pas beaucoup de choix au président Bassirou Diomaye Faye qui est d'autant plus dans le pétrin qu'il ne dispose pas d'une majorité à l'Assemblée nationale. Un parlement élu en 2022 et où le camp de l'ancien président Macky Sall reste encore majoritaire.

Franchira-t-il alors...le fleuve Sénégal pour dissoudre l'Assemblée nationale comme la loi lui en donne la possibilité à partir du 12 septembre prochain lorsque le parlement aura bouclé deux années de législature ? Ou bien se résoudra-t-il à trouver un compromis avec l'opposition ? On attend de voir. Mais dans un cas comme dans l'autre, c'est une décision qui ne sera pas sans conséquences. Car, si le chef de l'Etat dissout l'Assemblée, rien ne garantit qu'il sortira vainqueur des législatives anticipées à l'effet de se constituer une majorité au parlement.

Mais s'il ne le fait pas, le risque est grand pour lui de rester otage d'une opposition revancharde et décidée à jouer sa partition et à l'empêcher de gouverner en rond. Un véritable dilemme pour le président Diomaye Faye qui marche désormais sur des oeufs. Mais il doit avancer. Il y va de la crédibilité de son pouvoir et de ses ambitions pour le Sénégal.

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