Congo-Kinshasa: Indignations et inquiétudes après les événements meurtriers de la prison de Makala

En République démocratique du Congo (RDC), au moins 129 détenus de la prison centrale de Makala ont été tués au cours d'une tentative d'évasion survenue dans la nuit du 1er au 2 septembre. Ils sont morts par balles, dans des bousculades ou par étouffement selon le gouvernement, alors que la situation sur place reste difficile et que l'opposition comme la société civile demandent des comptes.

La prison centrale de Makala, en RDC, est officiellement fermée aux visites. L'armée quadrille le périmètre et ses effectifs ont été renforcés autour de la prison, rapporte notre correspondant à Kinshasa, Pascal Mulegwa. À l'intérieur, l'électricité a été rétablie mardi 3 septembre en début d'après-midi. Un groupe électrogène de secours a été déployé.

Les premières livraisons de vivres ont également eu lieu mardi, alors que les détenus sont restés sans manger depuis dimanche soir, car la cuisine et le dépôt alimentaire ont été touchés par l'incendie. D'après nos informations, l'eau courante n'a pas été rétablie à Makala, mais trois citernes ont été livrées.

Les travaux de réhabilitation de la prison nécessiteront d'importants moyens financiers, a confié une source sécuritaire à notre journaliste Patient Ligodi. Certains pavillons ou cellules abritant les détenus jugés « dangereux » n'ont plus de portes.

Les dizaines de blessés évacués lundi ont été ramenés dans la prison le soir même. Jusqu'en milieu d'après-midi mardi, le personnel soignant d'un hôpital proche de Makala n'était pas encore passé pour la suite des traitements.

Réactions indignées

Les réactions aux événements de Makala sont nombreuses. La société civile et l'opposition politique dénoncent la violence et la répression des forces de sécurité et demandent une enquête indépendante sur les circonstances de ce drame.

L'inquiétude est grande pour ceux qui sont incarcérés à Makala, comme pour les soutiens de l'opposant Jean-Marc Kabund, emprisonné depuis un an. Le porte-parole de son parti, l'Alliance pour le Changement, dénonce le manque de sécurité à l'intérieur de la prison. « Si la prison centrale de Makala aujourd'hui n'est pas sous contrôle du régime en place qui perd quasiment le contrôle de tout, pensez-vous que ces gens, en s'élevant pour semer du désordre, épargneront la vie de Monsieur Jean-Marc Kabund étant donné que le régime en place veut le museler ? », s'inquiète Guy Roger Ngoy, joint par Alexandra Brangeon pour RFI.

Alexandra Brangeon Le gouvernement précise qu'aucun détenu n'est parvenu à s'évader. Une version que conteste l'opposition, notamment la coalition de Lamuka, par la voix de son porte-parole, Prince Epenge, au micro de Sidy Yansané : « Nous pensons que le bilan est beaucoup plus lourd que celui qui est avancé par le gouvernement. Nous soupçonnons, dans les chefs du gouvernement de Félix Tshisekedi, l'intention de cacher la vérité. Nous exigeons des enquêtes indépendantes et rapides pour dégager les responsabilités. »

Surpopulation carcérale

Une enquête indépendante est également demandée par la société civile, dont la Lucha, qui appelle l'État congolais à réformer son système carcéral. Tous dénoncent un carnage dans une prison accueillant dix fois plus de détenus que sa capacité réelle.

Bienvenu Matumo, figure du mouvement, a lui-même séjourné à Makala, et témoigne auprès de Sidy Yansané : « Ce n'est pas possible qu'en 2003, la même prison a contenu 3 000 détenus. En 2016, quand j'étais en prison, c'était 8 000 détenus. En février 2024, 12 000, et aujourd'hui en septembre, on est à 15 000 détenus ? La population ne fait qu'augmenter et l'État ne nous dit pas clairement qui sont les détenus, quel est le statut des détenus : ce sont les détenus préventifs ou ce sont des condamnés ? »

Pour Rostin Manketa, directeur général de l'ONG La Voix des Sans Voix, cette tragédie est logiquement liée à la surpopulation carcérale en RDC, et il faut que le gouvernement résolve cet enjeu. « Il faut à tout prix améliorer les conditions de détention en respectant les règles minimales des Nations unies en matière de détention, et il faut de nouvelles infrastructures pénitentiaires. Sinon, on ne résoudra jamais ces problèmes. Il faut la construction de nouvelles infrastructures pénitentiaires et peut-être aussi la réhabilitation de la plupart des infrastructures que nous avons aussi en République démocratique du Congo », affirme-t-il à Frédéric Garat.

Frédéric Garat Les enquêteurs écartent de plus en plus l'hypothèse d'une intervention externe : il n'y a pas eu de dégâts à l'extérieur de l'établissement et les forces pénitentiaires n'ont pas subi d'attaque. Dans ce contexte, la Voix des Sans Voix ne comprend pas l'emploi disproportionné de la force.

Certaines sources gouvernementales expliquent que la majorité des décès sont dus à des étouffements. Le bilan aurait été encore plus lourd si l'armée était intervenue de nuits sans électricité, expliquent-elles. D'autres experts remettent en question l'efficacité des mesures de séparation des détenus, notamment entre les prisonniers dangereux et ceux qui le sont moins.

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