Sénégal: Mahamadou Kane, analyste à global initiative against transnational organized crime (GI-TOC) - «Le Sénégal est devenu un hub du trafic de migrants»

4 Septembre 2024
interview

Peut-on affirmer que le Sénégal joue un rôle majeur dans le trafic international de migrants ?

Le Sénégal est devenu un hub du trafic de migrants. C'est depuis longtemps. C'est juste que le phénomène s'est empiré ces dernières années. Du coup, on retrouve maintenant parmi les candidats des Guinéens, des Gambiens, surtout des Maliens qui viennent en masse. On a récemment découvert des Ivoiriens dans le circuit. Des Ghanéens ont même pris les pirogues à partir du Sénégal pour aller en Espagne. Le phénomène le plus récent maintenant, c'est de voir des Arabes, des Syriens des Pakistanais entre autres, venir jusqu'au Sénégal pour prendre les pirogues.

Qu'est ce qui explique cette ruée vers le Sénégal ?

Quand on interroge les candidats à la migration qui ont échoué, ils disent qu'ils ont plus confiance aux capitaines sénégalais. Le Sénégal étant un pays de pêche, les capitaines maitrisent très bien la navigation. Ils ont plus confiance à ces deniers au point qu'ils optent de leur confier leurs vies. Le Sénégal est comme la Mauritanie même si certains préfèrent partir par la Mauritanie parce que pour rejoindre l'Espagne, il est plus proche de passer par ce pays. A partir du Sénégal, on peut faire sept ou huit voire neuf jours, alors qu'à partir de la Mauritanie, c'est seulement cinq jours ou une semaine au maximum.

Quelle est la conséquence de cette présence étrangère au Sénégal ?

C'est un phénomène que l'on a observé récemment. Des cas de vol, d'agressions ont été signalés surtout vers la Petite Côte. Les auteurs ne sont personne d'autres que des candidats à la migration irrégulière qui n'ont pas réussi leur projet de voyage.

Une fois leur stock de vivre épuisé, ils s'adonnent au banditisme. Des cas ont été répertoriés à Warang, Nianing et même Dakar dans la banlieue, des cas d'agressions ont été signalés et ces derniers en étaient les auteurs. Ces migrants quand ils viennent au Sénégal sont logés dans des maisons soit abandonnées ou d'occasions où ils payent moins cher le loyer. Ils sont logés par les passeurs.

Qu'est-ce qui doit être fait, selon vous, pour contrecarrer les passeurs ?

L'Etat est à pied d'oeuvre. La surveillance commence à être renforcée de même que les patrouilles maritimes certes, mais d'abord il faut coopération sous régionale. Ce phénomène est transnational et demande une réponse qui va au-delà d'un Etat. Le Sénégal doit travailler avec les pays concernés comme le Mali, la Guinée mais aussi les autres pays.

La porosité des frontières est également un facteur qui facilite le trafic même si on doit faire avec la libre circulation dans l'espace Cedeao. Le renseignement pourrait jouer un rôle déterminent dans la prévention de ce genre de phénomène. Il faut également impliquer les populations parce que c'est dans les quartiers périphériques non loin des plages où sont logés ces candidats à la migration. Il faut que les populations dénoncent toute présence suspecte d'acteurs ou de candidats qui sont logés dans des maisons.

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