A la faveur de la journée mondiale de la santé sexuelle 2024, la spécialiste en communication Armelle Nyobé rappelle l'étendue de ce concept.
Ce mercredi 4 septembre était la journée mondiale de la santé sexuelle. C'est l'occasion pour moi de faire un peu de vulgarisation sur cet enjeu majeur qui, sous les apparences d'évidences, est beaucoup plus complexe et profond qu'il n'y parait de prime abord.
Alors que recouvre le vocable « santé sexuelle » et plus spécifiquement « santé sexuelle des femmes » ?
La santé sexuelle des femmes, souvent limitée à la simple question de contraception et de reproduction, est en réalité un univers bien plus vaste, un peu comme un iceberg dont on ne voit que la partie émergée.
"L'accès à des soins et à une éducation sexuelle de qualité n'est pas un caprice de luxe, réservé à une élite. C'est un droit fondamental pour toutes les femmes, partout, sans exception"Armelle Nyobé
En dessous de cette surface se cache tout un ensemble d'aspects essentiels : la prévention des infections sexuellement transmissibles, le dépistage régulier, et surtout, le droit à des relations saines et consensuelles. Tout cela, c'est le B.A.-BA de la santé sexuelle. Mais allons un peu plus loin, car ça ne s'arrête pas là...
Imaginez un instant que nous puissions garantir des diagnostics précis, une prise en charge adaptée et un suivi aux petits oignons pour chaque femme. Un rêve, n'est-ce pas ? Ajoutons à cela une meilleure compréhension des dynamiques spécifiquement féminines, comme le cycle menstruel ou les hormones. Là, on parle d'un véritable « game-changer », un bouleversement qui pourrait redéfinir notre approche de la santé sexuelle féminine.
À ce stade, vous vous dites peut-être : "Eh bien, rien de nouveau sous le soleil, merci pour ce rappel". Mais attendez, il y a un hic. Cette belle présentation, bien que correcte, reste réductrice. Car trop souvent, les femmes sont encore baladées de consultation en consultation, leurs symptômes mis de côté, catalogués sous l'étiquette bien pratique de "trop sensible" ou "vous exagérez un peu, non ?".
Par ailleurs, la santé sexuelle des femmes est indissociable de leur santé mentale. Mais laissez-moi vous expliquer pourquoi cette association est bien plus logique que vous ne le pensez.
La santé sexuelle des femmes, c'est un peu comme une symphonie complexe où chaque note compte pour créer une mélodie harmonieuse. Mais attention, cette symphonie ne se joue pas sans accroc. Imaginons un instant que la sexualité féminine soit une mécanique bien réglée, toujours en rythme et sans fausse note : ce serait une vision bien simpliste.
La réalité, c'est que le stress, l'anxiété, et les traumatismes viennent souvent perturber cette belle partition. Ces éléments, loin d'être anodins, peuvent faire dérailler cette mécanique, transformant ce qui devrait être une douce mélodie en un véritable concert de klaxons.
Vous voyez, la santé mentale et la santé sexuelle sont comme deux instruments d'un même orchestre : si l'un est désaccordé, l'autre en souffre immédiatement. Ce n'est pas juste une question de technique ou de "fonctionnement", c'est une question d'harmonie globale. Quand l'esprit est perturbé, quand les pensées virevoltent comme des notes dissonantes, cela se répercute inévitablement sur la sexualité et le bien-être général.
Intersectionnalité
Donc, pour que la symphonie soit belle et équilibrée, il faut accorder la même importance à la santé mentale qu'à la santé physique. Après tout, même la meilleure des pianistes ne peut jouer correctement si son piano est désaccordé.
Plus largement, il est essentiel de prendre en compte l'intersectionnalité dans la santé sexuelle. Autrement dit, il faut comprendre comment des facteurs tels que l'origine ethnique, la classe sociale, l'orientation sexuelle ou le handicap influencent l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge.C'est crucial pour une approche qui soit véritablement inclusive et équitable.
Prenons le "syndrome méditerranéen" comme exemple frappant de ces biais. Si vous ne le connaissez pas, c'est ce préjugé raciste selon lequel les personnes racisées exagèrent leurs symptômes et douleurs. Résultat : une prise en charge médicale négligente, voire défaillante.
Une enquête menée en France met en lumière cette réalité troublante : près de la moitié des répondants (48 %) rapportent des complications de santé directement liées, selon eux, au traitement qu'ils ont reçu. Cela se traduit par des retards de diagnostic pour 31 % d'entre eux, des infections pour 11 %, des opérations inutiles pour 9 %, et, plus tragiquement, des décès pour 2 %. Les personnes avec un accent étranger ou originaires des départements d'outre-mer sont particulièrement touchées, avec 7 % déclarant un décès parmi leurs proches.
En outre, il est important de comprendre que les besoins en matière de santé sexuelle ne sont pas immuables. Ils peuvent évoluer tout au long de la vie d'une femme, en fonction de ses expériences personnelles et de son contexte de vie.
Et les hommes dans tout cela ?
Messieurs, il est temps d'accorder vos violons dans la symphonie de la santé sexuelle des femmes, car vous avez un rôle clé à jouer dans cette partition. Pour commencer, il faut lever les barrières légales, sociétales et traditionnelles qui, soyons honnêtes, sont souvent le fait du patriarcat. Trop de femmes souffrent encore des conséquences d'un paternalisme imposé, et parfois, ces conséquences sont lourdes, voire tragiques. Alors, exit les vieux schémas !
Ensuite, parlons éducation sexuelle. Elle ne doit pas se limiter à une version édulcorée où on évite les sujets qui fâchent. Non, il faut une éducation complète, adaptée et démarrée dès le plus jeune âge.
Pourquoi ? Parce qu'une bonne base de connaissances, c'est comme des fondations solides pour une maison : ça tient bon face aux tempêtes. Cela permettrait de promouvoir le respect, la compréhension mutuelle, et de prévenir les comportements à risque.
Et voilà le twist : cette éducation doit aussi concerner les jeunes hommes, et pas seulement les filles ! Pourquoi ? Pour qu'ils deviennent des partenaires respectueux et informés, capables de construire des relations saines et égalitaires.
Et oui, messieurs, l'égalité des genres, ça commence par vous aussi. Alors, mettons fin au paternalisme et investissons dans une éducation sexuelle qui inclut tout le monde. Parce qu'après tout, on est tous dans le même orchestre, et chacun doit jouer sa partition juste.
Dialogue inclusif
Au demeurant, la santé sexuelle des femmes ne devrait jamais être reléguée au rang des sujets tabous, comme une vieille histoire qu'on chuchote à peine. Non, il est grand temps de briser ce silence et de lever la honte qui plane encore sur ces questions pour garantir un véritable bien-être.
Parlons des menstruations, des infections sexuellement transmissibles (IST), des maladies sexuellement transmissibles (MST), des grossesses--autant de sujets enveloppés de préjugés aussi tenaces que les clichés sur les belles-mères. Discuter ouvertement de ces sujets, c'est non seulement libérateur, mais absolument nécessaire.
Et soyons clair·es : l'accès à des soins et à une éducation sexuelle de qualité n'est pas un caprice de luxe, réservé à une élite. C'est un droit fondamental pour toutes les femmes, partout, sans exception. Imaginez un instant un monde où cette réalité est reconnue par tout le monde : une utopie, dites-vous ? Pourtant, c'est loin d'être impossible.
Pour y parvenir, nous devons encourager un dialogue inclusif, surtout avec celles et ceux qui ont le pouvoir de changer les mentalités : professionnel (le)s de santé, éducateurs et éducatrices, décideurs et décideuses politiques, vous êtes sur le banc de touche depuis trop longtemps !
Et je ne peux clore cette réflexion sans aborder la fameuse question de la ménopause, cette étape que tant de femmes traversent en silence, abandonnées à leur sort sous prétexte qu'un utérus, c'est uniquement pour procréer.
Il est grand temps de renverser cette vision réductrice et de promouvoir une approche positive et complète de la santé sexuelle des femmes, car c'est la clé de leur liberté, de leur autonomie, et de leur épanouissement.
Armelle Nyobé est spécialiste en communication. Elle répond à l'adresse armellenyobe@hotmail.fr