Ile Maurice: «Kaya a introduit le seggae pour qu'on le dépasse mais...»

5 Septembre 2024
interview

Vendredi, Mario Ramsamy, un des artistes mauriciens ayant percé en France et ailleurs au sein du groupe Émile & Images, de même qu'en solo, sera en spectacle au restaurant de Casela Nature Parks. L'artiste, qui remercie l'organisateur du spectacle, Moshin Moossa de Titanium Events, se dit fier d'être invité par un Mauricien pour retrouver son pays et s'y produire.

Comment s'est passé votre retour au pays natal ?

J'ai reçu un accueil digne d'un chef d'État. Merci. En tout cas, je vois que le Mauricien a encore du coeur, beaucoup de coeur. Et j'étais un peu stressé, je l'avoue, quand l'avion a atterri. Je me suis dit : qu'est-ce qui m'attend vraiment ? Et lorsque j'ai vu le premier sourire à la sortie de l'aéroport - c'était celui du mec qui me loue la voiture -, je me suis dit, ça y est, je suis chez moi. J'ai retrouvé le sourire mauricien.

Votre dernier séjour date de quand?

De presque une dizaine d'années...

N'avez-vous pas une petite appréhension en vous demandant si le public mauricien va aimer votre musique ?

J'espère avoir encore la capacité à donner du plaisir au public comme ces artistes de ton émission Nou Lar Nou Lamizik. La dernière que j'ai regardée était celle de Bruno Raya d'OSB. Elle m'a beaucoup touché. En plus, Bruno Raya parle le créole mieux que moi (rires). Je salue Bruno et je dis respect à OSB et à leur carrière musicale. Bruno Raya a une particularité musicale. Il y a un combat derrière sa musique. Alain Ramanisum aussi, qui mène un combat et qui fait une musique pour amuser les gens. Il est très fort.

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Il y a une génération de chanteurs, d'artistes mauriciens qui aimeraient vivre le rêve de Mario Ramsamy et d'exporter leur musique au niveau international et en vivre. Quel est votre secret ?

Je pense que je suis né sous une bonne étoile. Déjà, d'avoir connu ce Monsieur qui habitait à Mount, à Pamplemousses, qui m'a sorti de la cité Roche-Bois pour m'emmener chez lui et m'apprendre à jouer d'un instrument, la guitare et le piano, c'est une chance. Je n'oublie pas non plus la famille Thomas que je salue. Avoir eu cette chance m'a fait réaliser, au fond de mon âme, ce que je voulais faire de ma vie. Et pourtant, le jour où je l'ai réalisé, j'avais un super boulot à la British American Insurance. Je venais de prendre l'emploi et un mois plus tard, je suis parti. Mon père était scandalisé. Le Club Med cherchait un chanteur et je voulais faire du chant mon métier. J'ai toujours acté ce que je veux et j'arrive à réussir. Pourquoi ? Parce que j'ai cette volonté forte au fond de mon être de combattre mes envies et d'aller au-devant d'elles. Quel qu'en soit le prix.

Pensez-vous que vous auriez connu le même succès musical si vous étiez resté ici ?

Jamais de la vie. Ça, c'est une réalité. La culture de la chanson est beaucoup plus efficace puisqu'il y a le bhojpuri, le chintoïste, j'ignore si cela se dit ainsi, il y a notre créolité, la musique musulmane. Tout cela fait un son. Et ce son-là, on ne s'active pas à le faire exister et ces différentes couleurs qu'on a autour de la musique mauricienne. C'est ça notre «mauricienneté». On a une couleur de tout et c'est ce son-là qu'on doit défendre. Ce son-là, Kaya a commencé à l'emmener avec le seggae. Mais aujourd'hui, est-ce qu'on a dépassé le seggae ? On est encore en train d'écrire ou de composer dans l'esprit de Kaya. Kaya, il a emmené le seggae pour qu'on le dépasse, pour qu'on en fasse plus. On ne l'a pas fait. Pourquoi ? Je pense que c'est aussi un petit manque de moyens aujourd'hui, qui fait que culturellement, on n'arrive pas à montrer notre authenticité à Maurice.

Je vous ai entendu dire à une de vos fans que vous n'êtes pas une vedette. Or, c'est contradictoire, surtout lorsqu'on regarde votre carrière et tous les endroits où vous vous êtes produit. Vous n'auriez pu faire tout cela si vous n'étiez pas une vedette ?

J'ai pu le faire grâce à Stars 80... D'ailleurs, Les Démons de Minuit, Images, ça m'a donné les moyens et les possibilités aussi de faire Corps à Corps, Le Coeur en exil, Maîtresse. Lorsque je travaillais sur Les Démons de Minuit, le compositeur avec qui je bossais est parti. Donc, j'ai été obligé de tout faire. Et j'ai composé le morceau Maîtresse dans la même continuité, avec l'idée d'amuser les gens. Car pour moi, la musique, c'est cela. C'est là où je rejoins un peu Alain Ramanisum qui veut faire danser les gens, mettre de la joie et du soleil dans leur coeur. La musique c'est ça pour moi. C'est un combat pour dire qu'on existe dans toute forme de culture, sous toute forme de son. Et c'est pour cela qu'OSB a mon respect. Il fait ce qu'il faut pour que cela existe. Pour mener son combat, qui est peut-être aussi politique derrière. Il y a une connotation politique mais c'est autour de la musique.

Toute musique, pour moi, est un combat. Quand je suis arrivé en France, j'ai toujours dit que mon métier est un métier de branleur. Je m'excuse d'être grossier mais c'est vrai. Quand on rentre se coucher, il est 5 heures. Le monde entier se lève pour aller travailler. Et jeudi, vendredi, samedi, dimanche, on gagne 5 000 à 6 000 euros après être montés sur scène. Qui gagne ça ? Personne. Pour gagner 5 000 euros, il faut te lever à 5 heures, te taper 250 km, être commercial, avoir un certain nombre de clients. Ça, c'est du vrai boulot. Nous, on chante deux heures et l'argent tombe du ciel. Tu vois ce que je veux dire ? On le mérite toutefois parce qu'on a construit cette carrière.

Mais je trouve que la vie est très disproportionnée. C'est dommage. J'ai une vision d'une vie où tout le monde s'aime, gagne la même somme, se dit bonjour, sans qu'il n'y ait de différence. Et où l'on se regarde en tant qu'êtres humains.

Quel regard jetez-vous sur l'évolution de la musique mauricienne actuelle ?

C'est insuffisant à mon goût car on a suffisamment de cultures différentes pour pouvoir faire plus. Nous, les Mauriciens, nous avons le monde entier dans nos veines. Sur l'île, il y a eu des Portugais, des Français, des Anglais, des Espagnols, des Hollandais. On a tout cela en nous. On a l'africanité, on a l'indianité. Tout ce brassage de cultures, de sangs mêlés, est dans notre ADN. On aurait pu représenter une culture du monde, sauf qu'il faut avoir un peu de moyens pour cela.

À quoi s'attendre vendredi ?

À des surprises. Il n'y aura pas que Les Démons de Minuit ou Maîtresse. Je rendrai aussi hommage aux meilleurs, qui ont disparu comme Daniel Balavoine, Gregory Lemarchant et quelques autres. Je reprendrai leurs chansons populaires. Émile m'a dit : Mario, j'ai 75 ans, je veux être avec toi et t'accompagner sur Star 80. D'ailleurs, en 2025, il n'y a plus de Star 80. On reviendra en 2026 pour fêter les 20 ans de Star 80. Donc, on va refaire des stades, peut-être qu'il y aura un film et nous sommes en discussion à ce sujet. Pour en revenir à la question, il y aura des surprises vendredi soir. Zulu sera là mais lui n'est pas une surprise. Il y aura une invitée aussi. C'est une petite protégée. On appelle ça les enfants de la misère. Il faut avoir cette forme d'humilité. C'est avoir regardé l'autre avec beaucoup d'humilité parce que quand il y a du talent, il y a du talent. Vendredi, ce sera une messe entre le public et moi.

Quels sont les artistes mauriciens qui figurent sur votre playlist ?

Je les écoute tous car je suis curieux. L'an dernier, il y avait un mec qui ressemble à Jermaine Jackson. Il chante du R&B mais je n'ai pas retenu son nom. Il m'a touché. Il vient de Roche-Bois comme moi. Sky To Be chante et danse vachement bien. Il a une rage, il parle avec conviction. Ce gars-là a un truc très fort. Il doit persévérer en gardant cette authenticité et sa rage. Il a ce qu'il faut pour aller plus loin.

Un petit message à vos fans ?

Je les accueillerai avec un coeur gros comme le monde, comme l'univers. Je les aime et ils font partie de moi et je fais partie d'eux. Regardons-nous en humains.

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