Afrique: À Changsha, en Chine, une zone pilote du commerce sino-africain suscite l'enthousiasme des marchands

En plein coeur de la région du Hunan, à Changsha en Chine, se trouve le centre permanent d'exposition économique et commerciale Chine-Afrique, qui réunit des pavillons de chaque pays du continent africain. C'est un centre où l'on peut trouver aussi bien des fleurs, des bijoux, ou bien encore du thé importé des flancs du Kilimandjaro. Là, tous les regards sont tournés vers le Forum de coopération sino-africaine (Focac), qui pourrait offrir plus d'opportunités aux commerçants.

Un grand immeuble au coeur de Changsha, la capitale du Hunan, abrite le plus grand espace consacré aux commerces africains. Là, se trouvent une cinquantaine de pavillons représentant quasiment tous les pays du continent.

Au cours des dernières décennies, Changsha est devenue une ville à forte croissance, grâce à l'urbanisation et à l'industrialisation rapides de la Chine. C'est un centre important pour la fabrication, l'éducation et la technologie, en particulier dans les secteurs de l'automobile et de la machinerie. L'économie de Changsha est robuste, avec des industries dans la fabrication d'équipements, l'électronique et les innovations de haute technologie.

Depuis 2019, Changsha est la ville hôte de l'exposition économique et commerciale bisannuelle Chine-Afrique. Cet événement constitue une plateforme majeure pour le renforcement des relations commerciales et la promotion des investissements entre la Chine et les pays africains. Il présente des produits, des projets et des opportunités commerciales de la Chine et de l'Afrique, favorisant les partenariats dans des secteurs tels que l'agriculture, l'industrie manufacturière et la technologie.

Les entreprises et institutions basées à Changsha travaillent à l'amélioration de la productivité agricole en Afrique par le biais de programmes de formation, d'échanges technologiques et d'entreprises communes, qui soutiennent la sécurité alimentaire et le développement rural sur tout le continent.

Import export fructueux

Assise derrière une table à thé, Chen Shu Hui, la gérante de Hunan Rift Valley Purple, sert son Purple Tea, du thé violet biologique, qui vient tout droit du Kenya. « Le thé violet est unique parce qu'il pousse sur les versants du Kilimandjaro, à plus de 2 000 mètres d'altitude », explique-t-elle. « En raison de la forte lumière ultraviolette et de là où il pousse, pas de parasites, donc pas besoin d'utiliser des pesticides. Il est riche en minéraux et en oligo-éléments, ce qui en fait une perle rare parmi les thés. »

Ce qui lui a permis d'importer du thé kényan, ce sont les Green Lanes - la simplification des procédures douanières visant à améliorer l'efficacité commerciale entre la Chine et les pays africains. « Grâce à une coopération accrue facilitée par les foires commerciales et à un soutien gouvernemental fort, China Southern Airlines a augmenté le nombre de ses vols directs à trois par semaine. Cela combiné aux subventions pour les frais d'expédition... c'est un soutien important. »

L'envoi des spécialistes du thé chinois au Kenya permet d'exporter le savoir-faire, tout en créant des opportunités sur place. « Ils utilisent des équipements chinois importés de Chine. Cela a eu un impact sur nos exploitations en offrant d'importantes possibilités d'emploi à la population locale. Cela a aussi permis à leurs produits agricoles d'entrer sur le marché chinois. »

Elle n'est pas la seule à avoir trouvé au Kenya un marché qui puisse satisfaire les consommateurs chinois. Huang Zinan, la directrice de Xiyue Flowers, arrange des bouquets de douze roses sur son étale. 50 euros, c'est le prix de ces fleurs resplendissantes aux odeurs uniques. « Les fleurs fraîches nécessitent un environnement de transport très efficace. Grâce à la politique du circuit vert, une fois les fleurs cueillies au Kenya, elles peuvent arriver ici en 17 heures. Si le délai de dédouanement était prolongé, les fleurs seraient déshydratées et plus fraîches. »

Les Green Lanes lui ont également permis de réduire le temps et le coût associés à l'importation et à l'exportation de marchandises entre la Chine et l'Afrique. « Nous avons une politique de priorité aux douanes de l'aéroport de Changsha, qui permet aux produits frais d'être dédouanés en moins d'une demi-heure. Le Hunan est une province pilote pour le commerce Chine-Afrique et dispose de politiques spéciales, favorables à la promotion des activités économiques et commerciales avec l'Afrique. »

Changsha a donc une longueur d'avance dans le commerce avec l'Afrique par rapport à d'autres régions. Huang Zinan espère que le Forum sino-africain agrandira les opportunités. « Le Forum aborde divers sujets concernant le commerce entre la Chine et les pays africains. Il pourrait y avoir plus d'approbations d'entrée de produits ou des discussions sur les possibles investissements, ce qui nous préoccupe particulièrement. »

Cette facilité du commerce entre la Chine et le continent africain lui donne envie désormais d'importer des avocats du Kenya, ou encore des poissons d'ornement de Tanzanie.

Un marché voué à s'ouvrir davantage

Aujourd'hui, il est nécessaire pour les pays africains de diversifier leurs marchés, comme l'explique Sena Yao von Kujovi, analyste politique Afrique-Chine pour Developments Reimagined, une agence de conseil en développement international. « Il est important que les pays africains ne se contentent pas d'exporter des matières premières, mais qu'ils ajoutent de la valeur à leurs matières premières afin de pouvoir pénétrer le marché chinois. »

L'analyste explique qu'il y a un problème de déficit commercial. Ce déficit s'est creusé entre 2021 et aujourd'hui. Il était d'environ 43 milliards de dollars. En 2023, il est passé à 63 milliards de dollars. « L'un des moyens de contrer ce phénomène est donc d'augmenter non seulement le volume des échanges agricoles, mais aussi la valeur de tout ce qui est importé en Chine. »

Pour Sena Yao von Kujovi, les investissements chinois font lever les sourcils de la communauté internationale. « Je pense qu'il suffit de regarder les titres des journaux et ce que disent certains dirigeants politiques. Il est évident et flagrant qu'ils sont très sceptiques à l'égard de la Chine. Certains dirigeants africains le sont aussi, mais ce que nous voyons, c'est qu'un certain nombre de dirigeants africains et des institutions africaines qui s'engagent réellement en Chine, trouvent que cette critique est très simplifiée. »

Pour lui, cette analyse ne prend pas en compte la volonté qu'ont des pays africains de s'engager avec la Chine. Le discours consiste simplement à penser que les relations commerciales sont imposées à l'Afrique par la Chine, ce qui enlève tout pouvoir aux gouvernements africains. « Ce discours doit donc être plus équilibré pour pouvoir considérer davantage les perspectives africaines et comprendre pourquoi, par rapport à d'autres partenaires, les relations entre la Chine et l'Afrique se développent de la sorte. »

Les promesses du Focac 2024

L'endettement croissant de nombreuses nations africaines, à cause des prêts chinois, est un problème persistant. Si la Chine a joué un rôle déterminant dans le financement de projets d'infrastructure, la viabilité à long terme de ces dettes suscite de plus en plus d'inquiétudes, en particulier dans les petits États africains économiquement fragiles.

Le président chinois Xi Jinping a exposé son plan d'action en dix points qui seront inscrits dans les déclarations finales : commerce, industries, interconnectivité, développement, santé et agriculture sont parmi les grands thèmes.

La nouvelle la plus attendue de ce forum : Pékin va élargir de façon unilatérale l'ouverture de son marché. Le gouvernement chinois va accorder à l'Afrique un soutien financier de 360 milliards de yuans, environ 45 milliards d'euros, dans les trois ans à venir.

L'une des principales priorités, c'est de moderniser les infrastructures africaines - la phrase de Xi Jinping « small but beautiful projects » - « de petits mais beaux projets » - revient très souvent et sous-entend une volonté de s'engager dans des projets mieux adaptés aux besoins spécifiques des communautés locales.

Les pays africains veulent de meilleures conditions commerciales avec la Chine. Nombre d'entre eux espèrent une réduction des déséquilibres commerciaux et un meilleur accès aux marchés chinois pour les produits agricoles et manufacturés africains. Les trois prochaines années seront, selon la déclaration finale du Focac 2024, vouées à pallier les déséquilibres.

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