Burkina Faso: Restauration des terres dégradées - Les demi-lunes multifonctions adoptées avec succès par les PDI de Oula

5 Septembre 2024

Une technologie combinant à la fois les demi-lunes, le zaï et l'arboriculture, appelée demi-lunes multifonctions, fait son petit bonhomme de chemin à Oula, commune rurale de la province du Yatenga (Ouahigouya), dans la région du Nord. Elle a déjà fait ses preuves dans plusieurs localités et continue de séduire plus d'un producteur. Ces demi-lunes multifonctions ont permis aux Personnes déplacées internes (PDI) qui manquaient de terres cultivables, de restaurer des terrains arides pour la production agricole.

Une pluie a arrosé ce samedi 29 juin 2024, Oula, commune rurale de la province du Yatenga dans la région du Nord. Les producteurs sont sortis massivement pour semer. Chez les Personnes déplacées internes (PDI) par contre, trouver une terre fertile relève d'un parcours du combattant. La plupart manquait de terres pour cultiver. Alors, elles se sont ruées sur des terrains incultes, impropres à la production agricole.

Cette réalité implacable s'est imposée à Rakièta Zoromé, une PDI venue de Tougou dans la commune rurale de Namissiguima. Arrivée en avril 2023 à Oula, elle était loin de s'imaginer être confrontée à un problème de terre cultivable. « C'est quand les premières pluies ont commencé que j'ai compris qu'il sera difficile de disposer d'un lopin de terre cultivable dans notre site d'accueil », explique-t-elle. Sans en faire une fatalité, Mme Zoromé se tourne vers une technique de récupération de terres dégradées qu'elle a apprise auprès des encadreurs agricoles. Il s'agit des demi-lunes multifonctions.

Armée de pioche, de pelle, d'un triangle à pente à niveau, d'une corde et d'un rayonneur, elle trace dans sa parcelle d'un quart d'hectare (0,25 ha), des demi-cercles (demi-lune) et creuse à l'intérieur des trous perpendiculaires à la pente. Au milieu du cercle, se dresse un autre trou destiné cette fois-ci à planter un arbre. En creusant à l'intérieur de la demi-lune, on enlève la première couche de terre que l'on dépose en amont. Celle-ci est ensuite mélangé avec du compost. Ce mélange est répandu dans la demi-lune. Il y a également les lignes, celles qui serviront de micro bassins pour contenir les eaux de pluie.

Une technologie qui fait la différence

A en croire le technicien supérieur d'agriculture de la direction régionale en charge de l'agriculture du Nord, Boukary Bélem, les demi-lunes multifonctions de Mme Zoromé sont séparées les unes des autres par un espacement de 4 mètres (m).

D'une demi-lune à une autre, l'espacement recommandé est de deux mètres, dit-il. Cette technologie combine à la fois les demi-lunes simples, le zaï avec une dose d'arboriculture. Grâce à elle, Mme Zoromé a réussi à restaurer un terrain de 0,25 ha en 2023. Pour la campagne agricole en cours, elle a décidé d'aller plus loin en portant la superficie à 0,5 ha.

Comme elle, Harouna Ouédraogo et sa famille ont trouvé refuge à Oula à cause de l'insécurité. L'agriculture est leur principale activité. Dès leur arrivée à Oula, ce qui les lie à la terre est resté intact. Le désir de cultiver résonne dans le coeur. Face à la rareté des terres arables, M. Ouédraogo accepte de prendre tout ce qu'on lui donne. Il se retrouve avec un terrain lessivé, abandonné depuis belle lurette.

Cette situation le pousse à libérer son génie créateur : la construction des demi-lunes multifonctions dont il a reçu des notions grâce à un projet. Il se lance sans hésiter. Au bout du compte, il est parvenu à redonner vie à son terrain nu d'un quart d'hectare. La parcelle étant devenue fertile, tout y pousse. « Je n'ai plus à me faire des soucis cette année parce que je dispose déjà d'un lopin de terre fertile que je peux exploiter à ma guise. Mieux, j'ai augmenté la superficie à un hectare », se réjouit-il.

Une technique prometteuse

Boukary Bélem est admiratif de cette technologie en ce sens qu'elle permet de reverdir les terrains arides. Yacouba Ouédraogo, agronome, soutient que cette nouvelle technique a déjà montré ses preuves en matière de restauration des sols dégradés. A Oula, révèle-t-il, ce sont jusqu'à 11 ha de terres qui ont été récupérées en 2023 au profit d'une cinquantaine de ménages PDI. Rakièta Zoromé et Harouna Ouédraogo étaient tous deux bénéficiaires de ces terres restaurées.

Depuis lors, ils ne jurent que par cette technique pour restaurer leurs terrains. La maîtrise de la technologie les éloigne peu à peu des soucis liés à l'infertilité des sols. M. Ouédraogo dit avoir réussi à redonner vie à sa parcelle de production qui, du reste, a recouvré la verdure. « Pour la présente campagne agricole, je n'ai plus de souci à me faire. J'ai un lopin de terre pour cultiver », s'enthousiasme-t-il. L'agronome Yacouba Oué-draogo est séduit par les avantages de cette technologie.

La demi-lune multifonction, reconnait-il, en plus d'avoir les avantages de la demi-lune simple, contient un micro bassin de captation d'eau en amont avec une dimension de 2 m de long, 0,5 m de large et 0,5 m de profondeur. « La pratique de cette technique culturale permet non seulement de capter l'eau de ruissellement et de favoriser son infiltration, mais aussi de réduire l'érosion hydrique, de provoquer la sédimentation et de récupérer, enfin, des terres », souligne-t-il.

Les terres ainsi restaurées redeviennent riches avec une capacité productive élevée. La différence entre les demi-lunes multifonctions et les demi-lunes simples se trouvent au niveau de leur capacité à retenir l'eau au cours d'une période donnée, explique l'agronome. Ce stockage d'eau varie entre 10 et 14 jours pour la multifonction contre 7 jours pour la demi-lune simple, précise-t-il. De plus, poursuit-il, la durée de vie d'une demi-lune multifonction varie entre 2 à 5 ans. Boukary Belem rassure de son côté que même s'il y a un arrêt précoce des pluies, la demi-lune multifonction a la capacité de garder l'humidité jusqu'à la maturation de la plante. « Si la technique est bien respectée, la production ne peut qu'être bonne », insiste-t-il.

De bonnes récoltes

Lors de son cours d'apprentissage, Rakièta Zoromé a voulu abdiquer. Et pour cause ? La construction de la demi-lune multifonction est un travail harassant qu'elle n'était pas prête à supporter.

« Il y a des détails à respecter scrupuleusement », relève-t-elle. Son champ qui a recouvré l'entière fertilité lui a rapporté gros l'année dernière au point qu'elle est motivée aujourd'hui à adopter cette technologie, peu importe le prix à payer pour la réaliser. « Malgré la mauvaise saison de l'année passée, j'ai fait un bon rendement.

Jusqu'à présent, nous consommons le sorgho que nous avons eu à la fin des récoltes. Ma famille ne souffrira pas de faim cette année pendant la période de soudure. C'est pourquoi pour la campagne 2024, j'ai décidé d'agrandir mon champ à un demi hectare », martèle-t-elle, toute heureuse. Des propos confirmés par Harouna Ouédraogo qui ajoute que si la technique est bien respectée, le rendement sera toujours au rendez-vous.

« La demi-lune multifonction ne ment pas. Il y a toujours un bon résultat à la fin. Je la conseille à tout producteur », atteste Boukary Lèga, une personne hôte qui utilise la technologie dans son champ. Au cours de la campagne humide 2023, il a expérimenté avec succès cette technique dans un champ d'un hectare. Les résultats, il laisse le soin à son entourage d'apprécier.

« Ma production a été excellente. J'ai eu une tonne de niébé, des tonnes de sorgho et de sésame. Quand on compare avec les récoltes des autres producteurs qui n'ont pas adopté la technologie, le rendement n'est pas le même », soutient-il. Avec 24 bouches à nourrir dans sa famille, il se demande ce qu'il allait advenir s'il n'avait pas opté pour les demi-lunes multifonctions qui lui ont rapporté de bonnes récoltes.

Car jusqu'à présent, reconnaît-il, rien ne manque à sa famille. Boukary Lèga a pris conscience que ce n'est pas en exploitant de grandes superficies qu'il pourra remplir ses greniers. Les demi-lunes multifonctions font désormais partie de ses choix.

Pour la présente campagne, il veut passer d'un à deux, avec l'espoir d'accroître considérablement sa production.

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